Immagini della pagina
PDF
ePub

le peuple de Dieu est saint, puisque, par une suite non interrompue depuis l'origine du monde jusqu'à nos jours, il a toujours conservé une tradition et une philosophie si sainte !

CHAPITRE II..

ABRAHAM ET LES PATRIARCHES.

Mais comme le peuple de Dieu a pris, sous le patriarche Abraham, une forme plus réglée, il est nécessaire, monseigneur, de vous arrêter un peu sur ce grand homme.

Il naquit environ trois cent cinquante ans après le déluge, dans un temps où la vie humaine, quoique réduite à des bornes plus étroites, était encore très-longue. Noé ne faisait que de mourir; Sem, son fils aîné, vivait encore; et Abrabam a pu passer avec lui presque toute sa vie.

Représentez-vous donc le monde encore nouveau, et encore, pour ainsi dire, tout trempé des eaux du déluge, lorsque les hommes, si près de l'origine des choses, n'avaient besoin, pour connaître l'unité de Dieu et le service qui lui était dù, que de la tradition qui s'en était conservée depuis Adam et depuis Noé tradition d'ailleurs si conforme aux lumières de la raison, qu'il semblait qu'une vérité si claire et si importante, ne pût jamais être obscurcie, ni oubliée parmi les hommes. Tel est le premier état de la religion qui dure jusqu'à Abraham, où, pour connaître les grandeurs de Dieu, les hommes n'avaient à consulter que leur raison et leur mémoire.

Mais la raison était faible et corrompue; et, à mesure qu'on s'éloignait de l'origine des choses, les hommes brouillaient les idées qu'ils avaient reçues de leurs ancêtres : les enfants indociles ou mal appris n'en voulaient plus croire leurs grandspères décrépits, qu'ils ne connaissaient qu'à peine après tant de générations; le sens humain abruti ne pouvait plus s'élever aux choses intellectuelles; et, les hommes ne voulant plus adorer que ce qu'ils voyaient, l'idolatrie se répandait par tout l'univers.

L'esprit qui avait trompé le premier homme, goûtait alors

tout le fruit de sa séduction, et voyait l'effet entier de cette parole: VOUS SEREZ COMME DES DIEUX. Dès le moment qu'il la proféra, il songeait à confondre en l'homme l'idée de Dieu avec celle de la créature, et à diviser un nom dont la majesté consiste à être incommunicable. Son projet lui réussissait les hommes, ensevelis dans la chair et dans le sang, avaient pourtant conservé une idée obscure de la puissance divine, qui se soutenait par sa propre force, mais qui, brouillée avec les images venues par leurs sens, leur faisait adorer toutes les choses où il paraissait quelque activité et quelque puissance. Ainsi le soleil et les astres qui se faisaient sentir de si loin, le feu et les éléments dont les effets étaient si universels, furent les premiers objets de l'adoration publique. Les grands rois, les grands conquérants, qui pouvaient tout sur la terre, et les auteurs des inventions utiles à la vie humaine, eurent bientôt après les honneurs divins. Les hommes portèrent la peine de s'être soumis à leurs sens; les sens décidèrent de tout, et firent, malgré la raison, tous les dieux qu'on adora sur la terre.

Que l'homme parut alors éloigné de sa première institution, et que l'image de Dieu y était gâtée ! Dieu pouvait-il l'avoir fait avec ces perverses inclinations qui se déclaraient tous les jours de plus en plus? et cette pente prodigieuse qu'il avait à s'assujettir à toute autre chose qu'à son Seigneur naturel, ne montrait-elle pas trop visiblement la main étrangère par laquelle l'œuvre de Dieu avait été si profondément altérée dans l'esprit humain, qu'à peine pouvait-on y en reconnaître quelque trace? Poussé par cette aveugle impression qui le dominait, il s'enfonçait dans l'idolâtrie, sans que rien le pût retenir.

