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des jurisconsultes anglais, nous avons toujours pensé qu'il était possible de contester cette explication; et il est permis de discuter contre les auteurs nationaux, parce qu'il s'agit, non d'une question de droit, mais d'une question d'étymologie, et d'une étymologie qui remonte certainement à notre vieux français. Le sens du mot paravail nous semble absolument déterminé par son opposition au mot paramount. Le seigneur paramount, d'après les Anglais eux-mêmes, est le seigneur par amont, par en haut; dès lors n'est-il pas évident que le seigneur paravail est le seigneur par aval, par en bas, celui qui est au bas de l'échelle? Cette étymologie nous semble beaucoup plus rationnelle que l'autre.

Lorsque notre savant collègue (à la page 121 du tome II) nous montre l'influence du droit normand s'étendant, non seulement à l'Angleterre, mais encore en Orient, où les croisades la transportèrent, on se prend à regretter qu'il n'ait pas songé à faire une petite escale en chemin, et, s'arrêtant à la Sicile, ne nous ait pas signalé l'importation considérable du droit normand dans cette fle, par les conquérants du XIe siècle. Des travaux récents ont mis en lumière l'influence de cette transportation; ils amènent à cette conclusion qu'à cette époque le droit normand était suffisamment formé pour marquer une empreinte profonde sur les peuples vaincus.

Le sixième et dernier volume, consacré à l'état actuel du droit anglais, offrira un intérêt considérable à tous ceux qui aiment les études de législation comparée. Si l'on ne désire qu'un résumé succinct pour rapprocher les traits généraux des législations, on le trouvera très complet dans ce volume. Si l'on désire creuser un point particulier, on aura sous la main la bibliographie détaillée pour chaque matière, et l'on pourra rechercher facilement des documents plus développés. On pourra de toute façon, prendre cet exposé du droit anglais comme point de départ pour suivre l'évolution de cette législation, et comprendre la portée des nouveaux actes législatifs qui viendront ultérieurement la modifier. Les annuaires si précieux de la Société de législation comparée ne peuvent être véritablement utiles et satisfaire complètement les esprils curieux des choses du Droit qu'à la condition qu'on puisse facilement se procurer des renseignements précis sur l'état de la législation d'un pays donné, à l'époque au moins où a commencé cette publication, c'est-à-dire vers 1871. La Société elle-même a commencé la traduction des principaux codes étrangers; et l'on peut toujours au moins se procurer les textes originaux, si l'on est capable de les lire, pour toutes les législations codifiées. Mais pour la législation anglaise, cette ressource faisait absolumeut défaut, puisqu'elle résulte des usages, des décisions des diverses juridictions, dont les collections représentent un nombre

immense de volumes, ou de lois non moins volumineuses et non moins embrouillées. C'est cette regrettable, et presque irréparable lacune, que l'ouvrage de M. Glasson est venu combler. On lui doit, à ce titre, les plus grands remerciements.

