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çon, arbrisseau, oiseau, poisson, avant que d'être Empedocle.

Mais comment un aussi grand philosophe que Pythagore, et si estimable par beaucoup d'excellentes qualités, a-t-il été conduit à un pareil système? Comment a-t-il pu s'attirer une si grande foule de sectateurs en leur débitant des opinions capables de révolter tout homme de bon sens? Comment des peuples entiers, qui d'ailleurs sont instruits et policés, ont-ils conservé ce dogme jusqu'à nos jours?

Il est constant que Pythagore et tous les anciens philosophes, quand ils commencèrent à philosopher, trouvèrent le dogme de l'immortalité de l'ame généralement établi dans les peuples; et c'est sur ce principe que Pythagore, comme les autres, commença à publier sa doctrine. Mais, quand il s'agissait de fixer ce que cette ame devenait après la courte fonction qu'elle avait faite d'animer un corps humain, Pythagore, et tous les philosophes avec lui, demeuraient embarrassés et confondus, sans pouvoir rien répondre qui fût capable de satisfaire un esprit raisonnable. Ils ne pouvaient s'accommoder des champs Élysées pour les vertueux, ni du Styx pour les méchants, pures fictions des poètes. Ces amusements des ames bienheureuses leur paraissaient bien insipides; et devaient-ils durer sans fin, et pendant toute une éternité? Mais les ames de ceux qui n'avaient fait ni bien ni mal, comme celles des enfants, qu'en faisait-on ? quel était leur sort et leur état? que devaient-elles faire pendant toute l'éternité?

Pour se tirer de cette objection fort embarrassante, quelques philosophes destinaient les ames des sages et des gens d'esprit à contempler le cours des astres, l'har

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monie des cieux, la naissance des vents et des orages et autres météores, comme l'enseignent Sénèque et quelques autres philosophes. Mais le commun du monde ne pouvait avoir part aux joies savantes et spéculatives de ce paradis philosophique. A quoi était-il donc occupé dans la suite de tous les siècles futurs? On sentait bien qu'il ne serait pas d'un être aussi sage que Dieu, de créer tous les jours des êtres purement spirituels pour animer des corps pendant quelques jours, et pour n'avoir plus de fonction le reste de leur durée. Pourquoi créer tant d'ames d'enfants qui meurent en naissant et dans le sein de leurs mères sans avoir pu faire le moindre exercice de leur raison? Est-il de la sagesse de Dieu de produire chaque jour des milliers d'ames nouvelles, et de continuer d'en créer chaque jour d'autres pendant toute l'éternité, lesquelles ne serviront à rien? Que faire de ces millions infinis d'ames inutiles et oisives? Quel pouvait être le but de cet amas d'esprits, qui s'accumulaient incessamment, sans destination et sans fin?

Ces difficultés étaient accablantes pour toutes les sectes de philosophes. Dans l'impossibilité d'y satisfaire, quelques-uns sont venus à douter de l'immortalité de l'ame, et même à la nier. Les autres, qui n'ont pu se résoudre à renoncer à un dogme que Dieu a gravé trop profondément dans le cœur des hommes pour pouvoir se le dissimuler, se sont vus contraints à les faire passer d'un corps dans un autre; et comme ils ne pouvaient concevoir les peines éternelles, ils ont cru punir suffisamment les méchants en les renfermant dans les corps des bêtes. Et de là ils sont tombés dans toutes les absurdités qu'on leur reproche avec

justice. Mais les autres sectes ne se défendaient guère mieux des absurdités qui naissaient de leurs différents systèmes.

Je reviens à Pythagore. Par une suite nécessaire de la métempsycose, il concluait, et c'était un des points capitaux de sa morale, que l'homme commettait un grand crime quand il tuait ou qu'il mangeait des animaux, parce que tous les animaux, de quelque espèce qu'ils soient, étant animés de la même ame, il y avait une horrible cruauté à égorger un autre soi-même. C'est ce qu'Ovide, dans l'endroit où il feint que Pytha- Metamorph. gore débite ses maximes au roi Numa, décrit ingénieusement à sa manière dans ces trois vers:

Heu! quantum scelus est in viscera condi,
Congestoque avidum pinguescere corpore corpus,
Alteriusque animantem animantis vivere letho!

