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« fils Alexandre, qui eut de plus grandes vertus « et de plus grands vices que lui. Tous deux triomphèrent de leurs ennemis, mais diversement: « l'un n'employait que la force ouverte; l'autre « avait recours à l'artifice: l'un se félicitait quand <«< il avait trompé ses ennemis; l'autre quand il << les avait mis en déroute: Philippe avait plus de << politique, Alexandre plus de grandeur: le père <«< savait dissimuler sa colère et quelquefois même << la surmonter; le fils ne connaissait dans ses << vengeances ni délais ni bornes. Tous deux ai<< maient trop le vin; mais l'ivresse avait en cux « différents effets: Philippe, au sortir d'un repas, <«< allait chercher le péril et s'y exposait témérai«rement; Alexandre tournait sa fureur contre « ses propres sujets: aussi l'un revint souvent du

champ de bataille couvert de blessures; l'autre « se leva de table souillé du sang de ses amis. «< Ceux de Philippe n'étaient point admis à par« tager son pouvoir; ceux d'Alexandre sentaient « le poids de sa domination: le père voulait être « aimé; le fils voulait être craint. Tous deux cul<«<tivèrent les lettres, mais Philippe par politique, <«< Alexandre par penchant. Le premier affectat «plus de modération avec ses ennemis; l'autre « en avait réellement davantage, et mettait dans « sa clémence plus de grace et de bonne for. « Celui-ci était plus porté à la débauche, celui-la « à la tempérance. C'est avec ces qualités diverses « que le père jeta les fondements de l'empire du

<< monde, et que le fils eut la gloire d'achever ce

grand ouvrage. »

Nous avons d'aussi beaux parallèles dans nos orateurs; mais, pour en trouver de semblables dans nos historiens, il faut ouvrir l'histoire de Charles XII, l'un des morceaux de notre langue le plus éloquemment écrits, et lire les portraits du roi de Suède et du Czar mis en opposition. Florus, qui a composé l'abrégé de l'histoire De Florus. romaine jusqu'au règne d'Auguste sous lequel il vivait ainsi que Patercule, a le mérite d'avoir resserré en un très-petit volume les annales de sept cents ans, sans omettre un seul fait considérable. Ce mérite est aussi celui de Patercule; et il faut avouer que nous autres modernes nous ne sommes pas tout-à-fait si laconiques ni si pleins de suc et de substance. Les inutilités verbeuses prodiguées dans nos histoires contribuent beaucoup à en rendre la lecture dégoûtante, sur-tout pour les amateurs des anciens. Tel règne contient chez nous cinq ou six volumes; et la plus grande partie de l'histoire romaine, racontée avec tous les détails essentiels, a été renfermée dans le même espace par Tite-Live; encore y a-t-il au moins la valeur d'un volume en harangues de son invention, qui sont des modèles de l'art oratoire. Cette différence n'est pas à notre avantage. Nous sommes à-la-fois secs et bavards. Encore aujourd'hui l'ambition de quiconque écrit est de ramener à son sujet tout ce qui n'en est pas; de faire

Toutes nos trop lon

histoires

gues.

ce qu'on appelle des morceaux unus et alter assuitur pannus. Délayer s'appelle approfondir, et l'on ne fait pas réflexion que Tacite et Montesquieu, aussi profonds que d'autres, ne sont point du tout prolixes. C'est en serrant des idées, et non pas en amassant des mots, que l'on est profond :

Le secret d'ennuyer est celui de tout dire.

Un autre inconvénient de toutes ces pièces de rapport ajustées ensemble, c'est de ne point faire un tout, quia ponere totum nesciet; et la plupart des ouvrages de cette espèce ressemblent à des habits d'arlequin.

Florus a de l'énergie et de la précision; cependant il y a dans son style quelques traces de déclamation par exemple, en parlant de la guerre des Latins, et comparant cette époque à la grandeur des Romains sous Auguste, il s'étend fort longuement sur cette comparaison.

« Sora et Argidum, qui le croirait? furent la « terreur des Romains. Satricum et Corniculum « furent les départements des consuls. Nous avons

triomphé, ô honte! de Vérule et de Boville. «< Tibur et Préneste, aujourd'hui nos maisons de «< campagne, étaient les conquêtes que l'on de<«< mandait aux dieux du Capitole. Les Étrusques <«< étaient pour nous ce que sont aujourd'hui les « Parthes; le bois d'Aricie était la forêt Herci« nienne; Frégelle était Calais; le Tibre était l'Eu<< phrate, etc. >>

Cette figure est trop prolongée et trop oratoire. Mais Florus ne donne pas souvent dans cet excès. La conjuration de Catilina, racontée en deux pages, est un modèle de la rapidité et de la plénitude historique dans le genre de l'abrégé. « La débauche et les dettes qu'elle entraîne, «l'éloignement des armées romaines occupées «< alors aux extrémités de l'Orient, furent les motifs qui engagèrent Catilina à conspirer contre « sa patrie. Il voulait massacrer le sénat et les « consuls, embrâser Rome, piller le trésor, et « anéantir la république; il voulait tout ce qu'Ana nibal lui-même aurait eu horreur de médi«ter. Ce qui fait encore frémir davantage, c'est a le nom de ses complices. Lui-même était patri«< cien ; mais c'est peu. Les Curius, les Porcius, « les Sylla, les Cethegus, les Autronius, les Vargonteius, les Longinus, quels noms illustres dans le sénat! Lentulus, alors préteur; voilà ceux qui trempèrent dans le plus détestable complot. Le gage de leur union fut du sang humain qu'ils burent dans la même coupe; « crime affreux, mais moindre que celui qui les «unissait. C'en était fait d'un si bel empire, si « Rome n'eût pas en alors pour consuls Antoine « et Cicéron. L'activité de l'un découvrit la con«spiration, et les armes de l'autre l'étouffèrent. On fut redevable du premier indice à Fulvie, « méprisable prostituée, mais qui n'avait point de part au crime. Cicéron tonna contre le cou

pable qui avait osé s'asseoir en sa présence dans «<l'assemblée du sénat: l'effet de sa harangue fut « de forcer Catilina à sortir de Rome; mais il ne <«< sortit qu'en menaçant d'entraîner ses ennemis « dans sa ruine. Il vole à son armée, qui s'as<< semblait en Étrurie sous les ordres de Manlius. Lentulus, persuadé, sur un oracle des Sibylles, «< que sa famille était destinée à l'empire du « monde, dispose tout dans Rome, armes, flam<«< beaux, assassins, pour le jour marqué par Cati« lina: il sollicite les députés des Allobroges, qui « étaient alors dans la ville; et la conjuration se <«< serait étendue au-delà des Alpes, si Volturtius <«< n'eût trahi ses complices et livré les lettres du << préteur Lentulus. Cicéron fait sur-le-champ <«< arrêter les députés des barbares : le préteur est «< convaincu en plein sénat; on délibère de leur supplice. César voulait qu'on eût égard à la dignité; Caton, qu'on n'eût égard qu'au crime. « Cet avis passe, et les conjurés sont étranglés dans la prison. Catilina, voyant ses desseins à « moitié détruits, n'y renonça pourtant pas. Du « fond de l'Étrurie il s'avance contre Rome, et << rencontre l'armée d'Antoine. Il est vaincu. Pour « donner une idée de l'acharnement des combat«< tants, il suffit de dire qu'il ne se sauva pas du champ de bataille un seul des soldats de Catilina; tous expirèrent à la même place où ils << avaient combattu. Lui-même fut trouvé, fort « loin des siens, au milieu des cadavres des en

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