Immagini della pagina
PDF
ePub

notre âme par laquelle, comme en un miroir, nous pouvons heureusement regarder la face de notre père vénérable 1.»

Christianisme de choix, prêché à la pléiade des beaux esprits, des politiques et des artistes, à cette élite dont les noms se lisent sur une colonne dans les Orti Oricellari, lieu de réunion de l'école platonique. Et si cette société ne devint pas une église, selon le plan du premier fondateur, Gémiste, elle resta, sous Ficin, une sorte de confrérie d'initiés, à mi-chemin du Calvaire et de l'Olympe. On le verra bien aux attaques dirigées par Savonarole contre ces néo-platoniciens, tous, ou à peu près, partisans plus ou moins dissimulés des Médicis.

Celui qui présida l'École presque en pontife échappera pourtant à l'anathème. Le dôme de Florence garde les os de ce chrétien si mitigé, dont le peuple florentin adopta la gloire après le retour des Médicis.

Le touriste, entrant à Santa-Maria-del-Fiore, rencontre, sur le mur de la travée de droite, cette inscription à son adresse :

Ici, voyageur, ici gît Marsile, père de la Sagesse, qui, éclaircissant le dogme de Platon enfoui dans la poussière par l'injure du temps, et conservant l'élégance attique, transporta les écrits du maître dans la langue latine. Il ouvrit le premier, avec l'aide divine, les trésors sacrés de ce divin esprit. Il vécut heureux d'abord par les soins de Cosme et de Laurent de Médicis, et main

1. M. F., Op. omn., t. I, Epist., lib. VIII, p. 886.

tenant il revit par la munificence publique du Sénat et du peuple de Florence.

L'an 1521.

Deux ouvrages capitaux permettent d'apprécier en détail les doctrines de Ficin.

Le premier, dans l'ordre suivi par les anciens éditeurs, est le traité qui a pour titre : De christiana religione liber, dédié à Laurent de Médicis, Père de la Patrie.

Le second, exposition complète de sa métaphysique, a pour titre Theologiæ platonicæ, de immortalitate animorum, libri XVIII.

CHAPITRE X.

MARSILE FICIN.

DE CHRISTIANA RELIGIONE LIBER.

Le traité de la Religion chrétienne est un manifeste de la foi catholique de Ficin et comme une sorte d'apologie préalable de son orthodoxie contestée.

En dépit des efforts du néo-platonicien pour se contenir dans les limites de la croyance révélée, on aperçoit qu'il poursuit un but supérieur. Fidèle autant que possible à la pensée de Gémiste, il s'attache à concilier des traditions adverses, associant les dogmes issus de la Judée aux théories des penseurs grecs, aux mythes des théologies orientales et helléniques. D'après cette conception, dominée par le syncrétisme rationaliste de son maître byzantin, le christianisme peut aboutir à une interprétation symbolique assez rapprochée du système de Pléthon.

La métaphysique polythéiste gardait d'ailleurs une place dans la théologie catholique. Laissons de côté le gnosticisme qui a laissé tant de traces dans son dogme, et qui réduisait la personne humaine du Logos à une

apparence, fort semblable aux théophanies des divinités de l'Olympe, à celle de Zeus et d'Hermès, par exemple, dans la légende de Philémon et Baucis. Directement inspirée par la philosophie alexandrine, l'hérésie d'Origène marque la transition du polythéisme néo-platonicien au catholicisme définitif. Selon cet ingénieux et clément esprit (il admettait la réconciliation finale avec Dieu des réprouvés et même des démons), « ce vaste enchaînement » de puissances qui compose l'univers, au lieu d'être > l'effet des ordonnances du créateur, n'est, comme » l'ordre humain, qu'une suite des déterminations spon>> tanées des diverses créatures. Je pense, dit-il » dans le Periarchon, que ce n'est pas fortuitement que >> telle fonction est la propriété de tel ange; par exemple, » que Raphaël a la charge de guérir et de veiller à la » médecine; Gabriel, la direction des guerres; Michel, >> le soin des prières et des supplications des hommes. » Il faut croire qu'ils ont acquis ces divers offices, cha>> cun par l'effet de ses mérites particuliers, en raison » du zèle et des vertus qu'ils ont déployés antérieurement » à l'établissement de ce monde. - On ne pouvait dé» crire plus largement la liberté. Les poétiques déités du » monde hellénique sont donc reçues par Origène, au >> moins dans leur forme générale et leur fonction, sinon » dans leur qualité de naissance, et non-seulement > celles de la nature physique, Pan, Cérès, les Nymphes; >> mais celles mêmes de la nature morale, Apollon, Mer» cure, les Muses. Ces êtres ne sont point à ses yeux de

>> vains fantômes de l'imagination des hommes, mais de » véritables vivants1. »

Au moment où il devient le culte officiel, sous Constantin (312), le christianisme se préoccupait surtout de s'agréger les doctrines comme les forces du monde converti ou rallié. De là ses avances à la philosophie et aux philosophes, et, chez les chefs de la hiérarchie, une largeur remarquable de conduite et de vues.

La pensée qui dirigea Ficin fut celle d'Abélard au Moyen-Age: elle ne cessa jamais d'être représentée dans l'Église, avant qu'elle reparût mieux accusée dans le De christiana religione du disciple et du continuateur amendé de Pléthon.

L'Église elle-même ne semblait-elle pas autoriser cette tentative par son attitude dans le passé à l'égard des doctrines fondamentales du christianisme formulées par Paul et par Augustin?

Tenue à les respecter en principe, elle avait bien su, dans les mauvais jours où elle exerça une influence civilisatrice incontestable, en atténuer les trop dangereux effets.

En elle-même, la théorie évangélique est une doctrine de renoncement et, pour ainsi parler, d'exception.

Un petit nombre de prédestinés attendant l'avénement prochain de Jésus; puis, quand les démentis infli

1. Encyclopédie nouvelle, par P. LEROUX et Jean REYNAUD, article Origène, p. 127, col. 2, et p. 128, col. 1; Paris, 1843.

« IndietroContinua »