meubles, voulut qu'on allât manger chez lui; on dit même qu'il voulait le faire consul. LVI. Au milieu de tant de folies et d'excès, plusieurs citoyens eurent assez de courage pour songer à le punir. Deux conspirations furent découvertes; et, tandis qu'on attendait d'autres occasions et qu'on balançait, deux Romains (1) se communiquèrent leur projet et l'exécutèrent, favorisés sous main par les plus puissants des affranchis et par les officiers du prétoire qui avaient été nommés déja dans une conjuration, quoique à tort, et sentaient que depuis ce moment ils étaient devenus odieux et suspects. Caius avait soulevé les esprits contre eux par la démarche qu'il avait faite il les avait fait venir, et, tirant son épée, il avait juré qu'il était prêt à se donner la mort s'il leur paraissait la mériter. Il ne cessait depuis ce temps de les accuser les uns auprès des autres, et d'exciter entre eux la haine et les soupçons. On convint de l'attaquer à midi au sortir d'un spectacle qui devait se représenter dans son palais. Cassius Chærea, tribun de la cohorte prétorienne alors de garde, demanda à porter le premier coup. Caius insultait souvent à sa vieillesse, le traitait d'efféminé, lui reprochait avec outrage ses mœurs molles et déréglées ; et quand il lui demandait le mot du guet, il lui donnait Priape ou Vénus, ou lui présentait sa main à baiser avec un geste obscène. LVII. Sa mort fut annoncée par plusieurs présages. La statue de Jupiter Olympien, qu'il avait ordonné (1) Josephe, dans ses Antiquités, en nomme trois, Cassius Chærea, Emilius Regulus, et Minutianus. quoque nomine, jussum se somnio affirmans immolare taurum Jovi. Capitolium Capuæ idibus martiis de coelo tactum est: item Romæ cella palatini atriensis. Nec defuerunt qui conjectarent altero ostento periculum a custodibus domino portendi; altero, cædem rursùs insignem, qualis eodem die facta quondam fuisset. Consulenti quoque de genitura sua, Sylla mathematicus certissimam necem appropinquare affirmavit. Monuerunt et sortes Antiatinæ ut a Cassio caveret. Quâ causâ ille Cassium Longinum Asia tum proconsulem occidendum delegaverat, immemor Chæream Cassium nominari. Pridiè quàm periret, somniavit consistere se in cœlo juxta solium Jovis, impulsumque ab eo dextri pedis pollice, et in terras præcipitatum. Prodigiorum loco habita sunt etiam quæ fortè illo ipso die paulò priùs acciderant. Sacrificans respersus est phoenicopteri sanguine. Et pantomimus Mnester tragoediam saltavit, quam olim Neoptolemus tragœdus, ludis quibus rex Macedonum Philippus occisus est, egerat. Et quum in Laureolo mimo, in quo actor proripiens se ruinâ sanguinem vomuit, ut plures secundarum certatim experimentum artis darent, cruore scena abundavit. Parabatur et in noctem spectaculum, quo argumenta inferorum per Ægyptios et Æthiopes explica rentur. qu'on transportât à Rome, fit tout-à-coup un si grand éclat de rire lorsqu'on y mit la main, que les ouvriers laissèrent tomber leurs machines et s'enfuirent, et aussitôt il survint un certain Cassius qui disait avoir reçu en songe l'ordre d'immoler un taureau à Jupiter. Le Capitole de Capoue fut frappé du tonnerre, le jour des ides de mars, et le vestibule du palais le fut aussi le même jour; d'où l'on conjectura que Caius était menacé d'un grand danger de la part de ses gardes, et qu'on allait voir quelque meurtre signalé tel que celui qu'on avait déja vu aux ides de mars. L'astrologue Sylla, qu'il consultait sur son horoscope, lui annonça une mort prochaine. L'oracle du temple de la Fortune à Antium l'avertit de se défier de Cassius, et là-dessus il avait donné l'ordre de faire périr Cassius Longinus, proconsul d'Asie. Il ne se souvint pas que Chærea s'appelait aussi Cassius. La