Immagini della pagina
PDF
ePub

de la Nation Judaïque, furent les précepteurs de cette Nation; c'est comme fi l'on prétendoit que M. de V.. a pris des leçons de l'Abbé des Fontaines ou de St. Hyacinthe. Eft-il apparent que deux peuples animés l'un contre l'autre par la haine la plus invétérée I cherchent des inftructions les uns chez les autres ? M. de V. peut trouver cela très-probable, mais qu'il nous foit permis de rejetter fa façon de juger.

Nous n'examinerons point tous les paffages que M. de V. cite pour trouver des contradictions dans la Genefe. On n'a qu'à ouvrir les Commentateurs les plus communs, & on y verra les explications qui concilient ces contrariétés apparentes. Entrons pourtant dans quelques détails. M. de V. prétend qu'il faut traduire le premier verfet de la Genefe: Au commencement les Dieux firent ou les Dieux fit le ciel & la terre. Cette verfion n'eft pas affurément d'un homme inftruit. Tous les traducteurs Juifs & Chrétiens la réjetteront; aucun ne l'a adoptée. Tous difent: Dieu créa le ciel & la terre, & ils ont rendu raifon de cette verfion qui eft d'ailleurs conforme à l'original. Moyfe, difent-ils, en mettant l'augufte nom de Dieu, & non des Dieux au frontifpice de cet ouvrage, veut leur apprendre à l'adorer lui-même, comme la caufe unique & originale de toutes chofes, comme le créateur, tant des chofes vifibles que des invifibles, par oppofition à la multitude des faux Dieux, que les Egyptiens & les Phéniciens adoroient. C'eft, felon la remarque d'Eufebe, comme s'il difoit à toute la nation: « Vo»tre Légiflateur, celui qui vous a donné les loix » que vous trouverez dans mes Livres, eft le Roi » de la nature, le Dieu qui gouverne tout l'univers. »Ce monde n'eft que comme une vafte cité, qu'il >>tient fous fon empire. Vous devez donc le regar>> der moins comme votre Légiflateur particulier » que comme celui dont les ordres fuprêmes reglent » la nature & tous fes mouvemens. »

[ocr errors]
[ocr errors]

M. de V. répéte enfuite ce qu'il avoit déjà dit dans fon article Ciel, fur l'ignorance des Juifs. Mais cette ignorance eft-elle toujours bien réelle ? N'abuse-ton pas de quelques mots, pour fe forger des chimeres? M. de V. dit fur ce paffage: Dieu fit deux grands luminaires, l'un pour préfider au jour, l'autre à la nuit ;

>> les Juifs ne favoient pas que la Lune n'éclaire que » par une lumiere réfléchies. » Mais qui lui a dit qu'ils ne le favoient pas & d'ailleurs qu'elle emprunte fa lumiere d'un corps étranger, ou qu'elle la tire d'ellemême; l'Auteur facré n'a-t-il pas pu dire qu'elle préfide à la nuit ?

Dieu fit auf les étoiles, dit la Genefe; & le judicieux M. de V. ajoute : « l'Auteur parle ici des »étoiles comme d'une bagatelle, quoiqu'elles foient >> comme autant de foleils. » Mais je demande à tout Lecteur non prévenu, fi des mots du Texte facré, on peut inférer que l'Auteur parle des étoiles comme d'une bagatelle. Le divin Hiftorien raconte les chofes les plus étonnantes, avec la plus grande fimplicité; & cette fimplicité eft fublime, quoi qu'en dife M. de V. On peut confulter les réflexions de Boileau fur Longin, à l'occafion de ce paffage; que La lumiere' foit, & la lumiere fut. Nous ne reviendrons point à cette ancienne difpute que nous croyons terminée par tous les gens de goût; mais nous redirons, que l'Auteur facré, racontant fimplement les merveilles de la création, n'avoit pas befoin d'avertir que les étoiles étoient autant de Soleils. Il vouloit faire une Hiftoire, & non un Commentaire de Phyfique. Pourquoi fe feroit-il plutôt arrêté aux étoiles qu'aux autres objets de l'Univers? Tout eft merveilleux dans la création comme dit M. de V., & celle de la lumiere ne l'eft pas plus que celle de l'herbe des champs. Cet Écrivain ne veut pas que la lumiere ait été créée avant le foleil; il contredit le texte facré ; mais quelle contradiction y a-til que la matiere lumineufe dont le foleil & les étoiles ont été formés, ait eté créée avant ces aftres? Il en eft de même de la plupart des autres contradictions qu'il trouve dans les Livres faints; une légere attention peut les concilier.

