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acharné des ennemis de Rome, à accepter une paix honteuse et défavorable. Mais, en 678, au moment même où les gladiateurs et les esclaves révoltés mettaient l'Italie en feu, ce roi avait cédé aux instigations de Servilius, et massacré tous les Romains qui se trouvaient à la portée de ses armes. Lucullus, formé à l'école de Sylla, et grand général lui-même, mit fin aux revers des Romains et aux progrès de Mithridate, et fit contre lui cinq glorieuses campagnes. Déjà il pouvait espérer que bientôt il l'enchaînerait captif à son char de triomphe; Tigrane lui-même avait vu détruire toutes ses armées; sa capitale, ses trésors, indemnisèrent les Romains des secours qu'il avait accordés à leur ennemi, et ce prince, qui se faisait appeler le roi des rois, avait couru demander un asile à Arsace, roi des Parthes, dont Mithridate obtint enfin l'alliance pour combattre avec lui contre les Romains.

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Mais, au milieu des succès les plus éclatans, les légions de Lucullus refusèrent de marcher à de nouvelles victoires. Les fatigues et les périls allaient faire place à des fatigues et à des périls nouveaux et plus grands encore que ceux qu'on avait surmontés. La discipline, qui jadis faisait toute la force des armées romaines, s'était entièrement perdue dans les troupes du parti de Marius; la sédition avait gagné tous les rangs, toutes les légions. Vainement Lucullus voulut rétablir l'ordre il fut obligé de renoncer à ses plans; et, tandis qu'attiré par la richesse du butin il assiégeait Nisibis en Mésopotamie, Mithridate recomposait une armée et rentrait dans le Pont; les lieutenans de Lucullus y éprouvèrent défaites sur défaites. Les ennemis qu'il avait à Rome et les partisans de Pompée ne manquèrent pas de relever dans ces évènemens tout ce qui pouvait être défavorable à ce général, objet de leur envie. Ils se donnèrent tant de mouvement qu'il fut rappelé, et la province de Cilicie fut décernée au consul Glabrion, homme qui, sous aucun rapport, n'était capable de soutenir une guerre contre un adversaire tel que Mithridate. Pompée était alors, comme nous l'avons dit, investi du commandement contre les pirates, et

achevait d'en purger les côtes de Cilicie, quand se répandirent à Rome les bruits les plus exagérés. Non-seulement on disait que toutes les provinces conquises par Lucullus avaient été reprises; mais on ajoutait que Mithridate allait se jeter dans l'Asie romaine, et qu'il pénétrerait jusqu'en Italie. Glabrion, d'après ces nouvelles, n'avait nulle envie de se mesurer avec ce formidable athlète; il refusait même de secourir Lucullus, et retirait ses légions dans sa province. Les esprits étaient mûrs désormais pour la proposition que les amis de Pompée préparaient depuis long-temps; C. Manilius demanda que la puissance que ce général tenait de la loi Gabinia sur toutes les mers et sur toutes les côtes, fût étendue sur la Phrygie, la Bithynie, la Cappadoce et le Pont. Il conclut à ce que Pompée fût exclusivement chargé de terminer la guerre contre Mithridate et ses alliés.

Les consulaires Catulus et Hortensius s'opposèrent, avec toute l'aristocratie, à l'adoption de ce projet, comme ils avaient déjà précédemment combattų la rogation de Gabinius; mais le préteur Cicéron et Jules César soutinrent Manilius de tout leur crédit. L'un avait acquis déjà une autorité égale à son éloquence, l'autre s'était fait une clientèle puissante dans les basses classes dont il flattait les goûts et les passions. Peutêtre la justice eût-elle voulu que Lucullus pût recueillir luimême le fruit de ses victoires: peut-être Cicéron a-t-il compris tout ce que ses artifices d'éloquence avaient de défectueux contre une cause aussi bonne que l'était celle de ce général; cependant, comment douter de la sincérité de ses protestations quand il s'écrie : « Manilius, je le jure au peuple romain! j'en atteste aussi tous les dieux, et particulièrement ceux qui président à cette tribune, à ce temple révéré, et qui lisent dans le cœur de quiconque vient discuter les intérêts de la république! Oui, Romains, je n'agis dans ce moment à la sollicitation de qui que ce soit, et ne cherche point à me concilier la faveur de Pompée, ni à me préparer, auprès d'aucun autre citoyen puissant, des secours dans le danger et

des appuis pour arriver aux honneurs... Tout ce que j'ai fait dans cette cause, je ne l'ai fait que pour la république, je le jure! »

Cicéron était alors de bonne foi: mais quand on lit sa correspondance avec Atticus pendant la guerre civile, on est surpris de la manière dédaigneuse dont il parle de ce grand Pompée, que lui aussi avait mis au dessus des lois lorsqu'il ne connaissait pas encore l'irrésolution et la petitesse de ses vues. Dans cette circonstance, Pompée usa de dissimulation, feignit d'être affligé de cette nouvelle mission, représenta qu'il n'était qu'un homme, et pria le peuple de lui épargner à l'avenir des entreprises au dessus de ses forces, et de lui laisser enfin goûter quelque repos.

