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administration hiérarchique et de ses assemblées. Elle devait fournir longtemps après le Moyen-Age, à côté de quelques saints, bien des politiques.

Sans être un saint, Æneas Sylvius ne donna aucun de ces exemples de désordre dans les mœurs si fréquents alors parmi les ecclésiastiques. Lettré et politique, les Mémoires qu'il inspira, s'il ne les écrivit sous le nom de Gobellini, son secrétaire, ses lettres, le font connaître, soit qu'attaché à la maison du cardinal Dominique de Capranica «< il passe les Alpes glacées» et se rende au concile de Bâle par « le pont d'Enfer et le lac de Lucerne », soit qu'il accompagne à Florence l'évêque Barthélemy de Novare devant le pape Eugène IV. On le voit de là suivre à Arras le cardinal Nicolas de SainteCroix envoyé par Eugène pour rétablir la paix entre le roi de France et le duc de Bourgogne.

Élu secrétaire du concile de Bâle, il y fit aussi partie, sous le titre de duodecemvir, de la commission de douze membres chargée de prononcer sur la capacité des consulteurs admis à éclairer l'assemblée de leurs lumières. Il présida plusieurs fois la députation de la Foi dans laquelle il est inscrit, et qui, avec celle de la Paix, de la Réformation et des Affaires ecclésiastiques, avait pour emploi de préparer les délibérations des Pères 1.

Il remplit ensuite diverses missions au nom du concile à Strasbourg, à Francfort, à Constance, en Savoie,

1. PLATINA, Vit. Pontific., vita Pii II.

chez les Grisons, et obtint la prévôté de l'église collégiale de Saint-Laurent de Milan. Pris pour secrétaire par l'antipape Félix (Amédée de Savoie), il va comme nonce auprès de l'empereur Frédéric III, qu'il séduit par les talents et les grâces de son esprit. Comme Pétrarque, il reçoit le titre de poète-lauréat, et, sous celui de protonotaire, l'office de secrétaire impérial.

La chrétienté subissait une crise qui devait décider de son avenir. L'unité spirituelle tendait à se reconstituer sous la forme d'une autorité représentative. Abattue depuis Hildebrand sous le pouvoir de l'un d'entre eux, la puissance des évêques se relevait par les canons des conciles de Constance (1414-1418) et de Bâle (14311444). Le Protestantisme fit à l'Église catholique une autre fortune. Comme toujours, l'attaque révolutionnaire imprima à la résistance un mouvement de concentration. L'infaillibilité des papes tendit de nouveau à prévaloir aux dépens de l'ancienne théorie qui leur reconnaissait seulement la présidence de l'Église.

A Bâle, comme depuis, jusqu'à nos jours, le clergé français maintint ce principe, que l'Église est une monarchie représentative dont l'évêque de Rome n'est que le premier magistrat. Thomas de Courcelles défendit compendieusement les huit thèses suivantes :

« 1° C'est une vérité de la foi catholique que le sacré concile général a la puissance sur le Pape et sur tout autre que ce soit ;

» 2o Le Pontife romain ne peut de son autorité dis

soudre, transférer ou proroger pour un temps le concile général légitimement assemblé, sans le consentement de ce même concile, et ceci est de la même vérité que l'article précédent ;

>> 3° Celui qui s'oppose avec obstination à ces vérités doit être tenu pour hérétique;

» 4° Le pape Eugène IV s'est opposé à ces vérités, lorsque premièrement il tente, de la plénitude de son pouvoir apostolique, de dissoudre et de transférer le concile de Bâle ;

» 5° Eugène, enfin, averti par le Sacré Concile, a renoncé aux erreurs contraires à ces vérités;

» 6° La dissolution ou la translation secondement tentée par Eugène est contraire aux susdites vérités, et contient contre la foi une erreur inexcusable;

» 7° Eugène, tentant de nouveau de dissoudre ou de transférer le concile, retombe dans les erreurs auxquelles il avait renoncé ;

