Immagini della pagina
PDF
ePub

croisade connue de tout le monde, et n'en a omis ni l'hermite Pierre ni les processions. Virgile n'a construit la fable de son Enéide que des fables reçues de son temps, et qui passaient pour l'histoire véritable de la descente d'Enée en Italie.

Homère, contemporain d'Hésiode, et qui par conséquent vivait environ cent ans après la prise de Troie, pouvait aisément avoir vu, dans sa jeunesse, des vieillards qui avaient connu les héros de cette guerre. Ce qui doit même plaire davantage dans Homère, c'est que le fond de son ouvrage n'est point un roman, que les caractères ne sont point de son imagination, qu'il a peint les hommes tels qu'ils étaient, avec leurs bonnes et mauvaises qualités, et que son livre est un monument des mœurs de ces temps reculés.

La Henriade est composée de deux parties; d'évènements réels dont on vient de rendre compte, et de fictions. Ces fictions sont toutes puisées dans le système du merveilleux, telles que la prédiction de la conversion de HENRY IV., la protection que lui donne S. Louis, son apparition, le feu du ciel détruisant ces opérations magiques qui étaient alors si communes, etc. Les autres sont purement allégoriques de ce nombre sont le voyage de la Discorde à Rome, la Politique, le Fanatisme, personnifiés, le temple de l'amour, enfin les passions et les vices

Prenant un corps, une ame, un esprit, un visage.

'Que si l'on a donné dans quelques endroits à ces passions personnifiées les mêmes attributs que leur donnaient les païens, c'est que ces attributs allégoriques sont trop connus pour être changés. L'Amour a des flèches, la Justice a une balance dans nos ouvrages les plus chrétiens, dans nos tableaux, dans nos tapisseries, sans que ces représentations aier la moindre teinture de paganisme. Le mot d'Amphitritre dans notre poésie ne signifie que la mer, et non l'épouse de Neptune: les champs de Mars ne veulent dire que la guerre, etc. S'il est quelqu'un d'un avis contraire, il faut le renvoyer encore à ce grand maître M. Despréaux, qui dit:

C'est d'un scrupule vain s'alarmer sottement
Et vouloir au lecteur plaire sans agrément.
Bientôt ils défendront de peindre la Prudence,
De donner à Thémis ni bandeau ni balance,
De figurer aux yeux la Guerre au front d'airain,
Ou le temps qui s'enfuit une horloge à la main;
Et par-tout, des discours, comme une idolâtrie,
Dans leur faux zèle iront chasser l'allégorie.

Ayant rendu compte de ce que contient cet ouvrage, on croit devoir dire un mot de l'esprit dans lequel il a été composé. On n'a voulu ni flatter ni médire. Ceux qui trouveront ici les mauvaises actions de leurs ancêtres n'ont qu'à les réparer par leur vertu. Ceux dont les aïeux y sont nommés avec éloge ne doivent aucune reconnaissance à l'auteur, qui n'a eu en vue que la vérité; et le seul usage

qu'ils doivent faire de ces louanges, c'est d'en mériter de pareilles.

Si l'on a dans cette nouvelle édition retranché quelques vers qui contenaient des vérités dures contre les papes qui ont autrefois déshonoré le saintsiége par leurs crimes, ce n'est pas qu'on fasse à la cour de Rome l'affront de penser qu'elle veuille rendre respectable la mémoire de ces mauvais pontifes. Les Français qui condamnent les méchancetés de Louis XI et de Catherine de Médicis, peuvent parler sans doute avec horreur d'Alexandre VI. Mais l'auteur a élagué ce morceau, uniquement parcequ'il était trop long, et qu'il y avait des vers dont il n'était pas content.

C'est dans cette seule vue qu'il a mis beaucoup de noms à la place de ceux qui se trouvent dans les premières éditions, selon qu'il les a trouvés plus convenables à son sujet, ou que les noms mêmes lui ont paru plus sonores. La seule politique dans un poëme doit être de faire de bons vers. On a retranché la mort d'un jeune Boufflers, qu'on supposait tué par HENRI IV, parceque dans cette circonstance la mort de ce jeune homme semblait rendre HENRI IV un peu odieux, sans le rendre plus grand. On a fait passer Duplessis-Mornai en Angleterre auprès de la reine Elisabeth, parcequ'effectivement il y fut envoyé, et qu'on s'y ressouvient encore de sa négociation. On s'est servi de ce même Duplessis-Mornai dans le reste du poëme,

parcequ'ayant joué le rôle de confident du roi dans le premier chant, il eût été ridicule qu'un autre prît sa place dans les chants suivants; de même qu'il serait impertinent dans une tragédie (dans Bérénice, par exemple) que Titus se confiât à Paulin au premier acte, et à un autre au cinquième. Si quelques personnes veulent donner des interprétations malignes à ces changements, l'auteur ne doit point s'en inquiéter: il sait que quiconque écrit est fait pour essuyer les traits de la malice.

Le point le plus important est la religion, qui fait en grande partie le sujet du poëme, et qui en est le seul dénouement.

L'auteur se flatte de s'être expliqué en beaucoup d'endroits avec une précision rigoureuse qui ne peut donner aucune prise à la censure. Tel est, par exemple, ce morceau sur la TRINITÉ:

La puissance, l'amour, avec l'intelligence,
Unis et divisés, composent son essence.

Et celui-ci :

Il reconnaît l'église ici-bas combattue,
L'église toujours une, et par-tout étendue ;
Libre, mais sous un chef, adorant en tout lieu
Dans le bonheur des saints la grandeur de son Dieu.
Le Christ, de nos péchés victime renaissante,

De ses élus chéris nourriture vivante,

Descend sur les autels à ses yeux éperdus,

Et lui découvre un Dieu sous un pain qui n'est plus.

Si l'on n'a pu s'exprimer par-tout avec cette exactitude théologique, le lecteur raisonnable y doit suppléer. Il y aurait une extrême injustice à examiner tout l'ouvrage comme une thèse de théologie. Ce poëme ne respire que l'amour de la religion et des lois. On y déteste également la rébellion et la persécution: il ne faut pas juger sur un mot un livre écrit dans un tel esprit.

« IndietroContinua »