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voulût priver les Chrétiens de la gloire du martyre, il if en vint cependant à les perfécuter ouvertement, quand il vit que tout les autres moyens étoient inutiles. Il donnoit les charges publiques à leurs plus cruels ennemis, qui leur faifoient tous les maux poffibles. Les ordres que l'Empereur avoit donnés de rétablir l'Idolâtrie, de rébâtir ou réparer les Temples, étoient une occafion pour les Payens de remplir toutes les Villes de troubles & de féditions. Il y eut des Martyrs dans la plupart des Provinces.

Il employa fa puiffance impériale pour rebâtir le Temple de Jérufalem ruiné par Tite, plus de trois cens ans auparavant. Son deffein étoit de convaincre de faux la prédiction de Notre-Seigneur & de détruire le témoignage fubfiftant que l'état des Juifs rendoit à la Religion Chrétienne. Le Temple forti de fes ruines, contre le plan des Ecritures, eût été le monument éternel d'une victoire remportée par l'Idolâtrie fur les deux Religions qui faifoient profeffion de la combattre, c'étoit le deffein que Julien fe propofoit. Mais il ne fervit qu'à verifier plus parfaitement la prédiction de JESUS-CHRIST. Les Juifs que Julien fit venir de tous côtés à Jérufalem pour rebâtir le Temple, travaillerent avec zèle à arracher les anciens fondemens, dans l'efpérance d'en creufer de nouveaux; mais quand ils eurent ôté jufqu'à la derniere pierre, & qu'ils eurent ainfi exécuté la Prophétie du Sauveur, il fortit de l'endroit même d'effroyables tourbillons de flammes, dont les élancemens redoutables confumerent les ouvriers. La même chofe arriva à diverfes reprises; & l'opiniâtreté du feu rendant la place inacceffible, obligea d'abandonner pour toujours l'ouvrage. Il n'y a point dans l'antiquité de fait qui foit plus certain.

Bayle, qui doit être une autorité pour les Incrédules, rapporte le paffage d'Amien Marcellin qui l'attefte à la pag. 236 de fon Dictionnaire, ( premier volume) auquel nous renvoyons. On peut confulter auffi le chapitre VII. du premier volume des Erreur de V. par M. I'Abbé Nonnotte, Lyon. 1767.

M. de V. a fait un crime à St. Cyrille, d'avoir parlé de Julien avec trop de vivacité; mais il faut attribuer cette chaleur au zèle de ce Pere pour la défense de la Religion, contre laquelle Julien écrivoit des Li

vres pleins d'injures & d'atrocités. Quoi il fera permis aux ennemis du Chriftianifme, de blafphémer contre fon divin Auteur, & il ne le fera pas aux défenfeurs de cette fainte Religion, de dévoiler les motifs qui font parler & écrire leurs Adverfaires !

LIBERTÉ.

Tous les Hommes font intéresses à la reconnoître. IL n'y a plus guere que des Philofophes qui nient la

liberté, & la plus part des Théologiens Protestans, ont abandonné ces fyftêmes durs qui la détruifoient, ou qui paroiffoient du moins fi difficiles à concilier avec elle. N'eft-il pas un peu honteux pour quelques prétendus Philofophes, que ces Théologiens qu'ils affectent tant de méprifer, dont ils font tant de railleries, qu'ils fe plaisent à peindre comme des hommes qui ne reviennent jamais des préjugés de leur école, & qui nient ce qu'ils voient & ce qu'ils fentent, parce qu'on leur a fait un article de foi du contraire? N'eft-il pas, dis-je, honteux pour ces Philofophes, que des Théologiens foient pourtant revenus, plutôt qu'eux, à fe croire libres, parce qu'ils fe fentent invinciblement tels, quoique Luther & Calvin, leurs maîtres, leur euffent enfeigné qu'ils ne l'étoient pas? Un de ces Philofophes me difoit l'autre jour, & croyoit me dire une chofe également ingénieufe & profonde: Je me crois libre, je fais pourtant bien que je ne le fuis pas. Authi le nouveau Traducteur de la differtation de Colin contre la liberté, n'a-t-il donné fa traduction que fous le titre de Paradoxes Métaphyfiques.

Au refte, il étoit naturel que des Théologiens revinffent plutôt fur la liberté, que des Philofophes. S'il n'y a point de liberté, il n'y a point de Religion: conféquence terrible pour un Théologien, indifférente, tout au moins, pour certains Philofophes. Difons tout la conféquence a bien contribué à faire adopter le principe. Cela eft affreux & n'eft pourtant que trop vrai. Je prie ceux qui nient fi hautement

la liberté, de fonder de bonne foi leur cœur ; ils feront peut-être effrayés eux-mêmes de ce qu'ils y

trouveront.

Je dis ceux qui nient la liberté & non pas ceux qui en doutent. Car malgré les objections fubtiles de quelques Philofophes contre la liberté, le fentiment en eft fi vif dans tous les hommes, que je ne puis croire qu'aucun de ces Philofophes ait véritablement douté s'il étoit libre, ou s'il ne l'étoit pas. On pourroit donc dire des Fataliftes, comme on l'a dit des Pyrrhoniens, que c'eft une fecte de menteurs.

Les difcuffions métaphyfiques fur la liberté font à la portée de peu de lecteurs. Ceux qui en feroient curieux & capables, peuvent coufulter l'Ouvrage intitulé: Examen du Fanatifme, &c. par M. l'Abbé Pluquet en 3. vol. in-12. Paris. 1757. Ouvrage excellent, & où la matiere de la liberté eft traitée avec autant de netteté que de profondeur. Nous mettrons pourtant ici quelques réflexions fur cette matiere & ce qu'il y a de fingulier, c'eft que nous le tirerons de M. de V. qui, après avoir prouvé l'existence de la liberté dans fes premiers Ouvrages, a voulu la détruire dans les derniers & en particulier dans le Dictionnaire Philofophique.