Un si grand mal faisait des progrès étranges. De peur qu'il n'infectât tout le genre humain, et n'éteignît tout à fait la connaissance de Dieu, ce grand Dieu appela d'en haut son serviteur Abraham, dans la famille duquel il voulait établir son culte, et conserver l'ancienne croyance tant de la création de l'univers que de la providence particulière avec laquelle il gouverne les choses humaines.

Abraham a toujours été célèbre dans l'Orient. Ce n'est pas

seulement les Hébreux qui le regardent comme leur père (1); les Iduméens se glorifient de la même origine Ismaël, fils d'Abraham, est connu parmi les Arabes comme celui d'où ils sont sortis la circoncision leur est demeurée comme la marque de leur origine, et ils l'ont reçue de tout temps, non pas au huitième jour, à la manière des Juifs, mais à treize ans, comme l'Ecriture nous apprend qu'elle fut donnée à leur père Ismaël : coutume qui dure encore parmi les mahométans. D'autres peuples arabes se ressouviennent d'Abraham et de Cétura, et ce sont les mêmes que l'Écriture (2) fait sortir de ce mariage. Ce patriarche était chaldéen; et ces peuples, renommés pour leurs observations astronomiques (5), ont compté Abraham comme un de leurs plus savants observateurs (4). Les historiens de Syrie l'ont fait roi de Damas, quoique étranger et venu des environs de Babylone; et ils racontent qu'il quitta le royaume de Damas pour s'établir dans le pays des Chananéens, depuis appelé Judée (5). Mais il vaut mieux remarquer ce que l'histoire du peuple de Dieu nous rapporte de ce grand homme.

:

Nous avons vu qu'Abraham suivait le genre de vie que suivirent les anciens hommes avant que tout l'univers eût été réduit en royaumes: il régnait dans sa famille, avec laquelle il embrassait cette vie pastorale tant renommée pour sa simplicité et son innocence; riche en troupeaux, en esclaves et en argent (6), mais sans terres et sans domaine et toutefois il vivait dans un royaume étranger, respecté, et indépendant comme un prince (7); sa piété, et sa droiture protégée de Dieu, lui attiraient ce respect. Il traitait d'égal avec les rois qui recherchaient son alliance; et c'est de là qu'est venue l'ancienne opinion qui l'a lui-même fait roi. Quoique sa vie fût simple et pacifique, il savait faire la guerre, mais seulement pour dé

12.

(1) GEN. XVI, XVII. - (2) Ibid. XVII. 25. Joseph. Ant. lib. 1, c. 13, al. · (3) Ibid. xxv. Alex. Polyh. apud Joseph. Ant. lib. 1, c. 16, al. 15. (4) Beros. Hecat. Eupol. Alex. Polyh. et al. apud Jos. Ant. lib. 1, c. 8, al. 7; et Euseb. Præp. Ev. lib. 1x, c. 16, 17, 18, 19, 20, etc.(5) Nic. Damas. lib. IV. Hist. univ. in Excerpt. Vales. p. 491; et ap. Jos. Ant. lib. I, cap. 8; et Euseb. Præp. Ev. lib. 1x, cap. 16.- (6) GEN. XIII,

[blocks in formation]

1

fendre ses alliés opprimés (1). Il les défendit, et les vengea par une victoire signalée : il leur rendit toutes leurs richesses reprises sur leurs ennemis sans réserver autre chose que la dîme qu'il offrit à Dieu, et la part qui appartenait aux troupes auxiliaires qu'il avait menées au combat. Au reste, après un si grand service, il refusa les présents des rois avec une magnanimité sans exemple, et ne put souffrir qu'aucun homme se vantât d'avoir enrichi Abraham. Il ne voulait rien devoir qu'à Dieu qui le protégeait, et qu'il suivait seul avec une foi et une obéissance parfaite.

Guidé par cette foi, il avait quitté sa terre natale pour venir au pays que Dieu lui montrait. Dieu, qui l'avait appelé, et qui l'avait rendu digne de son alliance, la conclut à ces conditions: Il lui déclara qu'il serait le Dieu de lui et de ses enfants (2), c'est-à-dire qu'il serait leur protecteur, et qu'ils le serviraient comme le seul Dieu créateur du ciel et de la terre.