Qu'il nous foit permis encore de renvoyer pour ce qui regarde le Paradis Terreftre aux favantes differtations de M. Huet & de Dom Calmet. Quand on accorderoit à M. de V. qu'il n'eft pas poffible de concilier la pofition actuelle du Tigre, de l'Euphrate avec la defcription de l'Ecriture; qu'en faudroit-il conclure? que la Bible fe trompe ? non;

mais que depuis près de 6000 ans, après un déluge univerfel des inondations fréquentes, les Fleuves dont il eft parlé dans Moyfe peuvent avoir changé de lit. Quoi ! M. de V. traitera-t-il de menteurs les Hiftoriens de St. Louis qui difent que ce Monarque s'embarqua à Aigues - mortes, parce que ce n'eft plus aujourd'hui un port de mer? Il en eft de même des Hiftoriens facrés; mais qu'on voie à ce fujet les Auteurs que nous avons cités. On ne peut pas traiter folidement dans de petits livres, ce qui a produit des in-folio. M. de V. répand plus de doutes dans une brochure comme un almanach nos Commentateurs n'en ont éclaircis dans des volumes immenfes.

, que

[ocr errors]

Il est vrai qu'il ne s'amufe pas comme eux, à prou ver ce qu'il avance par de bonnes citations. Il affirme il décide & il faut croire l'oracle. « Les Hébreux >> peuple très - recent, ont toujours employé pour >>eux les anciennes traditions des grandes nations >> au milieu defquelles ils étoient enclavés. » Ce feroit trop gêner M. de V. que de lui demander les preuves de ce fait, qui paroîtra certainement bien étrange à tout homme instruit.

[ocr errors]

M. de V. veut que le Dieu des Juifs ait été auffi capricieux & auffi barbare qu'eux; parce qu'il en dit dans quelques endroits de l'Ecriture qu'il se répentit, qu'il fe mit en colere. Mais ces paroles ne fignifient pas que Dieu reffentit du chagrin, ni qu'il changea de deffein; car il eft fouverainement heureux & immuable. Mais l'Ecriture s'accommode ici, comme dans une infinité d'autres endroits à notre maniere de parler & de concevoir. Quand nous voyons quelqu'un qui détruit ce qu'il a fait, nous disons qu'il fe répent de l'avoir fait, & qu'il a changé de deffein & cela eft ainfi ; mais en Dieu il n'y a ni repentir ni changement. Ce qu'il veut aujourd'hui, il le veut de toute éternité; & quand l'Ecriture dit qu'il fe repentit, cela fignifie feulement qu'il fit ce que fait un homme, c'est-à-dire, qu'il détruifit fon ouvrage. Il en eft de même des endroits où l'Ecriture dit que Dieu fe mit en colere, qu'il eft jaloux &c. Ils doivent s'entendre fimplement de certaines actions extérieures, qui dans les hommes feroient

l'effet de la colere, de la jaloufie, &c. Moyfe ayant à fe faire entendre à des hommes charnels & groffiers, devoit fe proportionner à leur intelligence & emprunter quelquefois leur langage. Voilà la clef d'une foule de difficultés que les Incrédules font valoir, & M. de V. après eux.

