Immagini della pagina
PDF
ePub

veille, il crève littéralement de rire en voyant un singe s'en chausser. Vraie scène du saint Antoine de Callot, que cette pochade tragi-comique 1!

Le

pauvre Margutte est pris de fou rire. Il étouffe, perd le souffle...

E finalmente per la pena scoppia 2.

Morgante l'enterre dans une grotte et sur la pierre de sa tombe écrit cette épitaphe :

« Ci-gît qui mourut de rire3.>>

Cependant Morgante rejoint son maître Roland devant Babylone: son terrible battant de cloche aidant, la cité ne tient pas devant la vaillance du preux. Il fait merveille, ce formidable battaglio, et, quand la ville est prise, il procure plus d'un passe-temps aux héros chrétiens...

<< Un jour qu'ils se promenaient par la terre, un bon muezzin (talacimanno) était, comme c'est leur coutume, monté sur son minaret... « Oyez le corbeau, dit Morgante ........ »

1.

E vede che gli ha presi una bertuccia,
E prima se gli ha messi, e poi cavati :
Non domandar, se le risa gli smuccia,
Tanto che gli occhi son tutti gonfiati,
E par che gli schizzassin fuor di testa,
(Morg. Magy., c. XIX, st. 147.)

2. Morg. Magg., c. XIX, st. 148.
3. Morg. Magg., c. XIX, st. 150.
4. Morg. Magg., c. xIx, st 179.

L'excellente plaisanterie, que de décapiter cet infidèle pendant qu'il invoque son Mahom! Morgante jette son battant le chef du païen est lancé en l'air à plus de cent brasses.

Le jovial compagnon ne jetait jamais moins haut son battant, qu'il rattrapait comme un tambour-major sa canne 1...

Mais ses jours sont comptés. Ce héros éponyme du poème (pour parler comme les Grecs) succombe bien. avant le dénouement de ces aventures qu'il poursuit avec Olivier, Richardet, Astolphe et Renaud. Au moment où il débarque dans les États du roi Murocco, il est pincé au talon par un crabe sa légère blessure s'envenime et il en meurt 2. Les preux, ses compagnons, continuent à triompher des Infidèles servis par les puissances de l'Enfer. Grâce aux incantations de Maugis, le château de Créonte est forcé, et cette magicienne consumée dans l'asile que ses prestiges rendaient infranchissable 3.

Astolphe, qui s'est séparé de ses compagnons, prend gîte dans un monastère. Des bandits s'y introduisent pendant son sommeil et lui volent son cheval. Les religieux ne veulent pas qu'il ait recours à la force pour se venger de ce méfait : ils en renvoient la répression à la justice céleste. Le paladin, n'agréant pas cette morale, se met à la poursuite des malandrins: il les atteint, en

1. Morg. Magg., c. XIX, st. 158.
2. Morg. Magg., c. xx, st. 51.
3. Morg, Magg., c. xx, st. 19-78.

tue quatre, fait les autres prisonniers, et reprend sa monture. Quand il a ramené ses captifs au couvent, les moines remercient de ces exploits « le Dieu de Nazareth1». Mais ils refusent, comme Astolphe le leur demande, de pendre les prisonniers, car, disent-ils, « ce n'est pas office de gens d'église, mais de laïques ».

« Je crois, répond le chevalier, que cela plaît beaucoup plus à Dieu que de dire la patenôtre, s'il est vrai que les méchants lui déplaisent. Otez vos capes et faites vite, et les pendez tous à une corde 2. »

Grâce au bâton dont le preux joue sur leur dos, les hommes de Dieu, malgré le brocard: Ecclesia abhorret a sanguine, s'acquittent en conscience de la charge de bourreau.

Jusqu'où l'ironie du poète porte-t-elle dans ce passage? Cette horreur du sang chez les membres du clergé s'accommodait, -on le sait, avec les exigences de la justice théologique, l'Inquisition livrant au bras séculier les hérétiques qu'elle condamnait.

1. Morg. Magg., c. XXI, st. 90. 2. Morg. Magg., c. XXI, st. 91.

CHAPITRE XVII.

LUIGI PULCI.

LE MORGANTE MAGGIORE

2. CHEVALERIE ET CRITIQUE.

Avouant qu'il se perd lui-même dans les fils enchevêtrés de ses récits, Pulci, après bien des incidents, retourne ou plutôt vient au grand Charles, dont il a été bien peu question jusqu'à cette partie du poème. D'un coup il se débarrasse sans scrupule des héros qui le gênent.

« Je ne sais si Fuligatto verra le sire de Montauban, qui peutêtre sera mort en chemin. Je commence à chanter Charlemagne. Il convient que mon chant arrive au port et que je puisse le traître Ganelon d'une trahison que je vois déjà découverte avec les yeux de l'esprit dans un miroir, et je m'inquiète de Charles, qui est si vieux1. »

Il est curieux, dès ce moment surtout, de comparer aux Gestes de Roland le poème primitif de Théroulde et à la Chanson de Roncevaux l'œuvre de notre poète. L'élément pathétique, vivifiant d'un bout à l'autre les épopées françaises du cycle karolingien, n'est pas

1. Morg. Magg., c. XXIV, st. 4.

étranger à la libre imitation poursuivie par le Florentin. Avec lui, d'ailleurs, l'épanouissement parodique ne perd jamais ses droits, non plus que la critique du philosophe, dont le voile d'une fantaisie perpétuelle ne cache pas toujours bien la sérieuse portée. C'est même à la fin du vingt-cinquième chant que cette critique se donne carrière avec des licences plus caractérisées. Si bien qu'on a pu (Tasse le soutient dans ses lettres ') attribuer à Ficin une collaboration directe à cette partie du poème. Quant au tissu de l'action principale en ce chant, Pulci se borne à paraphraser le récit traditionnel du vieux trouvère sur le voyage de Ganelon à Saragosse, comme ambassadeur de Charles auprès du roi Marsile, et sur la trahison, que, pour se venger de Roland, il combine avec le monarque infidèle.

Le grand drame de Roncevaux se prépare.

Dans les romans où Pulci a puisé la donnée de son œuvre, Renaud n'assistait pas à la grande bataille. Notre poète veut justifier la présence du cousin de Roland dans le val de Roncevaux.

« J'avais pensé, dit-il, à abréger l'histoire, et je ne savais pas que Renaud pût arriver à Roncevaux; mais ensuite un ange du ciel m'a montré Arnaud, qui certes me paraît un digne auteur, et il me dit : Attends, Louis; sois tranquille; Renaud sans doute arrivera à temps; si bien que je raconterai l'histoire comme Arnaud de tout point l'écrivit 2. »

1. Letter. poetic., lett. VI.

2. Morg. Magg., c. xxv, st. 115.

« IndietroContinua »