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Ceux à qui l'étude du droit n'est pas familière seront portés à croire que le mérite de M. C. Norsa consiste surtout dans l'invention, dans la création de règles de droit tout à fait nouvelles. Il n'en est rien. Il tire toute sa valeur de l'application, et, si j'ose dire ainsi, de l'adaptation des règles anciennes à une situation nouvelle, à des faits jusqu'ici sans précédents.

L'idée de la justice, telle que la façonnèrent les vieux Romains, - n'a pas sensiblement varié; elle est aujourd'hui ce qu'elle était il y a des siècles; révolutions politiques et révolutions scientifiques passent près d'elle sans l'ébranler; on dirait, pour parler comme Michelet, que c'est le droit éternel qui nous a été révélé par les rudes paysans du Latium.

Le jurisconsulte moderne n'a rien à inventer; sa tâche est plus modeste; il se borne à mettre en œuvre la notion traditionnelle de la justice. Les principes qui découlent des lois romaines sont si larges et si féconds qu'ils peuvent servir à trancher même les questions les plus imprévues, les plus neuves, comme celles auxquelles donnent lieu les applications de nos jours si variées de l'électricité.

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Je reviens au livre de M. C. Norsa. Je l'aurais analysé avec soin, s'il ne devait paraître un jour, dans la Revue générale du droit, une étude complète sur la législation téléphonique. Disons seulement qu'après M. C. Norsa, il reste beaucoup à faire. En effet, ce n'est pas, à proprement parler, un livre qu'il a écrit ; c'est une série de lectures qu'il a faites et qui forment dix chapitres dont voici les titres 1° Situation de fait de la téléphonie en Italie; 2° Lois et règlements relatifs au téléphone; - 3° Nécessité d'une loi nouvelle; -4° Esquisse d'une législation téléphonique : a) au point de vue économique ; -50b) par rapport à l'Etat au point de vue du droit public; 60 c) par rapport au gouvernement ou au point de vue du droit administratif; -7° d) par rapport aux simples particuliers ou au point de vue du droit privé; -8° application au téléphone de la législation des télégraphes; analogies et différences entre ces deux inventions; 90 Monopole de l'Etat; -40° Conclusion et appendice. Mieux que toute explication, cette simple liste des têtes de chapitres montre que l'intention de M. C. Norsa a été surtout de frayer la voie sur un terrain inexploré ; il n'a pas songé à épuiser la matière qu'il traite; il laisse à d'autres le soin d'achever le tableau dont il trace les grandes lignes de la main la plus ferme et la plus vigoureuse, en maître. J. BRISSAUD,

Professeur agrégé à la Faculté de droit de Toulouse.

L'Editeur-propriétaire-gérant: E. THORIN.

Toulouse.

Imp. A. Chauvin et Fils.

LA

PARENTÉ PAR LES FEMMES

(Suite) (1)

CHAPITRE III.

SOUS L'EMPIRE ROMAIN.

§ 1. Notre première période avait pour conclusion la reconnaissance de la cognation comme donnant une vocation héréditaire; la descendance par les femmes comptait maintenant pour quelque chose devant le droit, contrairement aux principes anciens. Le petit-fils ou la petite-fille étaient rattachés à leur aïeul maternel; la mère, qui transmet la vie, transmettait les biens, et l'on ne pouvait déjà plus dire rigoureusement qu'elle était finis familiæ, puisqu'à côté de la famille agnate, encore prédominante sans doute, avait pris place la famille naturelle. Et quelque inférieure que fût son rang dans la hiérarchie, comme l'était la situation de l'épouse à côté de l'époux, - la réforme prétorienne n'en était pas moins un acheminement à de nouvelles destinées, un premier pas, et décisif, dans la voie de la parenté bilatérale, telle que nous la concevons de nos jours et telle que Justinien l'établissait au sixième siècle de notre ère (2).