Cette partie actuelle donne une large place à l'esprit critique, et fournit des renseignements très complets sur l'état des diverses grandes questions agitées de nos jours par les partisans des réformes politiques et civiles, notamment sur l'étendue du droit de suffrage, sur la condition des femmes, sur le régime de la propriété foncière; une note très développée (à la page 369) expose aussi très nettement les éléments de la question agraire en Irlande, dont nous avons eu précédemment l'occasion d'entretenir les lecteurs de la Revue générale (1) à propos du travail si complet et si intéressant de M. P. Fournier. Dans l'ordre politique, les réformes réclamées, notamment en ce qui concerne l'électorat, ne sont pas les seules questions intéressantes ; plus importantes peut-être et plus graves sont les réformes qui s'opèrent lentement et insensiblement, suivant la marche habituelle de la législation anglaise, dans les rapports et dans le fonctionnement des grands pouvoirs publics. M. Glasson signale un fait bien visible et bien connu, en notant l'effacement de plus en plus grand du pouvoir royal devant le gouvernement de cabinet, ce qui est considéré par beaucoup comme essentiel au régime parlementaire. Mais il constate aussi un autre fait moins éclatant et moins conforme à la théorie de ce régime : c'est la décadence de plus en plus prononcée de la Chambre des Lords, constamment battue en brèche par les attaques des radicaux, et ébranlée toutes les fois que les Lords résistent aux Communes; enfin souvent désertée par ses membres eux-mêmes, qui semblent vouloir commencer eux-mêmes leur suicide (2). Il y a là un immense danger pour l'équilibre de la constitution anglaise, que l'auteur indique sans peut-être le faire ressortir suffisamment. Il peut arriver que la Chambre des Communes, se trouvant sans contrepoids, devienne omnipotente, et si la majorité passait, un jour ou l'autre, entre les mains des radicaux, on se demande si l'assemblée populaire renconterait quelque part une résistance légale, et ce que deviendraient toutes les institutions qui font la force traditionnelle de l'Angleterre. Il y a un autre élément de vie et de stabilité dans ces institutions c'est dans les franchises municipales et dans la force du gouvernement local représenté par les juges de paix des comtés. Ces

(1) T. VIII (1884), p. 280.

(2) « Depuis quelques années, » dit M. Glasson, « elle n'a plus proposé aucun bill important, et on n'a pas compté, à ses séances, en moyenne plus de vingt membres présents » (t. VI, p. 60). Et il cite (p. 59) l'adoption d'un bill considérable par sept voix contre cinq.

REVUE GÉNÉRALE DU DROIT. - 1886.

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fonctionnaires sont tout autre chose que les magistrats qui, chez nous, leur ont emprunté leur nom. A côté de fonctions judiciaires très étendues, ils jouent un grand rôle administratif, et, sous l'autorité souvent nominale du Lord-lieutenant, ils réunissent dans les comtés presque toutes les attributions de nos autorités départementales. M. Glasson indique très bien leurs attributions; mais nous aurions aimé quelques détails de plus sur leur fonctionnement, sur leur influence, sur la vie départementale; en général, tout ce qu'en France nous rangeons dans le droit administratif est peut-être un peu trop laissé au second plan par l'auteur. Il était intéressant de noter, comme il l'a fait, que la division du droit et des autorités administratives opposées au droit civil et aux tribunaux judiciaires n'existe pas en Angleterre. Mais il eût été encore plus intéressant de montrer comment les Anglais faisaient pour se passer de ces rouages, qui chez nous semblent si nécessaires à la marche de l'Etat. Ce qui est surtout important au point de vue de la vie sociale et des éléments de stabilité pour l'Angleterre, c'est le mode de recrutement de ces juges de paix, très peu dépendant du pouvoir central, mais exigeant un revenu territorial assez considérable (V. Glasson, t. VI, p. 186 et suiv.) C'est par là que la question de la propriété foncière devient d'un intérêt capital pour l'avenir de la nation anglaise ; les radicaux le sentent bien, et s'ils donnent un si rude assaut à la grande propriété, c'est afin de mettre la main sur ces éléments fondamentaux du gouvernement local et de l'administration si décentralisée du pays. M. Glasson a peut-être un peu perdu de vue cette face si importante de la question, lorsqu'il conclut son étude sur la propriété foncière par cette phrase : « Le remède à ces maux consisterait à rendre la propriété du sol accessible à tous. > Est-il même absolument exact de dire, en comparant le paysan français au fermier anglais, « l'un forme chez nous une force conservatrice parce qu'il est propriétaire; l'autre est en Angleterre une cause de trouble et d'agitation, parce qu'il ne peut pas devenir propriétaire. Les tendances conservatrices du paysan français ne sont-elles pas, dans beaucoup de départements, combattues et même annihilées par des influences contraires, et sauvent-elles à coup sûr notre pays des excès de la démocratie ?

