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tueuse des femmes, de la plus tendre des amies, de M. Elisabeth, sa sœur.

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Voici cette lettre précieuse, à laquelle on donne avec raison le titre de testament, puisque c'est un acte de dernière volonté.

TESTAMENT DE MARIE-ANTOINETTE.

Ce 16 octobre, à quatre heures et demie du matin.

« C'est à vous, ma sœur, que j'écris pour la dernière fois. Je viens d'être condamnée, non pas à une mort honteuse, elle ne l'est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère; comme lui innocente, j'espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers momens. Je suis calme comme on l'est quand la conscience ne reproche rien; j'ai un profond regret d'abandonner mes pauvres enfans; vous savez que je n'existais que pour eux et vous, ma bonne et tendre sœur, vous qui avez par votre amitié tout sacrifié pour être avec nous. Dans quelle position je vous laisse! J'ai appris par le plaidoyer même du procès que ma fille était séparée de vous. Hélas! la pauvre enfant, je n'ose lui écrire, elle ne recevrait pas ma lettre. Je ne sais même pas si celle-ci vous parviendra. Recevez pour eux deux, ici, ma bénédiction. J'espère qu'un jour, lors

dans ses derniers malheurs, toujours traitée en reine; et Marie-Antoinette, dont on ne cite que des traits de bienfaisance, a été traitée comme la dernière des criminelles!! (V. le testament de Marie Stuart, tom. I, pp. 238-354.)

qu'ils seront plus grands, ils pourront se réunir avec vous, et jouir en entier de vos tendres soins. Qu'ils pensent tous deux à ce que je n'ai cessé de leur inspirer; que les principes et l'exécution exacte de ses devoirs sont la première base de la vie; que leur amitié et leur confiance mutuelle en feront le bonheur; que ma fille sente qu'à l'âge qu'elle a, elle doit toujours aider son frère par les conseils que l'expérience qu'elle aura de plus que lui et son amitié pourront lui inspirer; que mon fils à son tour rende à sa sœur tous les soins et les services que l'amitié peut inspirer; qu'ils sentent enfin tous deux que, dans quelque position où ils pourront se trouver, ils ne seront vraiment heureux que par leur union. Qu'ils prennent exemple de nous. Combien dans nos malheurs notre amitié nous a donné de consolation! et dans le bonheur on jouit doublement quand on peut le partager avec un ami. Et où en trouver de plus tendre, de plus cher que dans sa propre famille? Que mon fils n'oublie jamais les derniers mots de son père, que je lui répète expressément : Qu'il ne cherche jamais à venger

notre mort.

» J'ai à vous parler d'une chose bien pénible à mon cœur. Je sais combien cet enfant doit vous avoir fait de la peine pardonnez-lui, ma chère sœur; pensez à l'âge qu'il a, et combien il est facile de faire dire à un enfant ce qu'on veut, et même ce qu'il ne comprend pas. Un jour viendra, j'espère, où il ne sentira que mieux tout le prix devos bontés et de votre tendresse pour tous deux. Il me reste à vous confier encore mes dernières

pensées. J'aurais voulu les écrire dès le commencement du procès ; mais outre qu'on ne me laissait pas écrire, la marche en a été si rapide que je n'en aurais réellement pas eu le temps.

» Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle de mes pères, dans celle où j'ai été élevée et que j'ai toujours professée, n'ayant aucune consolation spirituelle à attendre, ne sachant pas s'il existe encore ici des prêtres de cette religion; et même le lieu où je suis les exposerait trop, s'ils y entraient une fois.