On n'entend pas ici par liberté la fimple puiffance d'appliquer fa penfée à tel ou tel objet, & de commencer le mouvement. On n'entend pas feulement la faculté de vouloir, mais celle de vouloir très-librement, avec une volonté pleine & efficace, & de vouloir même quelquefois fans autre raifon que fa volonté.

Par exemple, on me propofe de me tourner à droite ou à gauche, ou de faire telle autre action, à laquelle aucun plaifir ne m'entraîne, & dont aucun dégoût ne me détourne. Je choifis alors, & je ne fuis pas le dictamen de mon entendement, qui me représente le meilleur; car il n'y a ici ni meilleur ni pire. Que fais-je donc ? J'exerce le droit que m'a donné le Créateur de vouloir & d'agir en certains cas, fans autre raison que ma volonté même. Eft-ce un autre qui fait tout cela pour moi ? fi c'est moi, je fuis libre; car être libre, c'eft agir: ce qui eft paffif n'eft point libre. Eft-ce un autre qui

agit pour moi? Je fuis donc trompé par cet autre, quand je crois être un agent.

Quel eft cet autre qui me tromperoit? s'il y a un Dieu, c'est lui qui me trompe continuellement ; c'est l'Etre infiniment fage, infiniment conféquent, qui fans raifon fuffifante s'occupe éternellement d'erreur ? chofe oppofée directement à fon effence qui eft la vérité. Si ce n'eft point Dieu, qui eft - ce qui me trompe? Est-ce la matiere qui d'elle-même n'a point d'intelligence?

Pour nous prouver, malgré ce fentiment intérieur, malgré ce témoignage que nous nous rendons de cette liberté; pour nous prouver néceffairement qu'elle n'existe pas, il faut prouver néceffairement qu'elle eft impoflible. Cela me paroît inconteftable. Voyons comment la liberté feroit impoffible?

Cette liberté ne peut être impoffible que de deux façons; ou parce qu'il n'y a aucun être qui puisse la donner, ou parce qu'elle eft en elle-même contradictoire avec notre malheureufe machine: comme un quarré rond eft une contradiction, &c. Or l'idée de la liberté de l'homme, ne portant rien en foi de contradictoire, tefte à voir fi l'Etre infini & créateur eft libre, & fi étant libre, il peut donner une petite partie de cet attribut à l'homme, comme il lui a donné une petite portion d'intelligence?

Si Dieu n'eft pas libre, il n'eft pas un agent; donc il n'eft pas Dieu; or s'il eft libre, s'il eft tout-puiffant, il fuit qu'il peut donner à l'homme la liberté. Refte donc à favoir quelle raifon on auroit de croire qu'il ne nous a pas fait ce préfent?

On prétend que Dieu ne nous a pas donné la li berté, parce que fi nous étions des agens nous ferions en cela indépendans de lui. Que feroit Dieu, dit-on, pendant que nous agirions nous-mêmes? Je réponds que Dieu fait, lorfque les hommes agiffent, ce qu'il faifoit avant qu'ils fuffent, & ce qu'il fera quand ils ne feront plus, que fon pouvoir n'en eft pas moins néceffaire à la confervation de fes Ouvrages, & que cette communication qu'il nous a fait de la liberté, ne nuit en rien à fa puiffance infinie.

On objecte que l'affentiment de notre efprit, est toujours néceffaire; que la volonté fuit cet affenti

ment, &c.; donc, dit-on, nous voulons, nous agiffons néceffairement. Je réponds qu'en effet on defire néceffairement; mais defir & volonté font deux chofes très-différentes & fi différentes qu'un homme veut & fait fouvent ce qu'il ne defire pas. Combattre fes defirs eft le plus bel effet de la liberté ; & je crois qu'une des grandes fources du mal-entendu qui eft entre les hommes fur cet article, vient de ce que l'on confond fouvent la volonté & le defir.

On objecte, que fi nous étions libres, il n'y auroit point de Dieu. Je crois au contraire que ce n'eft que parce qu'il y a un Dieu, que nous fommes libres; car fi tout étoit néceffaire, fi ce monde exiftoit par lui-même d'une néceffité abfolue inhérente dans fa nature (ce qui fourmille de contradictions), il est certain qu'en ce cas tout s'opéreroit par des mouvemens liés néceffairement enfemble; donc il n'y auroit alors aucune liberté; donc fans Dieu point de liberté. Je fuis bien furpris des raifonnemens échappés fur cette matiere à l'illuftre Monfieur Leibnitz.

Le plus terrible argument qu'on ait jamais apporté contre la liberté, eft la difficulté d'accorder avec elle la prefcience de Dieu. Mais la liberté une fois établie, ce n'eft pas à nous à déterminer comment Dieu prévoit ce que nous ferons librement. Nous ne favons pas de quelle maniere Dieu voit actuellement ce qui fe paffe. Nous n'avons aucune idée de fa façon de voir; pourquoi en aurions-nous de fa façon de prévoir? Tous fes attributs nous doivent être également incompréhensibles.

Une réflexion à faire, c'eft que quelque fystême qu'on embraffe, à quelque fatalité qu'on croie toutes nos actions attachées; on agira toujours comme fi on étoit libre. )

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