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de telle sorte que l'autorité judiciaire du pays dont la législation est applicable serait toujours compétente pour connaître des contestations qui naissent au sujet de cette application. N'est-il pas naturel, en effet, que la législation d'un pays soit appliquée par les magistrats qui sont le mieux à même d'en saisir l'esprit et le sens ?

M. Brocher ne méconnaît point la valeur de cet argument. Ce sont là, › dit-il, ‹ des considérations qui ne manquent certainement pas de gravité; mais quand il s'agit de passer à l'application, l'on se trouve en face de difficultés d'où naissent de puissants obstacles qui ont souvent conduit à une sorte de transaction. Les sacrifices qu'il faut faire pour satisfaire à de telles exigences sont assez importants pour qu'on ne s'engage dans une telle voie qu'en vue de motifs exceptionnellement impératifs. Chaque souveraineté peut, sans grands embarras, reconnaître l'autorité des lois étrangères sur son territoire, s'il lui suffit, pour cela, d'enjoindre à ses propres fonctionnaires d'en faire l'application; mais de graves difficultés s'élèvent si l'on admet que cette application doit se faire par des magistrats étrangers. Une telle solution pourrait paraître acceptable si chaque litige n'exigeait que l'application d'une seule et même loi; mais les choses se passent rarement de la sorte : les procès présentent, fort souvent, de grandes complications, qui exigeraient qu'on les scindât pour en soumettre les éléments divers à des magistrats différents. De graves difficultés en résulteraient. On se demande laquelle des souverainetés ainsi mises en présence devrait être chargée de faire l'analyse du procès et des questions y surgissant, pour renvoyer chacune de ces dernières au tribunal qui devrait en connaître; laquelle devrait recueillir ces solutions partielles, les combiner, et en faire ressortir les conséquences définitives. Il ne faut pas s'étonner qu'on recule généralement devant ces difficultés, qu'on s'efforce de les éviter ou de les diminuer, soit en ne s'y soumettant qu'en cas d'absolue nécessité, soit en s'arrêtant à la partie prépondérante du procès pour en faire la base d'une compétence générale, soit en n'en détachant que certaines questions appelées préjudicielles et dont on attend la solution pour statuer en définitive sur les conséquences qui doivent en résulter. Il n'y en a pas moins là un premier problème à résoudre il faut rechercher quelle souveraineté semble compétente préférablement aux autres, pour statuer sur tel litige ou sur telle question s'y rapportant. »

Voilà donc une première question à résoudre. Une seconde est celle de la portée que doivent avoir, au point de vue de leur exécution en pays étranger, les jugements rendus par le tribunal reconnu compétent en droit international. Enfin, on doit encore déterminer quels sont les rapports respectifs de la compétence internationale et de la compétence interne.

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Conformément au programme qui vient d'être esquissé, M. Brocher a intitulé la seconde partie de son cours Compétence internationale en matière d'organisation judiciaire et de procedure se rapportant au droit civil et commercial, et y examine successivement, au point de vue international, ce qui concerne la juridiction contentieuse, la juridiction non contentieuse, gracieuse ou volontaire, les commissions rogatoires, l'autorité et l'exécution des jugements et actes, enfin la faillite, qui, par sa nature et son organisation spéciales, occupe dans ce cadre une place à part. Son but étant de traiter ces questions suivant les principes du droit positif français, l'auteur a été conduit à étudier de plus près les difficultés que soulève dans la pratique l'application des articles 14, 15, 2123 et 2128 du code civil, 635 du code de commerce, 59, 420 et 546 du code de procédure civile. Une autre source du droit positif français devait encore être prise en considération la convention franco-suisse du 15 juin 1869 sur la compétence judiciaire et l'exécution des jugements en matière civile, acte diplomatique qui a marqué un progrès incontestable du droit international privé, mais qui, d'autre part, présente tant de lacunes et d'obscurités qu'une revision prochaine en paraît bien désirable. C'est un véritable commentaire de cette convention, ainsi que des textes législatifs cités plus haut, que le lecteur trouvera dans la seconde partie du Cours de droit international privé.