Il lui promit une terre (ce fut celle de Chanaan) pour servir de demeure fixe à sa postérité, et de siége à la religion (3).

Il n'avait point d'enfants, et sa femme Sara était stérile. Dieu lui jura par soi-même, et par son éternelle vérité, que de lui et de cette femme naîtrait une race qui égalerait les étoiles du ciel et le sable de la mer (4).

Mais voici l'article le plus mémorable de la promesse divine. Tous les peuples se précipitaient dans l'idolâtrie. Dieu promit au saint patriarche qu'en lui et en sa semence, toutes ces nations aveugles, qui oubliaient leur créateur, seraient bénites (5), c'est-a-dire rappelées à sa connaissance, où se trouve la véritable bénédiction.

Par cette parole, Abraham est fait le père de tous les croyants, et sa postérité est choisie pour être la source d'où la bénédiction doit s'étendre par toute la terre.

En cette promesse était enfermée la venue du Messie tant de fois prédit à nos pères, mais toujours prédit comme celui qui devait être le Sauveur de tous les Gentils et de tous les peuples du monde.

(1) GEN. XIV. - (2) Ibid. XII, XVII. ~~ (3) Ibid.-(4) Ibid. XII. 2; XV. 4, 5; XVII. 19. -- (5) Ibid. x11. 3; xvIII. 18.

Ainsi ce germe béni, promis à Ève, devint aussi le germe et le rejeton d'Abraham.

Tel est le fondement de l'alliance; telles en sont les conditions. Abraham en reçut la marque dans la circoncision (1), cérémonie dont le propre effet était de marquer que ce saint homme appartenait à Dieu avec toute sa famille.

Abraham était sans enfants quand Dieu commença à bénir sa race. Dieu le laissa plusieurs années sans lui en donner. Après il eût Ismaël, qui devait être père d'un grand peuple, mais non pas de ce peuple élu, tant promis à Abraham (2). Le père du peuple élu devait sortir de lui et de sa femme Sara, qui était stérile. Enfin, treize ans après Ismaël, il vint cet enfant tant désiré : il fut nommé Isaac, c'est-à-dire ris (5), enfant de joie, enfant de miracle, enfant de promesse, qui marque par sa naissance que les vrais enfants de Dieu naissent de la grâce.

Il était déjà grand ce bénit enfant, et dans un âge où son père pouvait espérer d'en avoir d'autres enfants, quand tout à coup Dieu lui commanda de l'immoler (4). A quelles épreuves la foi est-elle exposée! Abraham mena Isaac à la montagne que Dieu lui avait montrée; et il allait sacrifier ce fils en qui seul Dieu lui promettait de le rendre père et de son peuple et du Messie. Isaac présentait le sein à l'épée que son père tenait toute prête à frapper. Dieu, content de l'obeissance du père et du fils, n'en demande pas davantage. Après que ces deux grands hommes ont donné au monde une image si vive et si belle de l'oblation volontaire de Jésus-Christ, et qu'ils ont goûté en esprit les amertumes de sa croix, ils sont jugés vraiment dignes d'être ses ancêtres. La fidélité d'Abraham fait que Dieu lui confirme toutes ses promesses (5), et bénit de nouveau non-seulement sa famille, mais encore par sa famille toutes les nations de l'univers.

En effet, il continua sa protection à Isaac son fils, et à Jacob son petit-fils. Ils furent ses imitateurs, attachés comme lui à la croyance ancienne, à l'ancienne manière de vie qui était

(1) GEN. XVII. —— (2) Ibid. XII, xv. 2; xvI. 3, 4; xvii. 20; xxi. 13.— (3) Ibid. XXI. 2, 3. (4) Ibid. XXII. (5) Ibid. XXII. 18.

[ocr errors]
[ocr errors]
« IndietroContinua »