>> 8° Averti par le concile de révoquer la dissolution ou la translation tentée pour la seconde fois, comme par une désobéissance déclarée, il persiste dans la révolte et convoque un conciliabule à Ferrare: Eugène se déclare lui-même obstiné dans sa rébellion1. »

En soutenant ces propositions, le célèbre théologien de Paris s'appuyait sur ce principe, qu'en toute société, spirituelle ou temporelle, - le pouvoir diri

1. ÆN. SYLV. PICCOLOMINÆI senensis opera quæ exstant omnia. Basileæ; 1551, in-fol. De Gestis Basil. concil., lib. I, p. 5.

geant doit être l'expression de la majorité. « Le Pape, >> disait Thomas de Courcelles, est dans l'Église comme >> le roi dans le royaume. Il est absurde de prétendre » que le roi puisse plus que tout le royaume. Pareille»ment, il est absurde de soutenir que le pape puisse

plus que l'Église. Et de même que, parfois, quand les >> rois gouvernent mal ou exercent la tyrannie, on les » chasse du trône, ainsi il n'est pas douteux que les > pontifes romains puissent être déposés par l'Église, > c'est-à-dire par les conciles généraux.

» Il n'y avait pas de rois dans l'origine. Les rois ne >> furent établis que pour protéger contre les grands » la plèbe. C'est seulement contre l'Église que les

>> portes de l'enfer ne prévaudront pas.

>> Le pape, il est vrai, est plus grand que tout autre > chrétien; mais, comme chaque baron est soumis au > roi, et que les barons réunis lui sont supérieurs, de > même chacun des prélats de l'Église, mais non l'Église >> entière, est soumis au pape. Si les portes de l'enfer, » c'est-à-dire les péchés, ne peuvent rien contre l'Église, l'Église elle-même est impeccable; ce qui ne peut se » dire du souverain pontife, homme et mortel1. »

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Telles étaient les visées du grand parti qu'Æneas favorisa, jusqu'à ce que le prestige du pouvoir, dont il devait atteindre le faîte, adoucît peu à peu son opposition. Sa bulle du 24 avril 1463, quand il fut pape, démentit

1. EN. SYLV., etc., De Gest. Basil. Concil., lib. I, p. 8, 9.

officiellement ses premières opinions. On le voit successivement se justifier devant Eugène IV « comme ayant » suivi l'autorité de ceux par la sentence desquels le » concile de Bâle avait été approuvé 1; » puis apporter à ce pontife la soumission de Frédéric III. Il reproche à la même époque aux Allemands « de refuser au pape la » plénitude de sa puissance ». Appelé à l'évêché de Trieste, puis à celui de Sienne par Nicolas V, l'infatigable négociateur courut l'Autriche, la Hongrie, la Moravie, la Bohême, la Silésie, invectivant contre le Turc, prêchant la ligue sainte dans les diètes de Ratisbonne et de Francfort (1458).

Dans ces régions mouvantes et plus qu'à moitié barbares, il est curieux de suivre l'humaniste disert, l'Italien aux mœurs délicates, au milieu des gros mangeurs et des buveurs de bière. Il s'y fait des amis et des admirateurs, entre autres le roi Mathias Corvin, un de ses correspondants les plus assidus. D'autres reçoivent la confidence des tortures que les habitudes de ces contrées sauvages imposent au Siennois raffiné, la nourriture lourde et les lourds propos de ses convives, et les poêles dont la chaleur pèse comme un plomb sur sa tête.

Sa recherche du bien-dire, selon la règle des anciens, ne l'abandonne jamais. On la retrouve dans ses harangues aux diètes d'Allemagne, à l'assemblée de Mantoue,

1. PLATINA, Vita Pii II.

2. ÆN. SYLV., Epist. 387, à Martin Meyer, juriscons. et chancel. de l'élect. de Mayence. FLEURY, Hist. ecclésiast., t. XV, 1. CXI, ch. XXXIII.

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