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disposé sur la tête du malade, de manière à lui tenir les yeux fermés; ce qui l'empêcha de signer son testament, quoique sain de ses sens, dit le notaire, ainsi qu'il a paru par la suite et solidité de ses raisonnemens. L'acte a été reçu après midi, dans la maison de M. le comte de Saint-Laurent, contrôleur général des finances de S. M. le roi de Sardaigne, habitée à cette époque par madame de Warens.

Le testateur, après avoir fait le signe de la croix, recommandé son ame à Dieu, et demandé l'intercession de la sainte Vierge et des saints Jean et Jacques, ses patrons, proteste de vouloir vivre et mourir dans la foi de l'église catholique, apostolique et romaine. Il laisse ses obsèques à la discrétion de son héritière et la charge de faire prier Dieu pour le repos de son ame.

Après ce préambule, il lègue seize livres à chaeun des conivens des Capucins, des Augustins et des Clacistes: de Chambéry, pour faire célébrer des messes pour le repos de son ame. Il lègue sa légitime à son père, le priant de s'en contenter, હો attendu que la reconnaissance lui fait un devoir de disposer de ses autres biens en faveur de ses bienfaiteurs. Il lègue cent livres au sieur Jacques Barillot, de Genève. Il institue pour son héritière madame Françoise-Louise de la Tour, comtesse de Warens, à qui il déclare vouloir payer en outre la somme de 2000 livres pour frais de sa pension et de son entretien depuis dix ans. Enfin il reconnaît une dette de 700 livres en faveur du sieur Charbonnel, marchand de Chambéry, pour marchandises livrées et argent prêté.

Ce testament est signé par le sieur Claude Morel, procureur au sénat; par Antoine Bonne des Echelles; par Jacques Groz de Vanzy; par Antoine Bouvard, Pierre Catagnole et Pierre-Georges Cordonnier; le septième témoin, Antoine Forraz, de Bissy, est déclaré illitéré. Cet acte a été enregistré le 22 juillet 1737, au fol. 662 du second livre de cette année 1737.

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Selon toute apparence, on n'a pas relevé d'expédition de ce testament, et Rousseau, dont la vie a été si variée et qui a tant de fois changé de lieu et d'habitation, l'aura tout à fait oublié, ainsi que l'accident qui y a donné lieu, lorsqu'il a rédigé ses Confessions.

Les minutes du même notaire Rivoire renfermaient encore une procuration de Rousseau, passée au même Jacques Barillot, dont il est question ci-dessus, pour retirer à Genève les droits de sa mère, Suzanne Bernard. Cette procuration est datée du 12 juillet 1737, et enregistrée le 15 du même mois. Ces différens détails sonttirés du Journal de Savoie, du 7 avril 1820.

Rousseau, né à Genève, le 28 juin 1712, est mort à Ermenonville, le 2 juillet 1778.

TESTAMENT

D'UN BOURGEOIS DE PARIS.

(Vers 1779-)

Un bon bourgeois de Paris fit son testament dans lequel il inséra cette clause :

« Item, je laisse à monsieur l'abbé Trente mille » hommes, douze cents livres de rente; je ne le

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» connais pas sous un autre nom, mais c'est un >> excellent citoyen, qui m'a certifié au Luxembourg que les Anglais, ce peuple féroce qui › détrône ses souverains, serait bientôt détruit. » A l'ouverture du testament, on fut fort embarrassé pour savoir qui était cet abbé Trente mille hommes. Enfin plusieurs personnes, vivant habituellement avec le testateur, déposèrent comme témoins, que ce bourgeois, grand nouvelliste de sa nature et ennemi juré des Anglais, allait tous les jours se promener au Luxembourg dans l'allée des Larmes, où il faisait de la politique contre les Anglais; que là il trouvait régulièrement un abbé qui ne lui cédait en rien dans sa fureur contre ce peuple, et qui l'enchantait en répétant à chaque instant, avec autant de constance que Caton, son delenda Carthago : « Les Anglais, les Anglais, mais ce n'est rien: il ne faut que trente mille hommes; il faut lever trente mille hommes; il faut embarquer trente mille hommes; il faut débarquer trente mille hommes; il en coûtera à peine trente mille hommes pour s'emparer de Londres: bagatelle que cela!» Le bourgeois extrêmement content de cet abbé, qui pendant plusieurs années n'avait pas manqué un seul jour de lui parler de ses trente mille hommes, voulut, étant tombé malade, lui témoigner sa reconnaissance dans son testament; et ignorant son nom, il l'avait désigné sous celui de l'abbé Trente mille hommes, surnom qu'on lui donnait effectivement. La chose étant vérifiée, le legs fut déclaré valable, et en conséquence délivré à l'intrépide abbé, qui sans doute n'espérait pas que