A l'étude si savante et si complète consacrée à la situation des femmes mariées (t. VI, p. 484), il convient d'ajouter un renseignement : c'est que la loi dont M. Glasson annonçait la préparation (p. 207) a été terminée depuis l'impression de son ouvrage, à la date du 18 août 1882; elle donne à la femme pleine capacité de contracter, ester en justice et disposer de ses biens, comme si elle n'était pas mariée (1).

(1) Voir l'Annuaire de la Société de législation comparée, 1883, p. 329.

Nons signalerons aussi deux lois fort importantes qui sont comme un commencement de codification du droit commercial : une loi qui porte encore la date du 18 août 1882, pour la codification des lois relatives aux lettres de charge, chèques et billets à ordre (1); et la L. 25 avril 1883 pour modifier et refondre la législation sur les faillites (2).

Le livre de M. Glasson, avec les richesses de sa vaste érudition, avec l'immense quantité de documents, très habilement condensés et résumés, avec la facilité qu'il offre, par ses citations, de creuser toutes les questions qui y sont traitées, est et sera pour de longues années un ouvrage absolument indispensable à qui voudra étudier l'Angleterre, et pénétrer, sous l'une quelconque des mille faces qu'elle présente, la vie d'un grand peuple.

A. BOISTEL,

Professeur à la Faculté de droit.

(1) Annuaire, 1883, p. 283.

(2) Annuaire, 1884, p. 77. Pour la législation antérieure, voir dans M. Glasson, t. VI, p. 380, note. Cette législation a été étendue partiellement à l'Ecosse par la L. 23 juin 1884 (Ann., 1885, p. 31).

REVUE ÉTRANGÈRE

ALLEMAGNE.

INSTITUTIONEN DES DEUTSCHEN PRIVATRECHTS, von Dr Andreas HEUSLER. Leipzig, Duncker et Humblot, 1885 et 1886. 2 vol. in-8° de 396 et 670 pages.

M. Charles Binding, professeur à Leipzig, vient d'entreprendre la publication d'une encyclopédie de la science juridique allemande, qui se composera de quarante-six gros volumes et pour laquelle il s'est assuré la coopération des auteurs les plus compétents. La partie dont s'est chargé M. Heusler, professeur à l'université de Bâle, et que j'annonce aujourd'hui, est probablement la plus difficile de toutes. Il s'agissait, en effet, d'exécuter une entreprise qui n'a pas encore été tentée, d'exposer, comme un véritable système bien lié dans toutes ses parties, le droit allemand pur tel qu'il se présentait au moyen âge, avant l'invasion du droit romain. L'entreprise était encore rendue plus difficile par la nature des sources auxquelles il fallait s'adresser. Le droit allemand a pour caractère la diversité comme le droit romain l'unité. Au moyen âge les actes privés tiennent infiniment plus de place que les codes. Il y a beaucoup à recueillir et beaucoup à raccorder.

La presse allemande a déjà salué l'ouvrage de M. Heusler comme une publication de première importance tant par le but qu'elle se propose que par les difficultés qu'il s'agissait de surmonter. Nous avons à faire à l'une de ces œuvres qui font époque, qui ouvrent de nouveaux horizons et impriment aux travaux scientifiques une nouvelle impulsion. S'exprimer de la sorte toutefois, ce n'est point accepter d'emblée toutes les conclusions de l'auteur. Pour se prononcer en connaissance de cause sur leur compte, il faudrait vérifier, c'est-àdire, en réalité, refaire tout le travail qu'elles ont coûté. Le temps a manqué jusqu'ici pour cela; chacun signalera même tel ou tel point qui paraît avoir besoin d'une correction. Ainsi l'auteur n'a-t-il pas exagéré la différence qui existe entre la collection de personnes et la personne juridique; n'aurait-il pas mieux valu distinguer simplement entre la personne individuelle et la personne collective, laquelle peut être plus ou moins complètement organisée? On s'élèverait de la

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