Par une légère dérogation, non au but, mais au titre de l'ouvrage, la troisième partie est consacrée au Droit pénal international. Ce n'est certes pas la moins intéressante, bien qu'ici la partie spéculative occupe une plus large place que celle consacrée à l'étude du droit positif français. Il y a quelques années, M. Brocher avait publié dans la Revue générale du droit d'intéressantes observations sur le projet de Code pénal italien, ainsi qu'une remarquable étude sur l'influence légitime de la conscience morale en droit pénal (1). Les considérations émises dans ces articles ont été utilisées dans le chapitre premier, établissant les bases spéculatives sur lesquelles repose la doctrine du droit pénal. Le second traite du principe de compétence territoriale qui semble résulter de ces bases spéculatives, tandis que le troisième fait une part au principe de compétence personnelle et à l'idée d'un droit pénal universel. Le quatrième chapitre est spécialement consacré au droit positif français; l'extradition et les commissions rogatoires font l'objet des cinquième et sixième qui terminent l'ouvrage. Nous y avons relevé des considérations originales sur les crimes ou délits politiques que, d'après M. Brocher, on devrait peut-être définir comme les faits qui ont pour but de modifier, par des moyens illi

(1) V. Revue générale du droit, t. İo (1877), p. 506 et 564; t. II (1878), p. 304, 406 et 500.

cites, ce qui tient aux formes, au personnel ou au fonctionnement de l'Etat. On y lira aussi avec intérêt les réflexions consacrées à la règle de la non-extradition des nationaux que M. Brocher, comme bien d'autres auteurs de droit international pénal, estime contraire aux principes généraux.

Nous eussions désiré pouvoir analyser d'une manière plus complète ce troisième volume du Cours de droit international privé. La complication du sujet, aussi bien que l'espace restreint dans lequel nous avons dû nous renfermer, nous en ont empêché. D'ailleurs, ce que nous avons dit précédemment de l'œuvre du savant jurisconsulte génevois, en qui la Revue générale a perdu un de ses collaborateurs les plus distingués, nous paraît suffire pour la recommander à tous. Le troisième volume sera d'autant mieux accueilli du public qu'il renferme une notice fort intéressante de M. le professeur A. Rivier sur la vie et les œuvres de M. Charles Brocher, et qu'il se termine par une table alphabétique, portant sur l'ouvrage entier, dont l'emploi facilitera beaucoup les recherches.

Charles SOLDAN.

Le ministère publIC EN SUISSE. Etude juridique, par F. NESSI, avocat à Genève. Extrait du Journal des tribunaux. Lausanne, imp. Corbaz et Ci, 1885. 1 brochure de 32 pages.

Au point de vue de leur organisation judiciaire comme à celui de leur législation civile et pénale, les divers cantons de la Confédération suisse présentent des divergences notables. Les législations particulières étant au nombre de vingt-cinq, il est fort difficile, même à un juriste suisse, de se rendre compte de l'ensemble des dispositions qui régissent une matière donnée. Les inconvénients qui résultent de cette situation sont vivement sentis, surtout depuis que l'adoption d'un code fédéral réglant le droit des obligations a consacré l'unification d'une partie importante de la législation civile. Aussi, tous les ouvrages résumant, sur des matières déterminées, l'état des diverses lois cantonales, ont-ils obtenu un très légitime succès. On doit placer ici, en première ligne, le remarquable livre de M. Lardy, ministre de Suisse à Paris, sur les Législations civiles des cantons suisses en matière de tutelle, de régime matrimonial quant aux biens, et de succession. La Société suisse des juristes travaille aussi dans le même sens; sous ses auspices, l'étude comparée des diverses lois civiles sera prochainement complétée par un grand ouvrage de M. Huber, professeur de droit à l'Université de Bâle, à la publication duquel le Conseil fédéral a accordé son appui. De plus, M. Virgile Rossel, professeur de droit français à l'Université de Berne, va faire paraître prochainement un

Manuel du droit civil de la Suisse romande qui permettra d'embrasser d'un coup d'œil les principes et les particularités de toutes les législations cantonales qui se rattachent au système du code Napoléon.