sa perpétuelle levée de trente mille hommes lui procurerait un aussi heureux résultat.

TESTAMENT D'UN CÉLIBATAIRE.

UN homme riche, vieux garçon, étant atteint d'une maladie dangereuse, fit son testament dans lequel ses domestiques furent compris pour des legs assez minces, mais cependant proportionnés à leurs services; puis il ajouta une clause portant que, dans le cas où il reviendrait en santé, les mêmes legs seraient doublés et acquittés sur-lechamp, en même temps que les honoraires du médecin. Or se doute bien que les domestiques que l'on avait eu soin d'instruire de ces dispositions, prirent le plus grand soin de leur maître pendant sa maladie, et firent tout ce qui dépandit d'eux pour qu'il en revînt; en effet, le testateur guérit, et s'empressa d'être lui-même son exécuteur testamentaire à l'égard de ses gens.

La précaution n'était pas mauvaise; il y a certainement beaucoup de domestiques très-attachés à leur maître, et sans aucune vue d'intérêt; mais il en est d'autres aussi, qui, assurés d'un bon legs, peuvent attendre avec une certaine indifférence l'issue de la maladie, quelle qu'elle soit, et peut-être quelquefois désirer que les choses tournent de manière à ce qu'ils soient bientôt en possession de ce qui leur est assuré par le testament.

Le célibataire en question n'est pas le premier qui ait acquitté de son vivant ses propres legs envers ses domestiques.

Le bon Montaigne en avait longtemps auparavant agi de même envers les siens, mais d'une manière moins intéressée et qui prouve son excellent cœur; ce trait est rapporté par Bernard Authomne, dans son Commentaire sur les coutumes générales de la ville de Bordeaux, 1621, in-4.*, ou 1666, avec les Arrêts notables, par Ant. Boé, in-4°, à l'article des testamens.

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Feu Montaigne, auteur des Essais, dit Authomne, sentant approcher la fin de ses jours, » se leva du lit en chemise, prenant sa robe de > chambre, ouvrit son cabinet, fit appeler tous » ses valets et autres légataires, et leur paya les légats (legs) qu'il leur avait laissés dans son ́» testament, prévoyant les difficultés que feraient » ses héritiers à payer ses légats. >> Ce fait, qui prouve que Montaigne était un bon maître, n'a été rapporté par aucun de ses biographes (1); j'en dois la connaissance à M. Breghot du Lut, vice-président du tribunal de première instance

(1) Combien de traits de la vie des gens de lettres sont encore inconnus, parce qu'ils se trouvent consignés soit dans des ouvrages obscurs, soit dans de grandes collections où l'on ne va pas les déterrer. J'en pourrais citer plusieurs exemples; je me contenterai de rapporter ici un fait concernant l'un de nos classiques du siècle de Louis XIV. Le hasard me l'a fait découvrir dans une collection académique étrangère (de Berlin, in-4.°). Cette anecdote est d'autant plus intéressante, que l'on n'a aucun détail sur la vie privée du littérateur en question (La Bruyère) et qu'elle lui est fort honorable. Voici le fait :

La Bruyère, dans le cours de ses promenades, venait presque tous les jours s'asseoir chez un libraire, nommé

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