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à la gloire de l'Etre faint. Ou s'ils avoient pour objet de plaire aux Dieux, l'objet étant faux, les vertus l'étoient auffi. Ils n'avoient pas non plus de motifs fuffifans pour rendre les hommes conftans dans la pratique des devoirs, dont ils faifoient une fi belle peinture. Seneque parle magnifiquement du mépris du monde, mais il ne perfuade pas, parce qu'on ne voit pas le motif de ce mépris. La raifon nous apprend bien à ne pas abufer des biens du monde, en nous livrant aveuglement à nos paffions, parce que tout excès défhonore, & ruine infailliblement, de maniere ou d'autre. Mais s'il n'y a point de meilleurs biens que ceux du monde, c'eft orgueil, ou fimplicité de les méprifer. La Morale des Apôtres fe foutient parfaitement. Elle ne défend l'ufage des biens du monde qu'autant qu'il eft un obftacle à la poffeffion des biens du Ciel, & à la pratique de la fainteté, qui en eft le chemin. En un mot, elle eft fondée fur ce principe du bon fens, de préférer ce qui eft ftable & certain à l'instabilité même, ce qui eft éternel à ce qui n'eft que passager & périffable, & de facrifier un avantage médiocre à un avantage infini.

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La Morale des Ecrivains facrés a encore une grande prérogative fur celle des Païens, c'eft que ces derniers ne s'accordent pas dans l'idée qu'ils donnent de la vertu. (*) Il paroît par leurs variations qu'ils fe font fait un fyftême de vertu felon leur propre génie, ou qu'ils ont eu des maîtres différens. Mais les Apôtres ont été fi uniformes fans fe confulter, qu'on voit bien qu'ils n'ont eu qu'un même Maître, & le plus excellent de tous les Maîtres. Un lecteur attentif n'aura pas de peine à tirer la conféquence qui naît de toutes ces réflexions; c'eft que ceux qui ont écrit des Livres qui contiennent une doctrine & une Morale complete dans fes parties, fi parfaite dans fes degrés, fi proportionnée à tous les befoins de l'homme, ont dû être infpirés par celui qui, ayant formé l'homme, fait comment il faut le conduire au fouverain bien.

(*) C'est à quoi n'a pas fait attention M. Freret, Auteur de l'Examen des Apologiftes du Chriftianifme, lorsqu'il a comparé la Morale des Philofophes Païens à celle des Chrétiens.

EZÉCHIE L.

Explication de quelques passages qu'on a donnés comme fcandaleux.

M. de V. voudroit-il qu'Ezechiel, prophétifant dans la Palestine, eût agi comme un petit-Maître de nos jours? Il lui fait un crime d'avoir parlé aux Juifs en figures, & d'une maniere allégorique. Tel étoit l'ufage des Orientaux, & fur- tout des Juifs. Lorfque ce peuple fe rendoit infenfible aux paroles, il falloit le toucher par des actions. Ce langage plus expreffif & plus perfuafif le corrigeoit fans l'aigrir, parce que l'homme qu'on inftruifoit ainfi, obligé de deviner l'énigme, paroiffoit plutôt fe faire la leçon que la recevoir. Cette façon de corriger ou d'inftruire, humilie moins l'amour propre, & doit faire plus d'effet. Ezechiel fe conforme à cet ufage, ou plutôt à l'ordre du Seigneur, en annonçant aux Ifraélites qu'ils mangeront leur pain fouillé parmi les Nations qui devoient les conduire en efclavage. Pour leur faire comprendre à quelles extrêmités ils feront réduits, il reçoit ordre du Seigneur de couvrir fon pain d'excremens humains, & de le manger ainfi en leur préfence; mais comme il repréfente à Dieu qu'il n'a jamais été fouillé depuis fon enfance, Dieu lui donna la permiffion d'y fubftituer des excremens de bœuf. L'Auteur da la Philofophie de l'Hiftoire nous trompe quand il s'exprime ainfi mais après avoir mangé de ce pain de douleur, Dieu lui permet de ne le couvrir que des excremens de bœuf. Il n'eft point dit qu'il mangea fon pain couvert d'excremens humains, mais feulement qu'il en reçut l'ordre. L'Auteur falfifie encore le Chap. XVI. du même Ezechiel. Il introduit le Seigneur parlant à la Nation Juive; voici les termes qu'il attribue à Dieu : Quand tu naquis, on ne t'avoit pas coupé le nombril; tu n'étois ni lavée ni falée...... tu es devenue grande ia gorge s'eft formée, ton poil a paru; j'ai passé, j'ai connu que c'étoit le tems des amans. Je t'ai couverte, & je me fuis étendu fur ton ignominie.

