le droit constitutionnel, le droit administratif et la science de l'administration. A vrai dire, il existe entre ces trois branches des études juridiques un parallélisme incontestable. Le droit constitutionnel étudie le mécanisme central de l'organisation politique des diverses nations; le droit administratif et la science de l'administration analysent les organes par lesquels l'unité se trouve assurée dans toutes les parties de la machine sociale. Il est donc clair que ces études doivent marcher de front, qu'elles sont également nécessaires, que le droit constitutionnel ne peut se concevoir sans la connaissance du droit administratif et de la science administrative et réciproquement; mais il paraît impossible de considérer l'un de ces éléments du savoir comme servant de base ou de préparations aux deux autres. De même, le droit privé, qui se réfère à un ordre de phénomènes spéciaux, ne fournit aucun contingent au droit constitutionnel; si l'on objecte que son étude développe le sens juridique, élargit l'horizon de celui qui s'y adonne, ainsi que le fait d'ailleurs toute recherche scientifique, et contribue ainsi, par une voie indirecte, à le rendre plus apte à bien apprendre le droit constitutionnel, on répondra à juste titre que ce caractère d'assistance mutuelle est commun à toutes les variétés, quelles qu'elles soient, de l'enseignement, sans que l'on puisse signaler à ce sujet aucune véritable affinité. L'étude du droit constitutionnel ne doit pas être strictement juridique, se limiter au commentaire aride du statut italien ou de la charte française. Sa mission est plus élevée. Science éminemment et exclusivement sociale, il doit rechercher, analyser et grouper tous les faits d'ordre social présentant quelque importance pour le gouvernement des Etats; et, pour cela, la géographie physique ou politique, l'ethnographie, la statistique, l'économie politique et l'histoire, considérée sous son aspect le plus large, et comprenant par conséquent l'histoire du droit et la philosophie politique, sont ses auxiliaires indispensables. Et d'abord, on peut affirmer que la géographie physique exerce une influence indirecte, mais sensible, sur l'étude du droit constitutionnel, comme de toute autre science sociale. En admettant que Montesquieu ait commis une exagération en faisant dépendre exclusivement du climat les institutions politiques des peuples, il n'est pas douteux que ses assertions ne contiennent une part de vérité. En effet, le climat, et en général le milieu ambiant d'un pays, font sentir leur action sur ses productions économiques, sur les moyens de communication, sur la manière de vivre, sur la densité numérique de la population qui l'habite; par cela même, son régime politique en subit le contre-coup nécessaire. D'ailleurs, il est bon de noter que l'influence des forces et des agents naturels sur le développement de la société humaine diminue avec les progrès de la civilisation. Moins l'organisme est parfait, plus il ressent cette influence. C'est ainsi que l'animal subit à un plus haut degré que l'homme la loi du climat; et plus ce dernier est civilisé, plus il est à même de combattre et de dominer la nature. La température elle-même n'est pas chose indifférente pour la civilisation : c'est dans les pays chauds, plus favorables à son éclosion, qu'on la voit naître et grandir; et ce n'est que quand elle a acquis un certain degré de perfection qu'elle s'acclimate sur les terres froides et presque glaciales de l'Ecosse et de la Scandinavie. La géographie politique est encore plus utile au droit constitutionnel et, d'une manière générale, aux autres sciences sociales. Elle consiste, ainsi que son nom l'indique, dans la description de l'état politique ou, mieux, de l'état social des divers peuples; c'est elle surtout qui signale à l'attention des hommes d'étude les faits sociaux qui méritent de l'occuper. Il est en vérité presque superflu d'insister sur son importance; car il est de toute évidence qu'il est impossible de fabriquer de toutes pièces un système général et des lois conformes à la nature des gouvernements et à la constitution politique des divers Etats, si ces dernières ne nous sont connues avec une exactitude parfaite. Sans doute, le défaut de cette connaissance est la cause principale du caractère quelque peu superficiel que nous observons dans la plupart des théories et classifications du droit public même les plus populaires. Par exemple, on réunit dans une même