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& le pouvoir de la grace. Le principe du Pélagien eft que l'homme eft libre; celui du Calvinifte eft, que l'homme ne peut rien fans la grace. Le Pélagien n'eft que Philofophe. Le Calvinifte rigide eft en quelque forte trop Théologien.

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Mais fon hérésie si déraisonnable eft de plus, je le répéte, infiniment dangereufe. Elle peut mener (on l'a remarqué avant moi) à un forte de tranquillité après le péché, & d'inaction dans l'état du péché. Elle peut être un obftacle à la converfion, en empêchant d'abord la contrition & enfuite le bon propos. La contrition n'eft pas un fimple regret; c'eft un repentir. Or, fi la doctrine du Calvinifte laiffe fubfifter les motifs du premier, elle anéantit ceux du fecond. De même le bon propos n'eft pas un fimple défir de ne plus pécher; c'eft une ferme réfolution de faire les efforts néceffaires pour ne plus pécher. Or, fi cette doctrine laiffe defirer, elle peut empêcher d'agir, en faisant regarder l'action comme inutile & même comme impoffible. En un mot, elle peut faire dire dans le cœur : la grace m'a manqué, & je l'attends.

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Mais il y a plus encore. En présentant comme dogme de foi un fyftême qui révolte également l'efprit & le cœur on augmente la difficulté de croire la Religion. Difons-le nettement. Le Calvinifme rigide conduit au Déifme, à l'Athéifme même. Les fyftêmes durs font dans la Religion, ce que le Defpotifme eft dans la politique. La pûpart des Proteftans l'ont bien fenti; ils ont abandonné les opinions de Calvin fur la prédeftination la réprobation & la grace, quoique fi folemnellement renouvellées & confirmées par le fameux Synode de Dordrecht; & aujourd'hui on trouveroit plutôt parmi eux des Arminiens, que des Gomariftes. Les Luthériens ont encore plus généralement abandonné Luther fur les mêmes matieres.

Il y a des Théologiens dans l'Eglife, qu'on foupçonne d'avoir confervé quelques ideés des Calviniftes fur la grace. Mais fi de quelques-uns de leurs principes, il paroît que l'homme n'eft pas libre, & que la cupidité & la grace l'entraînent néceffairement tour-à-tour, ils rejettent fincérement cette

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conféquence. Nous prendrons cette occafion pour renouveller aux Théologiens des différentes écoles l'exhortation qui leur a été faite fi fouvent, de ne point donner pour la doctrine de leurs adverfaires, des conféquences qu'ils défavouent. C'eft une loi que dicte l'équité, & ils ont tous intérêt qu'elle foit obfervée. En effet, quel eft le fyftême, dont on ne puiffe tirer des conféquences odieufes ? Je dirois prefque, quelle eft la vérité, dont on ne puiffe conclure quelque es reur avec une forte de vraisemblance?

Que les Théologiens Catholiques ceffent enfin de fe traiter réciproquement de Calvinifies & de Pélagiens, & de fournir par-là des armes aux Hérétiques & aux Incrédules. Qu'ils connoiffent la dignité de leur profeffion & qu'il ne fe confondent point avec ces vils gladiateurs dont l'unique métier étoit de s'avilir & de fe déchirer pour amufer le peuple.

Il n'y a point eu de difpute plus célebre que celle de M. Arnaud & du Pere Malebranche. Quels hommes ! A peine, dit M. de Fontenelle, l'Europe eut-elle fourni encore deux pareils Athletes. Mais avec tant de lumieres manquoient-ils de bonne foi? Non, fans doute. Cependant ils s'imputoient l'un à l'autre des erreurs trèsgraves & ce ne pouvoit être fans quelque fondement. Mais pour n'être pas abfolument injuftes, ces imputations n'en étoient pas moins fauffes. C'eft ce qui fit dire au Pere Malebranche, qu'il étoit bien las de donner au monde un fpectable auffi dangereux que ceux contre lefquels on déclame le plus. Puiffent donc, je le répete, puiffent les Thélogiens ne le plus donner!

Ne croyons pas au refte que les vérités de la grace ne font que des vérités de fpéculation, & qu'il n'y a point de conféquence à en tirer pour la pratique. Sans doute il y en a & voici les deux principales : demander la grace, & n'y point réfifter.

Mais hélas! au lieu de la demander, la grace eft devenue elle-même un fujet de perdre la grace. On ne parle que d'elle; mais eft-ce toujours elle qui en fait parler? Et tandis que l'efprit s'en occupe le plus, le cœur eft-il également rempli de cette charité pour Dieu & pour le prochain, qui eft le principal don de la grace? Puiffe du moins cette divine charité unir tous les cœurs fur la terre, en attendant que la vérité parfaitement connue dans le Ciel, réuniffe tous les efprits.

GUERR E.

Les Orateurs Chrétiens fe font-ils élevés contre ce fléau ?

Dans

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Ans le commencement de cet article du Dictionnaire Philofophique la providence eft infultée à l'occafion des maladies auxquelles elle a foumis l'homme. Nous répondrons ailleurs aux plaintes injuftes des incrédules. Bornons-nous à réfuter une invective de l'Auteur auffi indécente que calomnieufe. Après avoir beaucoup décrié les Sermons, il ajoute: « de cinq ou fix mille » déclamations de cette efpéce, il y en a trois ou qua>>tre tout au plus, compofées par un Gaulois nommé » Maffillon, qu'un honnête homme peut lire fans dé» goût, mais dans tous fes difcours, il n'y en a pas » un feul où l'Orateur ofe s'élever contre ce fléau & ce >> crime de guerre, qui contient tous les fléaux & tous »les crimes. Les malheureux Harangueurs parlent fans » ceffe contre l'amour qui eft la feule confolation du >> genre humain, & la feule maniere de le réparer ; ils >>ne difent rien des efforts abominables que nous fai» fons pour le détruire. »

Pour démontrer la fauffeté de cette affertion, il n'y a qu'à ouvrir Maffillon voici ce que nons lifons dans le Sermon du premier Dimanche du Petit Carême.