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Pour juger de la fidélité de notre Auteur à interpréter les textes, je vais vous rendre le vrai fens de celui-ci; vous verrez comme il abuse indignement de l'Ecriture fainte. Le Seigneur propofe une fimilitude; c'eft fous le type d'une femme qu'il parle à la Nation Juive. Il lui dit qu'il a pris foin de fon enfance; les différens degrés de force que cette Nation a acquis, font repréfentés fous le fymbole des différens états, de l'enfance, de la jeuneffe & de la puberté, par lefquels paffe une femme avant qu'elle devienne mere. La coutume de donner du fel aux enfans, rapportée ici, étoit particuliere aux Juifs. Le Seigneur ajoute: j'ai paffé, j'ai vu que le tems des Amans étoit venu; mais au-lieu de dire, je t'ai couverte, je me fuis étendu fur ton ignominie, comme l'Auteur l'a traduit en blafphêmant, il y a dans le texte, j'ai étendu un voile fur toi. ( extendi amictum meum fuper te & operui ignominiam tuam. Ezéch. C. 16. N. 8.) & j'ai caché ton ignominie; ce qui fait, comme on voit, deux fens bien différens. Dans le Chap. XXIIe. cité par l'Auteur, Ezechiel reproche au peuple de Juda & d'Ifraël leur Idolâtrie & leur débauche, fous les noms d'Oolla & d'Oolibia. Il paroît que ce Prophête à la fin de ce Chapitre fait allufion à cet ufage infâme de se proftituer dans les temples des Idoles. Il reproche aux femmes Juives & Ifraélites qu'elles fe font livrées aux grands Seigneurs d'Affyrie, aux Chefs de la Nation, aux jeunes gens aux Cavaliers Affyriens & Babyloniens, qu'elles ont adoré leurs Idoles, qu'elles leur ont facrifié leurs enfans, que c'eft pour tous ces crimes que le Seigneur les punira, & que ces deux peuples feront menés captifs en Affyrie & à Babilone, comme cela arriva en effet. Si le langage du Prophête paroît trop nud, c'eft que fon intention étoit aufli pure que fes mœurs.

M. de V. a dit plufieurs fois, & il répéte encore dans le même Chapitre d'Ezéchiel, qu'il ne faut pas juger des ufages anciens par les modernes, qu'il faut fe défaire des préjugés de l'enface quand on lit les anciens Auteurs, ou qu'on voyage chez des Nations éloignées. Que ne met-il en pratique une bonne fois pour toutes les préceptes qu'il donne? Qu'il life l'Ecriture avec l'efprit d'un Chrétien foumis; qu'il fe tranfporte dans

le tem's où les Prophêtes ont écrit ; qu'il faffe atten tion au peuple pour lequel ils écrivoient; & au-lieu de critiquer il admirera & fe taira.

FANATISME.

Il produit plus de vertus que l'Irreligion. LES Philofophes modernes s'élevent beaucoup con

tre le fanatifme, & ils ont raifon; mais ce qu'ils n'ont garde de dire, & ce qui n'eft pas moins vrai, dit M. Rouffeau, c'eft que le fanatifme, quoique fanguinaire & cruel, eft pourtant une paffion grande & forte qui éleve le cœur de l'homme, qui lui fait méprifer la mort, qui lui donne un reffort prodigieux, & qu'il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus fublimes vertus; au-lieu que l'irréligion, & en général l'efprit raisonneur & philofophique attache à la vie, effémine, avilit les ames concentre toutes les paffions dans la baffeffe de l'intérêt particulier, dans l'abjection du moi humain, & fappe ainfi à petit bruit les vrais fondemens de toute fociété ; car ce que les intérêts particuliers ont de commun eft fi peu de chofe qu'il ne balancera jamais ce qu'ils ont d'oppofé. Si l'Athéisme ne fait pas verfer le fang des hommes, c'eft moins par amour pour la paix, que par indifférence pour le bien comme que tout aille, peu importe au prétendu fage, pourvu qu'il refte en repos dans fon cabinet. Ses principes ne font pas tuer les hommes; mais ils les empêchent de naître, en détruifant les mœurs qui les multiplient, en les détachant de leur efpece, en réduisant toutes leurs affections à un fecret égoïfme, aufli funefte à la population qu'à la vertu. L'indifférence philofophique reffemble à la tranquillité de l'Etat fous le defpotifme; c'eft la tranquillité de la mort; elle eft plus deftructive que la guerre même.

FOI.

§. 1.

Quoique la Foi foit un don de Dieu, les Incrédules ne font pas moins blâmables de ne pas

croire.

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1o. II. eft certain que Dieu n'a pas donné à l'homme la raifon , pour lui rendre un fi grand préfent, non-feulement vain mais encore nuifible en ne lui propofant que des objets de foi, contre lefquels fa raifon fut dans une révolte continuelle. Mais il a lié les vérités inconcevables aux hommes, à d'autres vérités qu'ils connoiffent, dont ils peuvent s'inftruire par les voies les plus connues. Ces vérités font aifées à connoître par des faits, fur lefquels il n'y a pas à difputer. Or la Religion Chrétienne eft attachée à des faits, dont la vérité ne peut être contestée de bonne foi.

20. Les miracles de Moyfe, de JESUS-CHRIST, des Apôtres, des Martyrs, & de toute l'Eglife, durant plufieurs fiécles, font clairs, convainquans, indubitables. Il faut vouloir combattre le fens commun pour y réfifter. C'est ce qui a porté les Payens pendant trois cens ans, à les attribuer à la magie, ne pouvant en nier l'évidence. Mais lorsque ces miracles font autorifés par des Prophéties très-certaines & très-clairement vérifiées, il faut que l'opiniâtreté la plus infenfée demeure muette.

JESUS CHRIST a demandé la foi aux hommes, dit St. Augustin, mais avant que de la demander; il l'a méritée. Car ayant fait tant de miracles & de miracles tels, comme il dit lui-même, que jamais homme n'en avoit fait de femblables; il faudroit être prévenu d'une opiniâtreté inexcufable pour ne le pas croire. Chriftus miraculis conciliavit autoritatem, autoritate imperavit fidem. Il a fi exactement rempli toutes les merveilles que les Prophêtes ont prédites du Meffic, qu'on ne fauroit dire lequel des deux eft le

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