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La République avait donc déposé le germe qui devait se développer sous l'Empire, aussi bien dans le droit privé que dans le droit public. Et l'égalisation des classes en était à peu près

(1) V. Revue générale du droit, nos de mai-juin et septembre-octobre 1886, p. 201 et 435.

(2) La mère elle-même, bien entendu, était comptée comme cognate et en avait les droits car elle ne pouvait que transmettre la vocation qui était en elle. Aussi avons-nous pu la nommer sommairement, à l'exemple de Gaïus, qui n'en fait pas mention spéciale dans ses Institutes, V. 1. 2, D. (XXXVIII, 8).

REVUE GÉNÉRALE DU DROIT.

- 1886.

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au même point que l'égalisation des sexes. Car la double évolution, comme nous l'avons remarqué déjà, devait se faire parallèlement. Et pour résumer d'un mot le stade que nous avons parcouru, nous pourrions dire que la cognation avait conquis son droit de latinité, sinon son droit de cité. De même que le jus Latium formait l'intermédiaire entre le pérégrin dénué de tout droit et le Romain à capacité complète, l'ordre subordonné créé par les préteurs devait servir de transition à la consécration complète de la parenté utérine.

Il y a même dans ce rapprochement plus que la constatation d'un mouvement général des mœurs produisant dans deux sphères différentes deux résultats analogues, plus que la manifestation de ce jus gentium qui humanisait la législation quiritaire en l'ouvrant par degré aux étrangers, ou, du moins, aux voisins, soit en créant un prætor peregrinus, soit en couronnant les guerres sociales par une quasi-assimilation de l'Italie à la capitale les deux institutions ont dû procéder d'une seule et même opération de l'esprit, et ne peuvent pas se concevoir séparément, car justement ce qui manquait au Latin c'était le connubium, source et caractéristique de la vraie famille romaine avec sa puissance paternelle et tous les attributs en dérivant; et qu'à la mère de famille aussi telle que l'avait faite le droit prétorien, il ne manquait que la potestas, encore absolument dépendante du sexe dans notre époque intermédiaire et inaccessible à la femme.

Il faudra donc que cette puissance cesse d'exister, ou perde son caractère dominateur degré par degré, pour qu'enfin la révolution soit accomplie; et pour cela il faut que la famille cesse d'être un état dans l'Etat, avec son pouvoir exclusif sur ses propres membres, avec sa juridiction intérieure; en d'autres termes, que la collectivité intervienne dans la maison, prenant la place du chef pour une grande partie de ses attributions. C'est cette intervention des pouvoirs publics qui distingue notre seconde période; c'est par ce moyen que le progrès devient possible et s'effectuera.

L'Etat interviendra par ses magistrats, en réprimant les écarts du droit de correction du paterfamilias, en supprimant son jus vitæ necisque; par ses lois, en établissant des pécules au profit des enfants, - et le terme s'applique directement à la femme

dont les paraphernaux portaient ce nom (1), il signifie alors, d'une façon générale, le développement du régime dotal; il interviendra en établissant d'autres garanties pécuniaires contre le droit de disposer du chef dans la querela inofficiosi testamenti au profit du fils ou de la fille, qui a pour correspondant l'inaliénabilité du fond dotal au profit de la femme loco filiæ...

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Et quand le pouvoir du paterfamilias aura été ainsi battu en brèche, que le lien existant entre tous les membres du groupe aura été ainsi relâché, avec l'autonomie de chacun de plus en plus grande, quelle difficulté y aura-t-il à admettre ce fait, autrefois inintelligible, qu'on peut appartenir à deux familles, se rattacher à deux lignes, tenir également du père et de la mère? On ne le pouvait pas autrefois parce que le chef absorbait tout en lui, qu'il n'y avait pour le subordonné aucune sphère d'activité libre, aucune parcelle de droit garanti, que le pouvoir intérieur était absolu, et la parole qu'on ne peut servir deux maîtres se réalisait ici à la lettre. Mais nous apercevons maintenant plusieurs unités dans l'unité, par le travail de décomposition qui s'est fait; la famille s'est morcelée et rien ne s'oppose plus à ce que de nouvelles agrégations soient possibles, quand le progrès des mœurs le dictera.