C'était la première fois que Cicéron parlait devant le peuple sur les affaires de la république : bientôt il défendit ce même tribun Manilius. Les circonstances de ce procès sont singulières; la faveur populaire entourait Manilius, parce qu'on le croyait victime de son affection pour le grand Pompée. Il fut amené à Cicéron, préteur, peu de jours avant l'expiration de sa charge, et, malgré l'usage d'accorder dix jours pour la défense, il lui fixa pour tout délai le lendemain. Le peuple s'en irrita. Interpellé par les tribuns sur cette bizarrerie, il s'écria : <«< Romains! moi qui ai toujours traité les accusés avec la douceur et l'humanité que les lois permettent, je serais coupable si je me conduisais autrement avec Manilius; c'est à dessein que je lui ai accordé pour terme le seul jour de ma préture!....... » A ces mots on l'applaudit, on le prie de se charger de la défense: il obéit; et, reprenant toute l'affaire, il s'éleva vivement contre les partisans de l'oligarchie et les envieux de Pompée.

Il ne nous reste de ce discours qu'une seule phrase. Depuis son accusation contre Verrès, Cicéron s'était fréquemment livré aux exercices du barreau. Il avait parlé pour Fonteius, accusé de concussion par les Gaulois, et pour Cécina, au sujet de la possession d'une terre. Ses plaidoyers pour Titinia,

femme de Colla, et pour A. Gabinius, sont de cette même époque.

Il eût été naturel qu'après sa préture Cicéron eût le gouvernement de quelque province; mais il se refusa à cet avanlage pour rester sous les yeux du peuple, et s'assurer d'autant mieux le consulat. D'ailleurs il voulait assister le 16 juillet aux comices du Champ-de-Mars, pour favoriser la candidature de son frère Quintus, qui demandait l'édilité. Durant cette année, il eut une nouvelle occasion de s'attirer la faveur populaire. C. Cornelius, qui avait été tribun du peuple, était cité devant le préteur Q. Gallius, pour crime de lèse-majesté envers la république : les consuls eux-mêmes présidèrent aux débats. Catullus, Lucullus, Hortensius et d'autres sénateurs, déposaient contre l'accusé. Cicéron prononça pour lui deux discours, que Quintilien range parmi les chefs-d'œuvre de l'art oratoire, mais qui ne sont pas arrivés jusqu'à nous. Il plaida aussi pour Cluentius, accusé d'empoisonnement, et contre Ennius, qui avait précédemment appelé ce Cluentius en justice. Ce dernier discours nous manque ainsi que celui qu'il composa pour Fundanius. Catilina était accusé de concussion; Cicéron fut sur le point de le défendre, quoiqu'il fût déjà son compétiteur au consulat; il songeait à s'entendre avec lui pour l'obtenir plus sûrement. Le fils de Cicéron, Marcus, naquit en cette même année, et Quintus fut édile.

Le nom de Catilina, que nous venons de prononcer, rappelle, dans l'histoire de la république agonisante, une de ces crises nombreuses qui menacèrent si souvent la constitution : avant d'en faire la propriété d'un ambitieux, lâche héritier d'un héros, le destin voulait que la liberté subît les attaques d'indignes ennemis. La tempête courba maintes fois l'arbre antique avant de le briser, et ses racines furent souvent baignées de flots de sang. Marius, Cinna, Sylla, ont tour-à-tour interrompu le règne des lois, et quand Cicéron pénétrait les projets atroces de Catilina, un autre tyran, mais plus noble, plus généreux, grandissait pour la gloire militaire. César voyait avec plaisir la renom

mée guerrière élever Pompée au faîte de la puissance : c'était jalonner pour lui le chemin qui conduisait à la monarchie. Il avait secondé toutes les motions de Gabinius, de Manilius; il avait applaudi aux discours de Cicéron; car il renfermait en luimême plus de valeur, plus de génie que Pompée, et il comprenait que la guerre le mettrait bientôt à la tête de la république.

Sylla avait fait triompher l'aristocratie; le peuple cherchait à ressaisir peu à peu ses avantages, et César s'était montré le partisan de la démocratie. Déjà Sylla, en accordant sa grâce à ceux qui la lui demandaient, s'était écrié : « Eh bien ! il est à vous; mais sachez que celui dont vous désirez si vivement le salut, causera la perte de l'aristocratie, et que, dans César, il y a beaucoup de Marius. » Profitant de l'absence de Pompée, qui faisait encore la guerre dans l'orient, les tribuns secondaient les projets des factieux, dont le chef était Catilina. Issu d'une noble famille, il avait une grande force d'esprit et de corps, mais un naturel méchant et pervers. Dès son adolescence, les guerres intestines, les meurtres, les rapines, les émotions populaires charmaient son âme. D'une constitution à supporter la faim, le froid et les veilles au delà de ce qu'on pouvait croire; esprit audacieux, rusé, fécond en ressources, capable de tout feindre et de tout dissimuler, envieux du bien d'autrui, prodigue du sien, il avait de l'éloquence, mais peu de jugement. Son esprit exalté méditait incessamment des projets chimériques, impossibles. Depuis la mort de Sylla il s'était livré tout entier à l'espoir de s'emparer du pouvoir : quant au choix des moyens, pourvu qu'il régnât seul, il ne s'en inquiétait guère. Cet esprit farouche était toujours plus tourmenté de l'embarras de ses affaires domestiques et par la conscience de ses crimes. Tel est le portrait que nous en fait Salluste. On ajoute qu'il s'était souillé déjà d'inceste et de fratricide, et que, dans la crainte d'être poursuivi, il avait fait porter son frère sur la liste des proscrits de Sylla. Toutefois Catilina ne manquait pas de qualités brillantes, capables de lui attacher la jeunesse corrompue de

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