classe, celle des monarchies absolues, les gouvernements de la Chine, de la Turquie et de la Russie, qui cependant diffèrent autant que les peuples qu'ils régissent. Et des différences non moins essentielles séparent les institutions de l'Autriche-Hongrie et de l'Angleterre qui, cependant, sont l'une et l'autre des monarchies constitutionnelles. Les obscurités qui règnent à cet égard dans nombre d'esprits tiennent à l'imperfection des manuels géographiques plus ou moins élémentaires, qui, pour la plupart, constituent le dernier mot de la science. La géographie politique ne s'apprend pas seulement dans les manuels et dans les monographies qui lui sont consacrés, mais encore et surtout dans les mille écrits qui traitent de l'histoire moderne et de l'économie politique. Où trouver, par exemple, des notions plus complètes et plus exactes sur l'état politique et social de la Russie d'aujourd'hui que dans les articles publiés dans la Revue des Deux-Mondes, par M. Leroy-Beaulieu sur l'empire des tzars? M. de Laveleye a plus récemment fait connaître la presqu'ile des Balkans; et on pourrait joindre à ces noms déjà célèbres ceux du baron de Hübner, de Stanley, de M. Camille Rousset et du colonel Tcheng-Ki-Tong. Un autre facteur de la vie sociale des peuples est sans aucun doute la race, c'est-à-dire un ensemble de qualités qui, transmises de gé nération en génération, impriment à chaque nation un caractère propre dans son développement intellectuel et moral. L'ethnographie joue donc un grand rôle parmi les sciences que suppose l'étude du droit constitutionnel. D'ailleurs, l'ethnographie elle-même implique la connaissance des éléments de beaucoup d'autres sciences. C'est ainsi que, sans parler de l'histoire, dont il va être question tout à l'heure, elle suppose nécessairement quelques notions de philologie comparée, car il est impossible d'établir un parallèle exact, entre les diverses races humaines, sans savoir ce que sont les différents idiomes qu'elles parlent. Ce n'est seulement pas le langage que les races se différencient, par serait là un critérium bien incertain, mais surtout pour la conformation physique ; aussi est-il indispensable de posséder quelques rudiments d'anatomie comparée. ce La statistique, elle aussi, apporte au droit constitutionnel un précieux concours. Pour certains problèmes d'ordre économique ou d'ordre criminel, les chiffres ont une importance décisive, et ils n'intéressent pas moins d'une manière très directe le droit constitutionnel, soit au point de vue de l'exercice du droit de vote, soit au point de vue de l'importation et de l'exportation commerciales, qui sont, en quelque sorte, les baromètres de la prospérité publique. Mais c'est à l'économie politique que revient la place la plus grande et le rôle le plus utile dans les études qui préparent celle du droit constitutionnel; et les services qu'elle lui rend ne sont pas des services indirects, en habituant la jeunesse studieuse à suivre dans ses recherches une méthode analytique et positive, et à recueillir avec soin un certain nombre de faits, avant de formuler une règle ou une loi générale; elle lui apporte, en outre, une collaboration directe, qui la rend indispensable à la solution de tout problème relatif à l'organisation politique et juridique des divers peuples. On répète couramment que les problèmes politiques sont résolus, et qu'il ne reste à résoudre que des problèmes sociaux ; mais cette formule toute faite ne peut tromper qu'un observateur superficiel ; car les problèmes sociaux et les problèmes politiques sont unis par une connexité si intime qu'en réalité ils se confondent. On remarque, en effet, d'une manière constante, que les classes les plus favorisées de la fortune sont portées à diriger le pouvoir politique dont elles disposent dans un sens plus ou moins absolu, et que le parti au pouvoir incline toujours à défendre l'ordre économique en vigueur. Un gouvernement a beau parler, dans des proclamations académiques, de liberté économique et de démocratie, ses affirmations ne peuvent lutter contre les faits qui confirment nos dires. La Révolution française fut précédée et suivie d'une augmentation extraordinaire de la fortune du tiers-état, et pareille observation s'applique à tous les pays de l'Europe continentale qui se sont donné, dans ce siècle, un gouvernement parlementaire. D'un autre côté, le statut fondamental italien garantit, dans son article 29, ainsi que le font toutes les chartes