En matière d'organisation judiciaire, quelques ouvrages d'ensemble ont aussi été publiés ces dernières années. M. G. Picot a écrit, en 1880, dans la Revue des Deux-Mondes, une très remarquable étude sur l'organisation des tribunaux suisses. La même question a fait l'objet, en 1881, d'une communication de M. G. Favey, procureur de la République à Lausanne, à la Société de législation comparée. Enfin, il faut citer ici les intéressants articles de M. le Dr L. Colombi, secrétaire italien du Tribunal fédéral, à Lausanne, dans le Repertorio di giurisprudenza patria (années 1881 et 1882), passant en revue l'organisation judiciaire des divers cantons suisses.

Les publications énumérées ci-dessus, fort complètes d'ailleurs à d'autres égards, n'ont cependant guère traité d'une manière approfondie ce qui concerne l'organisation du ministère public. C'est cette lacune qu'est venu combler M. Nessi dans le travail à propos duquel nous écrivons ces lignes.

Le caractère très spécial du sujet traité par M. Nessi ne nous permet pas ici d'analyser en détail sa brochure. Disons cependant que l'auteur s'est surtout attaché aux institutions de la Suisse romande, et qu'il passe très rapidement sur celles des cantons de langue allemande. On peut le regretter, mais ce n'est là qu'une critique de détail. L'organisation du ministère public dans les cantons de Genève, de Neuchâtel et de Vaud, que M. Nessi étudie plus spécialement, présente suffisamment de particularités intéressantes pour mériter d'être connue d'un public plus étendu que celui qui lit d'habitude les travaux juridiques parus en Suisse. Il convient de relever, notamment, que les législations de ces trois cantons ont considérablement restreint le droit d'intervention du ministère public en matière civile, comparé à ce qu'il est en France. Ainsi, d'après le code de procédure civile du canton de Vaud, datant de 1869, l'intervention est limitée aux procès où l'ordre public est intéressé, c'est-à-dire aux questions d'état civil, d'interprétation de traités, de déclinatoire, et aux cas où une partie est étrangère ou absente du pays; de plus, l'intervention est toujours facultative. Nous croyons cette disposition conforme aux tendances de l'époque actuelle, où l'on cherche à supprimer tous les rouages dont l'utilité n'est pas absolument démontrée.

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LA

PARENTÉ PAR LES
PAR LES FEMMES

INTRODUCTION.

Justinien, dans ses Institutes (lib. III, tit. 3), écrit ce paragraphe remarquable qu'on croirait emprunté aux revendications de l'Ecole nouvelle de l'égalité des deux sexes: « La loi des Douze Tables était tellement étroite, elle avait une telle préférence pour les descendants par les mâles et repoussait à tel point ceux qui n'étaient unis que par la parenté féminine, qu'elle n'établissait aucun droit d'hérédité réciproque entre la mère ellemême et le fils ou la fille...

» Mais ces rigueurs du droit furent corrigées plus tard (pas complètement, comme l'explique le texte).

» Pour nous, prenant en considération les sentiments naturels, les labeurs de l'enfantement, le péril et parfois même la mort qui en résulte pour les mères, nous avons cru devoir venir à leur secours, etc. »>

C'est sous l'auspice de ce texte, qui nous servira de devise, que nous nous proposons, dans ce travail, d'étudier une évolution de la pensée humaine en ce qui concerne le rôle de la femme dans l'enchainement des générations, sous le point de vue social, bien entendu, et laissant de côté le point de vue purement physiologique.

Celui-ci, sans doute, ne serait pas absolument étranger à notre étude, et il serait facile de faire apercevoir, à diverses époques, une relation intime entre la conception qu'on a eue du rôle de la femme dans l'acte de la procréation et l'idée qu'on s'est formée de son importance sociale dans la famille et dans tout l'ordre des parentés. Cette thèse, que nous éliminons aujourd'hui, a été abordée dans ces derniers temps au cours de plusieurs écrits (1); et certainement elle est de nature à jeter de grandes lumières sur l'origine de la puissance paternelle

(1) Voyez notamment Essai sur la condition des femmes en Europe et en Amérique (Ghio, éditeur), p. 238 et suiv., et un article tout récent de la Nouvelle Revue intitulé Le Matriarcat (15 mars 1886).

REVUE GÉNÉRALE DU DROIT. 1886.

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