"

Si l'ambition gagne & infecte le cœur des Rois »fi le Souverain, oubliant qu'il eft le Protecteur de >>la tranquillité publique, préfére fa propre gloire » à l'amour & à la tranquillité des fes peuples; s'il ai>>me mieux conquérir des Provinces que de regner >>fur les cœurs; s'il lui paroît plus glorieux d'être » deftructeur de fes voifins que le pere de fon Peu»ple; fi le deuil & la confolation de fes fujets eft le »feul champ de gloire qui accompagne fes victoires; » s'il fait fervir à lui feul une puiffance, qui ne lui eft >> donnée que pour rendre heureux ceux qu'il gouver»ne; en un mot, s'il n'eft Roi que pour le malheur » des hommes, & qu'il n'éleve l'idole de fa gran

>> deur

» deur que fur les larmes & les débris des Peuples & » des Nations, quel fléau pour la terre! Sa gloire fe>>ra toujours fouillée de fang. Quelque infenfé chan»tera peut-être fes victoires; mais les Provinces, les »Villes, les Campagnes en pleureront. On dreffera » des monumens fuperbes pour immortaliser fes con»quêtes; mais les cendres encore fumantes de tant » de Villes autrefois floriffantes; mais la défolation » des campagnes dépouillées de leur ancienne beauté; » mais les ruines de tant de murs, fous lefquels des >>Citoyens paifibles ont été enfevelis; mais tant de »calamités qui fubfifteront après lui, feront des mo>>numents lugubres qui immortaliferont fa vanité & »fa folie. Il aura paffé comme un torrent pour rava»ger la terre, & non comme un fleuve majeftueux » pour y porter la joie & l'abondance. Son nom fera »écrit dans les Annales de la postérité parmi les Con»quérans; mais l'on ne rappellera l'hiftoire de fon »regne, que pour fe fouvenir des maux qu'il a fait »aux hommes. Ainfi fon orgueil fera monté jufqu'aux >> Ciel; fa tête aura touché dans les nuées; fes fuccès » auront égalé fes defirs, & tout cet amas de gloire >>ne fera qu'un monceau de boue, qui ne laiffera après »elle que l'infection & l'opprobre.,, (*)

Voici une autre morceau pris dans fon Avent au Sermon du jour de Noël. "La guerre & la fureur fem»blent avoir établi parmi les hommes une demeure »éternelle. Les Rois s'élevent contre les Rois, les >> peuples contre les peuples; les mers qui les fépa»rent, les rejoignent pour s'entredétruire. Un vil mon>>ceau de pierre arme leur fureur & leur vengeance; »>& des nations entieres vont périr & s'enfevelir fous »fes murs, pour difputer à qui demeureront les rui»nes. La terre n'est pas affez vafte pour les contenir >>& les fixer chacun dans les bornes,, que la nature >>elle-même femble avoir mifes aux États & aux Em>>pires. Chacun veut ufurper fur fon voifin ; & un »miférable champ de bataille, qui fuffit à peine pour »la fépulture de ceux qui l'ont difputé, devient le » prix des ruiffeaux de fang, dont il demeure à jamais >>fouillé.

(*) N. B. Voyez l'éloge des Sermons & l'Apologie de la Prédication dans l'article BOSSUET.

N

HEL VE T. **

§. I.

Hiftoire du Livre de L'ESPRIT; rétractation de l'Auteur.

CEt Auteur eft affez connu par le Livre de l'Esprit publié fous les plus mauvais aufpices, en 1758 in-4°. & in-12 2 vol. Il eft précisément l'oppofé de fon titre ; il falloit l'intituler: De la Matiere. C'est un recueil de fyftêmes auffi anciens que l'impiété, de faux principes mille fois détruits, de paradoxes & d'inepties puérilement hazardés, de faits démentis, de citations altérées, d'anecdotes fcandaleufes. L'approbation & le privilége qu'on avoit furpris au Cenfeur & au Miniftre, furent révoqués par un Arrêt du Confeil. Divers Auteurs de feuilles périodiques, M. l'Abbé Gauchat, M. Chaumeix, s'éleverent fucceffivement contre le livre de l'Esprit. M. l'Archevêque de Paris le profcrivit par un Mandement du 22 Novembre 1758; le Parlement le flétrit par un Arrêt du 23 Janvier 1759; Sa Sainteté l'anathématifa par des Lettres Apoftoliques du 31 Janvier de la même année. Enfin la Sorbonne publia fa cenfure, qui fut applaudie par tous les bons efprits.

M. Helvet. ** eft né avec la modération d'un vrai Philofophe. Il vit le fcandale qu'il donnoit avec les regrets d'un bon citoyen. Inftruit que le Parlement procédoit à la condamnation de fon livre, il croit devoir préfenter une Requête qui fut dépofée au Greffe de la Cour. Il y difoit « que plus il réfléchit fur le malheur » qu'il a eu de compofer fon livre intitulé de l'Esprit. » plus il craindra toujours de ne s'être pas fuffifamment »expliqué par fes précédentes rétractations & déclara»tions; qu'en confequence il fe croit obligé de cher» cher à diffiper, autant qu'il eft en lui, jufqu'à l'ap>>parence de doute fur la fincérité de fa douleur & de » fon répentir. Qu'il requiert qu'il plaife à la Cour lui >> donner acte de ce qu'il défavoue, détefte & rétracte

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