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A MONSEIGNEUR

LE DUC DE CHOISEUL,

Ministre secrétaire-d'état, Pair de France, Colonel-général des Suisses et Grisons, Surintendant des Postes, etc.

MONSEIG

ONSEIGNEUR,

La reconnaissance m'oblige à vous présenter cet ouvrage, entrepris pour vous plaire. Elle m'engagerait à y joindre votre éloge; mais votre délicatesse ne le souffrirait pas, c'est à l'histoire à s'en charger. Ceux qui traceront le tableau de l'Europe, seront vos vrais panégyristes: ils montreront dans vos mains les ressorts qui la font mouvoir, et qui ne peuvent être encore

généralement aperçus. Le génie, dans tout

ce qu'il entreprend de grand et de beau, ne peut être jugé que par les siècles.

Je suis, avec un profond respect,

MONSEIGNEUR,

Votre très-humble et trèsobéissant serviteur,

DE LA HARPE.

DISCOURS

PRÉLIMINAIRE.

ON sait peu de chose de la vie de Suétone. Son De Suétone.

père était tribun légionnaire, et servit dans la guerre d'Othon et de Vitellius. Le fils fut secrétaire de l'empereur Adrien', et perdit sa place pour s'être permis avec l'impératrice Sabine des libertés peu respectueuses. Il était lié avec Pline le jeune, qui l'exhorte dans une de ses lettres à mettre au jour quelques ouvrages qu'il dit être des morceaux achevés. Suétone en a composé plusieurs, que nous n'avons plus, sur les différents habillements des peuples, sur l'histoire des spectacles, sur les défauts corporels, sur les fonctions des préteurs, etc. Il ne nous reste de lui qu'un abrégé très-concis de la Vie des Grammairiens, et l'Histoire des douze premiers Césars. C'est ce dernier ouvrage dont j'offre la traduction au public.

On a vu quel motif m'avait déterminé à l'entreprendre Suétone d'ailleurs n'est point un auteur sans mérite. Je ne crois pas qu'on me soupçonne de l'idolâtrie ordinaire aux traducteurs,

qui semblent toujours prosternés devant leurs originaux. C'est une grace d'état, et je n'ai pas droit d'y prétendre. On verra, dans mes notes, que je n'approuve point tout ce qu'écrit Suétone: je voudrais y voir moins d'inutilités et de détails minutieux. Mais, en général, si ce n'est pas un écrivain éloquent, c'est du moins un historien curieux: il est exact jusqu'au scrupule, et rigoureusement méthodique. Il n'omet rien de ce qui concerne l'homme dont il écrit la vie, et se croit obligé de rapporter non-seulement tout ce qu'il a fait, mais tout ce qu'on a dit de lui. On rit de cette attention dont il se pique dans les plus petites choses, mais on n'est pas fâché de les trouver; et c'est apparemment pour cette raison que l'auteur d'Émile regrette quelque part qu'il n'y ait plus de Suétone.

S'il abonde en détails, il est fort sobre sur les réflexions: il raconte sans s'arrêter, sans paraître prendre intérêt à rien, sans donner aucun témoignage d'approbation ou de blâme, d'attendrissement ou d'indignation: sa fonction unique est celle de narrateur. Il résulte de cette indifférence un préjugé très-bien fondé en faveur de son impartialité il n'aime ni ne hait les hommes dont il parle; c'est aux lecteurs à les juger. Il cite trèssouvent des ouï-dire, mais il ne les garantit point; Injustice et cette précaution aurait dû le mettre à l'abri d'un auteur du reproche d'imbécillité que lui fait un peu duson égard. rement l'auteur des Révolutions de l'empire ro

moderne à

main, qui prodigue aisément le blâme et le mépris. Il va jusqu'à dire qu'il suffit qu'un fait soit rapporté par Suétone, pour qu'on soit dispensé d'y ajouter foi. Il aurait dû faire attention que des assertions aussi générales sont presque toujours fausses; que, pour dépouiller ainsi un historien de tous ses titres auprès de la postérité, il faudrait prouver qu'il avait quelque intérêt à tromper, ou qu'il était absolument dépourvu | d'esprit et de jugement. Or, il suffit de lire dix pages de Suétone pour voir qu'il n'est d'aucun parti et qu'il écrit sans passion. Il est d'ailleurs bien difficile de croire qu'Adrien, qui était un homme de beaucoup d'esprit, ait choisi pour secrétaire un imbécille, et que Pline, qui écrit avec tant de circonspection, donne des éloges à un sot. Reste à l'examiner sur ce qu'il nous a laissé. Il n'a point de couleur, il est vrai; mais il est net et rapide, et sa composition est en général celle d'un homme instruit. Du reste, son censeur n'est pas heureux dans le choix des morceaux qu'il attaque. Il l'accable d'injures pour avoir fait dire à Titus ce mot fameux, Mes amis, j'ai perdu un jour; et cet autre, Il ne faut pas que personne sorte mécontent de l'audience d'un prince. Voilà les plus forts griefs de M. Linguet. Il me semble qu'ils ne sont pas péremptoires; et c'est ce qu'on pourra voir dans les réflexions qui suivent la vie de Titus.

J'ai dit que Suétone n'était point un grand

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