veille de sa mort il rêva qu'il était dans le ciel à côté du trône de Jupiter, et que Jupiter l'avait poussé avec le pouce du pied droit, et l'avait précipité sur la terre. On regarda aussi comme des prodiges plusieurs accidents que le hasard produisit le même jour. En sacrifiant, il fut couvert du sang d'un PHÉNICOPTÈRE. Le pantomime Mnester représenta une tragédie que le comédien Neoptolème avait jouée le jour que Philippe de Macédoine fut tué. Dans la pantomime appelée LAUREOLUS, l'acteur qui est supposé échapper à la ruine d'un édifice, feignit de vomir du sang, et comme les acteurs qui le doublaient voulaient faire preuve de leur adresse, ils en vomirent aussi, et la Scène se trouva remplie de sang. On préparait aussi pour la nuit qui suivit sa mort une pièce où des Égyptiens et des Éthiopiens devaient expliquer les mystères infernaux. LVIII. Nono kalendas februarias horà ferè septimâ, cunctatus an ad prandium surgeret, marcente adhuc stomacho pridiani cibi onere, tandem suadentibus amicis egressus est. Quum in crypta, per quam transeundum erat, pueri nobiles ex Asia ad edendas in scena operas evocati præpararentur, ut eos inspiceret hortareturque restitit. Ac, nisi princeps gregis algere se diceret, redire ac repræsentare spectaculum voluit. Duplex dehinc fama est: alii tradunt alloquenti pueros a tergo Chæream cervicem gladio casim graviter percussisse, præmissà voce, « Hoc dehinc Cornelium Sabinum, alterum e conjuratis tribunum, ex adverso trajecisse pectus: alii, Sabinum, submotà per conscios centuriones turbâ, signum more militiæ petisse, et Caio Jovem dante, Chæream exclamasse : « Accipe ratum,» respicientique maxillam ictu discidisse. Jacentem, contractisque membris clamitantem se vivere, cæteri vulneribus triginta confecerunt. Nam signum erat omnium, Repete. Quidam etiam per obscoena ferrum adegerunt. Ad primum tumultum lecticarii cum asseribus in auxilium accurrerunt, mox germani corporis custodes, ac nonnullos ex percussoribus, quosdam etiam senatores innoxios, interemerunt. LIX. Vixit annis viginti novem, imperavit triennio et decem mensibus, diebusque octo. Cdaver ejus clam in hortos lamianos asportatum. LVIII. Le 24 janvier, à une heure après midi, il balança s'il se lèverait pour prendre son repas (1), se sentant l'estomac encore chargé. Il sortit pourtant à la prière de ses amis. Il fallait passer sous une voûte, et l'on avait placé en cet endroit de jeunes garçons asiatiques de familles nobles, qui venaient pour paraître sur le théâtre de Rome. Il s'arrêta un moment pour les considérer et les exhorter à bien faire, et, si leur chef n'avait pas dit qu'il mourait de froid, il allait retourner sur ses pas et faire une répétition. On ne s'accorde pas sur ce qui se passa en ce moment. Les uns disent que, pendant qu'il parlait à ces jeunes gens, Chærea l'avait frappé au cou par derrière, et l'avait blessé grièvement, en criant A MOI, et que le tribun Cornelius Sabinus, l'autre conjuré, lui avait percé le cœur d'autres disent que Sabinus, ayant fait écarter tout le monde par des centurions qui étaient du complot, lui avait demandé le mot de l'ordre, et que Caligula ayant donné JUPITER, Cassius Chærea s'était écrié, VA LE REJOINDRE, et, comme il se retournait, l'avait frappé à la mâchoire. Renversé par terre et se repliant sur lui-même, il cria qu'il vivait encore. Les autres conjurés le percèrent de trente coups de poignard. Le mot de ralliement était REDOUBLE. Plusieurs même lui enfoncèrent le fer dans la partie virile. Au premier bruit, ses porteurs accoururent avec leurs bâtons, ensuite sa garde allemande, et ils tuèrent plusieurs des meurtriers, et même quelques sénateurs innocents. LIX. Il vécut vingt-neuf ans, et en régna trois, |