» Je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j'ai pu commettre depuis que j'existe. J'espère que dans sa bonté il voudra bien recevoir mes derniers vœux, ainsi que ceux que je fais depuis longtemps pour qu'il veuille bien recevoir mon ame dans sa miséricorde et sa bonté. Je demande pardon à tous ceux que je connais, et à vous, ma sœur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j'aurais pu vous causer. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu'ils m'ont fait. Je dis ici adieu à mes tantes et à tous mes frères et sœurs. J'avais des amis: l'idée d'en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j'emporte en mourant; qu'ils sachent, du moins, que jusqu'à mon dernier moment j'ai pensé à eux. Adieu, ma bonne et tendre sœur. Puisse cette lettre vous arriver! Pensez toujours à moi; je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que mes pauvres et chers enfans. Mon Dieu! qu'il est déchirant de les quitter pour toujours. Adieu, adieu! Je ne vais plus m'occuper que de mes devoirs spirituels.

Comme je ne suis pas libre dans mes actions, on m'amènera peut-être un prêtre, mais je proteste ici que je ne lui dirai pas un mot, et que je le traiterai comme un être absolument étranger. »

Après avoir terminé ces douloureux adieux, la reine se jeta sur un lit, et ne tarda pas à goûter pour la dernière fois les douceurs d'un sommeil paisible et profond: hélas, c'était celui de l'innocence! Cinq heures étaient à peine écoulées, qu'à son réveil on lui fit quitter sa robe de deuil, et on lui donna un déshabillé de piqué blanc. Ensuite elle fut livrée à l'exécuteur, qui lui lia les mains derrière le dos, et la fit monter avec lui sur le tombereau banal destiné à conduire les criminels au supplice. Pendant le trajet depuis la Conciergerie à la place Louis XV, MarieAntoinette ne montra ni abattement, ni fierté ; elle regardait avec indifférence une force armée de trente mille hommes qui formaient une double haie dans les rues où elle passait, et elle conservait le plus grand calme au milieu des injures grossières d'une vile populace. Arrivée sur la place Louis XV, à midi précis, elle monta sur l'échafaud avec courage et résignation, puis se mit à genoux et dit : SEIGNEUR, ÉCLAIREZ ET TOUCHEZ MES BOURREAUX. ADIEU POUR TOUJOURS, MES ENFANS, JE VAIS REJOINDRE VOTRE PÈRE. A l'instant où l'exécuteur arracha le bonnet qui lui couvrait la tête, elle devint plus pâle qu'à l'ordinaire, son visage entièrement décoloré annonça que tout le sang venait de se porter vers le cœur : elle perdit connaissance; et il est présumable que le ciel permit

que cet évanouissement lui dérobât l'horreur du moment fatal. A midi et quart le sacrifice fut consommé, et Marie-Antoinette partagea la couronne immortelle du roi-martyr.

Disons un mot sur la découverte du testament de cette auguste princesse. Il y a apparence que la sensation qu'avait produite la publication du testament du roi, détermina les comités à ensevelir dans un profond oubli l'acte à peu près semblable que la reine fit avant d'aller à la mort. Cependant Fouquier-Tinville, à qui l'on remit cette pièce au moment où sa victime quittait la prison, y apposa sa signature; et il est présumable qu'il déposa la lettre au comité de salut public ou entre les mains de Robespierre; elle fut trouvée, après le supplice de celui-ci, dans ses papiers; et Courtois (1), chargé de faire un rapport sur ces papiers, enleva cette pièce et la conserva

(1) Courtois, receveur du district à Arcis-sur-Aube, membre de l'Assemblée législative et de la Convention, fit ce rapport le 16 nivôse an III (5 janvier 1795); il est imprimé en 1 vol. in-8.°, de 408 pag. Mais on n'y trouve rien de relatif à la reine. Courtois fut nommé membre du Tribunat après le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), et en sortit après la première élimination. Puissamment riche, il acheta un hôtel et un jardin magnifiques; il possédait une superbe bibliothèque, riche surtout en auteurs et poëtes latins modernes. Il fit aussi l'acquisition de la terre de Montboissier qui appartenait à la fille respectable du vertueux Malesherbes (a); et par une de ces bizarreries inconséquentes du cœur hu

(a) Cette dame, la dernière des filles de M. de Malesherbes, est morte à Paris, le 16 avril 1827.

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