:

[ocr errors]

Il en eft de même de la plupart de fes autres affertions elles ne peuvent féduire que les ignorans ou ceux qui ont quelque intérêt à fe laiffer tromper; mais pour les ames vraies , pour les efprits droits qui cherchent à s'inftruire, elles paroîtront ce qu'elles font réellement, un tas d'objections fans force, de difficultés puériles, de nuages légers qui fe diffiperont à la lueur de la raifon & de la vérité. Il est donc de notre devoir d'inviter de nouveau nos Lecteurs à lire le favant Commentaire de Dom Calmet, & même celui de M. Chais favant Miniftre Proteftant, qui a publié le fien il y a quelques années, en quatre vol. in-4°. Ces illuftres Commentateurs conviennent qu'il y a des obfcurités dans l'Ecriture fainte & fur-tout dans les premiers Chapitres de la Genefe; mais cela ne fauroit leur paroître étrange. Le Pentateuque a été écrit dans un tems fi éloigné du nôtre; la langue dans laquelle il a été écrit étoit fi pauvre, fi hériffée d'Amphibologies, qu'il feroit bien extraordinaire qu'on pût lire ce Livre divin avec la même facilité qu'on liroit aujourd'hui une Gazette. Mais qu'on examine mûrement; qu'on fe donne la peine de méditer, on verra tous les brouillards élevés par l'incrédulité se diffiper au grand jour.

[merged small][ocr errors]

Réflexions fur les difputes touchant la Grace.

N ne peut porter plus loin l'infulte & la dérifion, que le fait M. de V. dans cet article. Que gagnerions-nous à répondre à des turlupinades? rien: auffi nous nous bornerons à faire, d'après M. l'Abbé Trublet, quelques réflexions fur les matieres de la

[ocr errors]

grace. Elles pourront être utilés aux Théologiens qui, au lieu de la demander, difputent fur elle de façon à ne l'obtenir jamais.

On trouve dans tous les fyftêmes imaginés par les Scholaftiques, de très-grandes difficultés. Il refte dans tous de l'incompréhenfible, & le Pélagien même, pour peu qu'il foit preffé, doit s'écrier avec St. Paul, & altitudo! auffi-bien que le Catholique. La feule permiffion de pécher, fera toujours une difficulté infoluble; parce que Dieu ayant pu empêcher le péché fans détruire la liberté, il paroît en être l'Auteur. Mais le mot de St. Paul fuffit à la foi, & dès-lors doit fuffire à la raifon, qui prefcrit ellemême la foumiffion à la foi. Cette foumiffion comprend deux chofes : la premiere, croire les vérités révélées, quoiqu'on en ignore le pourquoi & le comment, ce qui ne devroit pas être difficile. La feconde, reprimer la curiofité de favoir ce pourquoi & ce comment ce qui peut coûter d'avantage. Cependant, combien de vérités naturelles, fur lefquelles cette curiofité n'eft pas plus fatisfaifante ! Les hommes cherchent dans les ténébres les fecrets de la nature qui s'échappent fans ceffe de leurs mains avides.

[ocr errors]

Ces confeils n'ont prefque jamais été fuivis ; & dans tous les partis, on s'eft donné & on fe donne encore les qualifications les plus odieufes. Les Pélagiens traitoient les Catholiques de Manichéens fur plufieurs points, & en particulier fur la liberté. Julien, un des chefs de cette fecte, infifte beaucoup fur cette accufation; & St. Auguftin la réfute avec force, & tant par des raifonnemens & des explications , que par le défaveu net & précis d'une conféquence; qui, aux yeux des efprits prévenus, pourroit paroître s'enfuivre de la Doctrine Catholique ; conféquence, fi elle étoit jufte, & à plus forte raifon, fi elle étoit avouée, infiniment plus dangereufe que le Pélagianifme même. Nier la grace, ce feroit être Hérétique. Nier la liberté, ce feroit être de plus un pernicieux citoyen.

Au refte, les deux héréfies fur la grace confiftent dans les faufles conféquences qu'on tire ou d'une vérité que la nature dicte, la liberté ; ou d'une vérité que la Religion enfeigne, la néceffité

C

« IndietroContinua »