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sation d'Athènes universalisée par Rome. Mais la Grèce semi-orientale garda son domaine, marqué par la division de l'empire. L'absolutisme asiatique prévalut dans Byzance par l'adoration de l'idole-César. L'assiette intellectuelle de Rome résiste mieux à ce courant de mystique servilité.

La tradition alexandrine, - la mémoire du conquérant qui maria les deux génies de l'Orient et de l'Hellade, domina chez les empereurs de Constantinople la vanité des souvenirs qui les liaient à Romulus et à Auguste. Ils se vantèrent d'être exclusivement grecs, ils s'applaudirent, comme tels, d'avoir fait de Rome reconquise par Narsès un simple duché dépendant de Ravenne.

L'âme d'une race, organe, à son heure, du progrès, est comme un vase qui reçoit l'essence pure de la vie intellectuelle. Transmise d'un peuple à l'autre, la civilisation laisse d'ordinaire à celui qu'elle abandonne un résidu qui s'aigrit. Passant par Rome aux occidentaux, le génie grec enfanta notre culture; et ces pauvres Byzantins, si fiers de parler, sans trop d'altération, la langue de Démosthène, s'isolant dans une orgueilleuse décrépitude, discutent sur les trois hypo

stases.

En dépit des moines et des eunuques, le Bas-Empire gardait une semence qui devait germer ailleurs.

La parole grecque resplendit d'un suprême éclat dans la bouche des Pères d'Orient. Ce renouveau d'un hellé

nisme chrétien clôt dignement le cycle des lettres antiques. Dernier legs de cet art, de la complexité des sentiments volatilisés dans l'alambic des croyances, le roman moderne est né1. L'architecture du MoyenAge essaye des merveilles aériennes dans l'élan des dômes vers le ciel. Le soleil de l'Orient se couche dans un lit de pourpre et d'or.

Comment les symboles qu'il vivifia, n'eussent-ils point gardé des adeptes? Un travail parallèle à l'œuvre chrétienne s'était accompli dans le polythéisme. Les visions de Zoroastre épousèrent les rêves de Platon. Depuis trois siècles le mysticisme dominait le monde, brouillant dogmes et rites. Triomphant par la croix, il régnait sous une autre forme dans la théurgie néo-platonicienne.

Aux écoles d'Athènes, bientôt fermées par Justinien, à Rome même, en Asie, l'Olympe déchu comptait des fidèles qu'un indomptable espoir soutint contre la persécution. Dévié de sa naïveté homérique, devenu le symbole d'un panthéisme, le culte des dieux n'était pas vaincu tout à fait. On suit sa trace dans la magie, l'astrologie.

Mais, avant de se dissimuler dans cette voie occulte, l'antique religion tenta quelques efforts pour ressaisir

1. HÉLIODORE D'ÉMÈSE, Les Éthiopiques ou Histoire de Théogène et de Chariclée; Achille TATIUS, Les amours de Leucippe et de Cléophon; ÉROSTRATE, Isménias et Ismène ; ARISTÉNÈTE, Lettres érotiques; LONGUS, Daphnis et Chloé.

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l'empire. Un parti polythéiste survécut à Julien. On le voit sous Zénon (427-491) s'armer pour un combat suprême, après lequel il s'efface sans qu'on puisse croire à son abdication.

Ce curieux épisode se rattache au complot qui faillit coûter le trône à l'empereur Zénon. Vérine, sa bellemère, était l'âme de cette entreprise dirigée par un général Illus et par Pamprepius le thaumaturge, Mécène des sophistes et des devins. Ces deux personnages proclamèrent Auguste un homme de leur secte, le Syrien Léontius, qui, après des succès éphémères, soutint un long siége et périt dans le château de Papyre en Isaurie1.

Mais les idées que Gémiste Pléthon formula, transmises sans doute par une initiation secrète, se rattachent à ce polythéisme de décadence. On doit supposer qu'une secte païenne s'était soustraite aux persécutions de Théodose et, plus tard, de Zénon. Cette secte tenta d'être un parti, à Alexandrie, d'abord, — puis au siége même de l'empire. Justinien, en fermant l'Académie d'Athènes, éteignit l'ostensible foyer de la propagande antichrétienne. Le clergé mit tout son zèle à effacer les traces d'une résistance à peine indiquée par l'histoire. Des noms obscurs de magiciens et de rhéteurs, un Théodore, un Césanius l'Égyptien, le titre de philosophe et de mathématicien prenant une acception sus

1. Amédée THIERRY, Récits d'Hist. rom. au cinquième siècle, p. 418419.

pecte, témoignent, de la part de l'Hellénisme, d'une continuité d'efforts, d'une sourde conspiration. En Orient, au neuvième siècle, l'empereur Michel le Bègue est traité d'incrédule ou de païen. Il faut descendre jusqu'au César allemand Frédéric II, auteur supposé du livre des Trois Imposteurs, pour rencontrer des imputations semblables contre un prince de l'Occident.

Le Concile de Florence rapprocha ce curieux monde byzantin, dernière épave du naufrage païen, et l'Occident parvenu en Italie à l'apogée de la civilisation originale qui caractérise notre Moyen-Age.

En face de cette civilisation, Gémiste figure la tradition polythéiste, maintenue par les néo-platoniciens. La pensée intime et bientôt dévoilée de ce théologien laïque, mais officiel, de l'Église grecque à Florence était celle que manifestèrent contre le christianisme les Symmaque, les Julien, et, à quelques égards, ce Synésius, ordonné évêque de Cyrène, bien qu'il déclarât ne pas croire à la création des âmes et à la résurrection des corps 1.

Disposition bien naturelle, surtout à l'origine!
Saint Paul évangélise Athènes.

Je vois ce faiseur de tentes, audacieux par sa fibre populaire, sa demi-science puisée aux eaux troubles du rabbinisme hellénisant. Je l'entends prêcher le Crucifié

1. FLEURY, Hist. ecclésiast., t. IV, liv. XXII, p. 67-69.

avec sa diction « rude et qui sent l'étranger, et cette » verve qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses » coups droit au cœur1 ».

Quand il a terminé la harangue imposante et adroite que les Actes nous ont conservée, Aléthès s'approche de l'orateur avec quelques aréopagites. Sa finesse athénienne a démêlé dans Paul le don nécessaire à l'apôtre : l'habileté dans l'enthousiasme. Le philosophe, qui sourit un peu en l'entendant parler de la résurrection des morts, demande, comme le texte le rapporte, à l'ouïr, une autre fois, développer cette thèse inattendue. Il ne comprend pas qu'on accuse les Grecs de confondre Zeus avec son image, l'Athéné de l'Olympe et l'Athéné de Phidias2 !

« Homme de Galilée, ton Dieu, dis-tu, est l'inconau auquel nos pères dressèrent un autel. En lui, ajoutestu, tout vit, tout se meut, tout est... Ce sont là de belles paroles, et nos Sages, que tu invoques, te répondent : — « Oui, nous vivons dans le Dieu-Cosme, dans l'Éternel >> dont la suprême hégémonie est l'Ordre, le Logos... » Considère, en effet, ce monde. Il est plein de natures >> divines... C'est d'abord l'homme, au-dessus des âmes » de la terre et des eaux, puis les génies, les héros, cor» tège d'Héra dans la région de l'air; autour de >> Phœbé, enfin, dans l'Éther, qui lui-même est Dieu, >> tous les autres dieux, les astres, Hélios... Le monde

1. BOSSUET, Panégyrique de saint Paul.

2. Actes des Apôtres, ch. XVII, v. 32, 24, 25, 23, 28, etc.

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