Ce qui devait arriver quand l'influence de la femme aura été toujours croissante, et que, par son action dans les événements, elle aura mis à néant la fausse conception scientifique dérivant de la force brutale sur le rôle prépondérant de l'homme dans la génération en quoi, du reste, elle ne réussit pas complètement.

Aussi voyez comme chaque progrès dans la matière des successions suit la décadence de la patria potestas!

Auguste fonde-t-il les pécules (pécule castrens, établissement du régime dotal) (2), et ses successeurs ont-ils fait intervenir leur juridiction pour défendre le fils contre le père, soit par Trajan (3), soit par Adrien (4)? Nous allons voir le lien entre la

(1) L. 9, 83, D., De jure dotium (XXIII, 3); 1, 31, § 1, De donat. (XXXIV, 5). (2) Par l'hypothèque de ces biens rendus impossible et par l'aliénation nécessitant le concours des deux époux.

(3) Qui force un père ayant maltraité son fils à l'émanciper et lui ôte sur lui tout droit de succession. L. 5, D., Si a parente (XXXVI, 12).

(4) Qui condamne un père à la déportation pour avoir tué son fils, quoique coupable d'adultère avec sa belle-mère. L. 5, D., De leg. Pomp., XLVIII, 9.

mère et l'enfant se resserrer, en même temps que celui entre l'enfant et le père se relâche, par le droit de succession réciproque établi entre les premiers (sénatus-consulte Tertullien et Orphitien).

Les empereurs chrétiens, Constantin surtout, accentuent-ils cet intérêt pour les enfants, en défendant de les exposer (1) ou de prostituer la fille (2), ou en augmentant les pécules (quasicastrens et adventice)? Ses successeurs, Valentinien et Théodose, fondent le droit des petits enfants sur les biens de l'aïeul maternel et reconnaissent, sans y sacrifier complètement, la parenté utérine directe à tous les degrés.

Enfin, comme dernier terme, Justinien supprime absolument l'abandon noxal du fils de famille (Inst., IV, 9, 7), fortifie le régime dotal par l'inaliénabilité absolue; et c'est lui aussi qui reconnaît la parenté utérine collatérale (3).

Il y a donc une corrélation évidente entre les deux mouvements. Partout où il y a restriction du pouvoir du père, le rôle de la mère grandit, et cela abstraction faite de la plus grande liberté que les mœurs reconnaissent à la femme, d'accord avec les lois. Car le mouvement d'émancipation, sur lequel nous avons insisté dans la première partie, de façon à ne plus avoir à y appuyer, se continue, poussant encore lui-même à la chute de l'agnation dont il est l'antagoniste naturel si bien que chacun de ses progrès devance ou accompagne une brèche faite à l'agnation :

Abolition complète de la tutelle des agnats sous Claude (4), qui lui-même accorde pour la première fois à une mère la succession légitime de son enfant, préludant ainsi aux sénatusconsultes du deuxième siècle (5);

Suppression générale de la tutelle sous Constantin (6), précédant les constitutions du quatrième ;

(1) Constantin, 1. 1, Cod. Théodos., De infant. expos. (VIII, 52).

(2) Théod. et Val., 1. 6, C., De spect. et scen. (XI, 40).

(3) Ajoutons, pour ne rien omettre, qu'il avait permis de tester sur le pécule castrens (Instit., II, 11, 6), et avait assimilé le castrens à un patrimoine ordinaire en établissant pour lui un véritable droit de succession (Instit., II, 12, pr., et M. Accarias sur ce 8).

(4) Gaius, Com., I, 157; Ulp., XI, 8).

(5) Instit., I, 3, 1.

(6) « C'est ce qui semble résulter, » dit M. Accarias, « de la loi 2, § 1, C., De his qui veniam ætatis (II, 45).

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