Mais, remarque encore très-spirituellement le traducteur déja cité, qu'aurait répondu Pythagore à un homme qui lui aurait demandé, conformément à ses principes : « Quel mal fais-je à un poulet en le tuant? « Je ne fais que lui faire changer de forme, et il risque << bien plus de gagner que de perdre à ce troc. Peut-être «< que son ame, tout en sortant de chez lui, ira animer quelque embryon qui un jour sera un grand mo<«<narque, un grand philosophe; et au lieu de se voir captive dans un poulet, à qui des hommes peu cha<< ritables laissent souffrir dans une basse-cour les in«<jures de l'air et cent autres incommodités, elle se << verra logée dans un assemblage de corpuscules qui, << formant le corps tantôt d'un Épicure, tantôt d'un César, regorgera de plaisirs et d'honneurs. >>

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lib. 15.

:

Le même philosophe défendait à ses disciples de manger des fèves; d'où vient qu'Horace les appelle parentes Lib. 2, sat. 6. ou alliées de Pythagore faba Pythagoræ cognata. On apporte différentes raisons de cette défense; entre autres, que les fèves, par l'enflure qu'elles causent, excitent des vapeurs fort contraires à la tranquillité de l'ame, nécessaire à ceux qui s'appliquent à la recherche de la vérité.

Je ne finirais point, si j'entreprenais de rapporter en détail toutes les merveilles attribuées à Pythagore. Si l'on en croit Porphyre, cet ennemi déclaré du christianisme, et lamblique, son disciple (car ce sont là les dignes garants qu'on cite de tous ces miracles), Pythagore se faisait entendre et obéir des bêtes mêmes. Il ordonna à une ourse, qui faisait de grands ravages dans la Daunie, de se retirer, et elle disparut. Il défendit à un bœuf, après lui avoir dit un mot à l'oreille, de manger des fèves: oncques depuis il n'y toucha. On affirme qu'en un même jour on l'avait vu et entendu disputer dans une assemblée publique en deux villes fort éloignées l'une de l'autre, et situées l'une en Italie, l'autre en Sicile. Il prédisait les tremblements de terre, apaisait les tempêtes, chassait la peste et guérissait des maladies. Sa cuisse d'or ne doit pas être omise. Il la montra à son disciple Abaris, prêtre d'Apollon l'hyperboréen, pour lui prouver qu'il était lui-même cet Apollon; et il l'avait aussi montrée, dit-on, dans une assemblée publique à Crotone. Quelles merveilles le même Iamblique ne rapporte-t-il point de cet Abaris!

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Porté sur une flèche au travers de l'air comme sur un Pégase, il faisait bien du chemin en peu de temps, sans que ni les rivières, ni les mers, ni les lieux inaccessibles aux autres hommes, pussent ou arrêter ou retarder ses courses. Croirait-on qu'on pût sérieusement, sur le témoignage de tels auteurs, citer comme réels et véritables des miracles et des guérisons opérés par Pythagore? Credat judæus Apella! Les gens sensés, même parmi les païens, s'en moquaient ouver

tement.

cap. 4.

Il est temps de finir son histoire. On rapporte en bien des manières différentes les circonstances de sa mort. Je n'entrerai point dans ce détail. Justin marque Justin. 1. 20, qu'il mourut à Métaponte, où il s'était retiré, après avoir demeuré vingt ans à Crotone, et que l'admiration qu'on eut pour lui alla si loin, que sa maison fut convertie en un temple, et qu'on l'honora comme un dieu. Il vécut jusqu'à un âge fort avancé.

EMPEDOCLE.

Empédocle, philosophe pythagoricien, était d'Agrigente, ville de Sicile. Il florissait dans la 84 olym-AN. M. 3560. piade. Il fit plusieurs voyages, comme c'était alors la coutume, pour enrichir son esprit des plus rares connaissances. De retour dans sa patrie, il fréquenta les écoles des pythagoriciens. Quelques-uns le font disciple de Pythagore: mais on croit qu'il lui était postérieur de plusieurs années.

Il s'appliquait non- seulement à composer des ou- Diog. Laert. vrages, mais encore à réformer les mœurs de ses con

citoyens; et il ne tint pas à Empédocle qu'il ne fît à

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