constitutionnelles du reste de l'Europe, le droit de propriété privée, qui forme, en Italie, la base de l'ordre économique actuel. Et il est certain que si l'on voulait y substituer une nouvelle distribution des richesses, toutes les forces de l'Etat s'uniraient pour le défendre; qui plus est, la loi sur la presse interdit, dans maints pays, y compris la nôtre, de mettre en question l'organisation et la distribution actuelles de la propriété. L'étude des faits économiques est donc nécessaire au droit constitutionnel, puisque ce dernier ne consiste pas seulement, on l'a vu, dans le commentaire aride d'un texte de loi, mais dans la recherche des causes qui ont préparé et produit les modifications graduellement apportées à l'organisation politique de la société moderne, c'est-à-dire le jus condendum à côté du jus conditum. Il reste à parler de la plus importante des sciences qui viennent au secours du droit constitutionnel de l'histoire; il va de soi que l'on n'entend pas par là une énumération de noms et de dates; la succession chronologique des papes et des empereurs, mais bien l'étude des phases qu'a parcourues la civilisation humaine aux diverses époques et dans les divers pays, ce que Spencer appelle la sociologie comparée. L'histoire paraît prêter un appui efficace à l'étude du droit public, et cela sous un double rapport. Deux éléments concourent à la formation de toute constitution moderne l'un théorique et doctrinal, l'autre pratique et social. Le premier est emprunté aux auteurs qui, depuis Aristote, on écrit sur l'organisation politique des peuples; le second comprend tous les changements qu'ont subis la distribution des richesses, le régime et l'importance des diverses classes sociales, changements qui distinguent profondément la société encore semi-féodale de la première moitié de ce siècle de celle d'aujourd'hui; tous deux présentent une grande importance : l'un en donnant à la forme du gouvernement actuel une justification rationnelle; l'autre en expliquant l'évolution politique qui l'a rendue nécessaire. Mais l'étude des faits historiques ne prête au droit constitutionnel les services qu'il est en droit d'en attendre qu'à la condition d'être absolument impartiale et de se soustraire à l'influence des passions et des excitations politiques. P. LOUIS-LUCAS et A. WEISS. CHRONIQUE Actes officiels.-M. E. Millaud, sénateur, a été nommé ministre des travaux pablics en remplacement de M. Baihaut démissionnaire. Suivant décision insérée au Journal officiel du 7 novembre, les actes notariés seront reçus en Algérie par les notaires en présence de deux témoins, et, s'il s'agit d'un testament par acte public, en présence de quatre témoins mâles, majeurs, citoyens français, jouissant de leurs droits civils, et justifiant de leur inscription sur les listes électorales, sachant signer, et domiciliés dans l'arrondissement où l'acte sera passé. Sénat. Le Sénat a discuté la proposition de M. Naquet modifiant l'art. 31, C. civ., de manière à faire décider qu'après trois ans, le jugement de séparation de corps pourrait être converti en jugement de divorce à la demande de l'un des deux époux. Combattue par MM. Allou, comme supprimant réellement la séparation de corps, de Pressensé, de Marcère, et soutenue par MM. Naquet, L. Renault, Humbert et le Garde des sceaux, elle a été repoussée. M. de Gavardie a déposé une proposition pour modifier les art. 483 et suiv. C. I. C. Le Sénat a discuté et voté la proposition de M. Batbie substituant la naturalisation par décret à la naturalition de droit que peut réclamer dans l'année qui suit sa majorité d'après l'art. 9, C. civ., l'individu né en France de parents étrangers. Il a discuté le projet revisant la loi de 1838 sur les aliénés, dont la caractéristique est l'appel fait à la justice pour l'examen de toute demande d'incarcération et l'obligation d'une visite du malade, pour le rédacteur du certificat médical nécessaire pour l'internement. Chambre des députés. M. le Garde des sceaux a déposé un projet de loi portant revision des titres 1 à 16 du livre II du code procédure civile. M. Mérillon a déposé une proposition pour étendre aux tribunaux de commerce et aux conseils de préfecture l'art. 1er de la loi sur l'organisation judiciaire du 30 août 1883. M. Saint-Martin a déposé une proposition analogue à celle de M. Naquet au Sénat, et tendant à modifier l'art. 310, C. civ., sur le divorce. M. le ministre du commerce a déposé un projet de loi ayant pour |