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Il devait advenir, et il arriva des finances publiques à Florence ce que la confusion entre l'influence du premier banquier et l'autorité des magistrats amena pour les pouvoirs publics: une équivoque, par laquelle les Médicis se rendirent finalement maîtres des unes et des autres. Du moment que leur suprématie croissante dans l'État détourna leur attention de leurs affaires commerciales, ils durent comprendre que le sacrifice de leur intérêt de marchands profiterait au centuple à leur fortune princière. A ce but ils immolèrent leur prudence et leur économie traditionnelles, constituant d'ailleurs autour d'eux, par leurs libéralités, une gens d'obligés, une sorte de vasselage financier, instrument de leurs projets politiques.

Ce patronage ne se traduisit pas toujours en pertes. Il ne manquait pas de gens à qui il suffisait que Lau» rent prêtât son nom et l'idée qu'il était associé à leurs affaires, pour que ceux-cile fissent participer aux béné>fices de leurs divers trafics. » A ce moyen se joignaient les fournitures de drap aux troupes, qu'il leur faisait accorder par la Seigneurie 2.

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En fin de compte, les pertes des Médicis dépassèrent leurs gains. Distraits du négoce par la politique, ils ne surent pas, aux dépens de leur popularité, défendre leur caisse contre l'appétit envahissant de leurs créatures. Mais, pour parer à ces découverts, tout naturellement

1. Voy. NARDI.

2. Ibid.

cette caisse allait se confondant avec celle de l'État. Mille florins sortaient du trésor public pour sauver de la faillite la maison de banque Thomas de' Portinari, commanditée par eux à Bruges.

Nardi s'indigne des expédients auxquels ils recouraient dans leur détresse, empruntant au trésor de la Commune, grâce à la connivence des camerlingues, les fonds qui leur manquaient 1.

1. Voy. NARDI, Istor. Fiorentin., t. I, lib. I, p. 19.

CHAPITRE VIII.

I RICORDI.

Bonne fortune aux usurpateurs que d'avoir patronné l'esprit! La science protège, l'art transfigure leur mémoire. Homère édité plaide pour Pisistrate, Aristote pour Alexandre, l'Eneide pour Actium!

Plus bénins, les Césars de Florence ont moins besoin de cette brillante excuse, et ils peuvent, à meilleur droit encore, l'invoquer. Marsile Ficin, Politien, Michel-Ange, se groupent à leur défense. Machiavel lui-même, un adversaire, est séduit: son opposition, parfois mal contenue, désarme devant les services littéraires de Laurent le Magnifique et de Léon X.

On sait gré à la force d'être parfois bienfaisante... Tribut pénible dont le progrès de la démocratie semblerait devoir un jour dispenser les hommes... Hélas! quels que soient les triomphes de la justice, l'infirmité de notre nature arrachera-t-elle jamais à la violence et à la ruse toute part dans la conduite des sociétés ? Après le despote, père du peuple, propagateur des lumières, rêvons le banquier philanthrope commanditant le progrès.

LES MÉDICIS.

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L'Italie offrait déjà ce type.

Les Médicis y représentent l'avénement de la bourgeoisie. Ils en ont toutes les vertus, d'ordre, de modération relative, de calcul pratique. Les Ricordi, ou Mémoires, rédigés par les chefs successifs de cette maison, témoignent de ses qualités patientes, voulues, de ses énergies aménagées par le sens de l'utile, éclatante antithèse des vertus chevaleresques. Rien de curieux comme ces registres où chacun d'eux détaille avec ses réflexions, ses espérances et ses regrets, les profits et pertes de son commerce, ses revenus en terres, en maisons, les événements domestiques de la famille, les faits publics auxquels elle est mêlée; compte par doit et avoir des biens de la race, de ses gestes et de ses aptitudes. Le plus ancien de ces mémoires commence en 1373 : Au nom de Dieu et de Sa Très-Sainte Mère Ma» dame Sainte Marie, et de toute la Cour du Paradis, » lesquels nous fassent la grâce de bien faire et de bien » dire. »

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C'est Filigno di Chonte de' Medici qui parle :

« Voyant, dit-il, les fortunes passées des guerres de la ville et du dehors, et les funestes pestilences de mortalité que le Seigneur Dieu a envoyées à cette terre et que l'on craint qu'il y envoie encore, les voyant chez nos voisins, je ferai mémoire des choses passées qu'il peut vous être besoin de savoir, à vous qui resterez ou qui viendrez après moi, à cette fin que vous les puissiez consulter, s'il en est besoin, en chaque cas, vous priant d'écrire ici de même d'ores en avant, et que vous conserviez ces terres et maisons que trouverez inscrites au dit livre, et dont la

majeure part fut acquise par le noble chevalier de digne mémoire, messire Giovanni di Chonte, mon digne frère, depuis la mort duquel j'entreprends ce livre, continuant du sien et d'autres, et vous prie que ce livre bien gardiez et teniez en lieu secret, de peur qu'il ne vienne en mains étrangères...... »

Filigno insiste sur ces traditions à transmettre avec scrupule, - trésor de leçons et d'exemples accru d'âge en âge et dont rien n'est à perdre. L'avisé marchand voit loin... « Gli stati mutano, et non hanno fermezza... » Il faut être prêt à tout.

« Je prie encore, ajoute-t-il, que non-seulement vous conserviez l'avoir, mais encore l'état acquis par nos anciens, lequel est grand et voulait être plus grand, et commence à manquer pour disette de vaillants hommes qu'avions... Et tant était notre famille que l'on disait : Il tousse comme un Médicis. Et chacun de trembler. Et ce disait-on encore, quand un citoyen faisait violence ou injure à aucun: Que serait-ce s'il le faisait à un Médicis !

>> Ce néanmoins toujours la famille est grande d'amis et de richesses, et plaise à Dieu nous conserver...

» J'écrirai en plusieurs parties ce livre. D'abord je tiendrai compte de tous actes à mon su, assavoir: dots, contrats, compromis et autres, puis j'inscrirai tous les achats faits et les noms de ceux qui ont fait les actes, puis relaterai toutes les maisons et terres limitées que nous possédons aujourd'hui1. »

Il y a plaisir à surprendre en robe de chambre ses héros. Quittant cette branche collatérale (ce Filigno est le frère de Jean, père du grand Cosme), on pourrait

1. Texte tiré des pièces et notes de FABRONIUS, ad vitam Laurent. Medic., dans Roscoë, Vie de Laurent de Médicis, t. I, note 1.

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