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NOTICE

SUR

CHARLES SAUVAGEOT

NOTICE

La vie d'un homme de bien est toujours utile à connaître, surtout quand cet homme a joint aux qualités essentielles du cœur celles d'un esprit distingué, et laissé une œuvre d'art unique dans son genre, qui sauvera son nom de l'oubli. Tel fut Charles Sauvageot, qui, avec un admirable désintéressement, a donné au musée du Louvre la belle collection d'objets d'art formée par ses soins. Toutes proportions gardées, sa bibliothèque, dans laquelle on compte un assez grand nombre de livres rares et curieux, mérite aussi de fixer l'attention. Avant de parler de Sauvageot comme bibliophile, qu'il me soit permis de faire connaître l'homme, l'artiste, et surtout l'amateur de curiosités.

Charles Sauvageot, fils de commerçants, naquit à Paris, le 6 novembre 1781. Son éducation fut toute artistique; il se livra très-jeune à l'étude de la musique, et fut admis au Conservatoire dès l'ouverture de cet établissement, qui eut lieu en 1795. Il remporta le premier prix de violon en 1797, et son nom figure en tête de la liste des plus anciens lauréats de cette école (1). Déjà, en 1792, il avait acquis dans son art

(1) Lassabathie, Histoire du Conservatoire impérial de musique et de déclamation, etc. Paris, 1860, in-12, p. 128.

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une certaine célébrité. Dans un des vaudevilles du temps, un personnage insiste près de son ami pour qu'il vienne chez lui passer la soirée : « N'y manquez pas, dit-il, nous aurons le petit Sauvageot (1). » Les succès du jeune virtuose lui valurent une place à l'orchestre de l'Opéra; il y devint premier violon, et y resta jusqu'en 1829, époque où il obtint sa pension de retraite. Complétement livré à son art, Sauvageot donnait aussi des leçons de musique et d'accompagnement. Dans une maison où il avait été appelé pour accompagner des dames qui jouaient du piano, il eut occasion de rencontrer le directeur des douanes, M. de R***, qui le prit en amitié, et lui offrit une place dans son administration. Ce fut depuis 1811 que Sauvageot occupa aux douanes, à Paris, un emploi, modeste dans le principe, mais qui, avec le temps, devint assez lucratif. S'il se fût décidé à vivre en province pendant quelques années, nul doute qu'il n'eût avancé dans la carrière administrative; mais Sauvageot ne pouvait pas quitter Paris, céder sa place à l'orchestre de l'Opéra, ni surtout s'éloigner des marchands de bric-à-brac et des salles de vente qu'il commençait à fréquenter.

Ce fut au milieu des préoccupations sinistres et des bouleversements de 1793 que le goût revint pour les curiosités du moyen âge et de la renaissance. La fermeture des églises, la suppression des communautés religieuses, le saccagement des grandes habitations féodales, jetèrent sur les places publiques et dans les rues de nos principales villes un grand nombre de ces débris d'une civilisation qui venait de finir. Quelques

(1) Article de M. Jules Lecomte dans le Monde illustré, 7 avril 1860.

hommes, pour la plupart savants ou artistes, qui, par principes ou par goût, étaient attachés aux gloires de notre vieille France, prirent en amour tous ces débris de l'art national, et conçurent la pensée d'en former des collections. Je citerai seulement le baron Vivant Denon, ce gentilhomme artiste, qui, après avoir été employé dans la diplomatie sous Louis XV, fit partie de la commission d'Égypte, devint sous l'Empire directeur des musées et de la monnaie des médailles. Ayant formé un cabinet d'objets d'art de tous les temps et de tous les pays, il y accorda une large place aux produits de l'art français. Pendant la Terreur, de 1793 à 1795, il était logé dans l'hôtel Bullion, rue Plâtrière, nommée déjà rue J.-J. Rousseau. Il se rendait chaque soir, en voisin, dans les salles de cet hôtel, où se faisaient les ventes d'anciens mobiliers, et, sans dépenser beaucoup d'argent, il satisfaisait son goût pour les curiosités. C'est de Sauvageot lui-même que je tiens ce détail; un peu plus tard, il dut rencontrer Denon parmi ceux qui lui disputèrent quelques pièces de son cabinet.

Le goût de Sauvageot pour les curiosités remonte aux premières années de ce siècle. Qui le croirait? son attention se porta, dès le principe, vers les chinoiseries! Il avait même conservé, de ses débuts, certains objets plutôt singuliers que remarquables, qu'il ne montrait qu'à ses amis les plus intimes, et qui peu à peu ont disparu de son cabinet. Un hasard, que j'appellerai providentiel, détourna Sauvageot de la recherche de ces produits exotiques, pour le livrer sans partage à celle de nos curiosités nationales. Voici quelques lignes que j'emprunte à un article ré

cent :

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