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la vie pastorale, à l'ancien gouvernement du genre humain, où chaque père de famille était prince dans sa maison. Ainsi, dans les changements qui s'introduisaient tous les jours parmi les hommes, la sainte antiquité revivait dans la religion et dans la conduite d'Abraham et de ses enfants.

Aussi Dieu réitéra-t-il à Isaac et à Jacob les mêmes promesses qu'il avait faites à Abraham (1); et comme il s'était appelé le Dieu d'Abraham, il prit encore le nom de Dieu d'Isaac et de Dieu de Jacob.

Sous sa protection ces trois grands hommes commencèrent à demeurer dans la terre de Chanaan, mais comme des étrangers, et sans y posséder un pied de terre (2), jusqu'à ce que la famine attira Jacob en Egypte, où ses enfants multipliés devinrent bientôt un grand peuple, comme Dieu l'avait promis. Au reste, quoique ce peuple, que Dieu faisait naître dans son alliance, dût s'étendre par la génération, et que la bénédiction dût suivre le sang, ce grand Dieu ne laissa pas d'y marquer l'élection de sa grâce. Car, après avoir choisi Abraham du milieu des nations, parmi les enfants d'Abraham, il choisit Isaac, et des deux jumeaux d'Isaac, il choisit Jacob, à qui il donna le nom d'Israël.

La préférence de Jacob fut marquée par la solennelle bénédiction qu'il reçut d'Isaac, par surprise en apparence, mais en effet par une expresse disposition de la sagesse divine. Cette action prophétique et mystérieuse avait été préparée par un oracle dès le temps que Rebecca, mère d'Ésaü et de Jacob, les portait tous deux dans son sein. Car cette pieuse femme, troublée du combat qu'elle sentait entre ses enfants dans ses entrailles, consulta Dieu, de qui elle reçut cette réponse: « Vous portez deux peuples dans votre sein, et l'aîné sera assujetti au plus jeune. » En exécution de cet oracle, Jacob avait reçu de son frère la cession de son droit d'aînesse, confirmée par serment (3); et Isaac en le bénissant ne fit que le mettre en possession de ce droit, que le ciel lui-même lui

(1) GEN. xxv. 11; xxvi. 4; xxvIII. 14. — (2) ACT. VII. 5.— (3) xxv. 22, 23, 32,

avait donné. La préférence des Israélites, enfants de Jacob, sur les Iduméens, enfants d'Ésau, est prédite par cette action, qui marque aussi la préférence future des Gentils, nouvellement appelés à l'alliance par Jésus-Christ, au-dessus de l'ancien peuple.

Jacob eut douze enfants, qui furent les douze patriarches auteurs des douze tribus. Tous devaient entrer dans l'alliance; mais Juda fut choisi parmi tous ses frères pour être le père des rois du peuple saint, et le père du Messie tant promis à ses ancêtres.

Le temps devait venir que, dix tribus étant retranchées du peuple de Dieu pour leur infidélité, la postérité d'Abraham ne conserverait son ancienne bénédiction, c'est-à-dire la religion, la terre de Chanaan, et l'espérance du Messie, qu'en la seule tribu de Juda, qui devait donner le nom au reste des Israélites qu'on appela Juifs, et à tout le pays qu'on nomma Judée.

Ainsi l'élection divine paraît toujours même dans ce peuple charnel, qui devait se conserver par la propagation ordinaire.

Jacob vit en esprit le secret de cette élection (1). Comme il était prêt à expirer, et que ses enfants autour de son lit demandaient la bénédiction d'un si bon père, Dieu lui découvrit l'état des douze tribus quand elles seraient dans la Terre promise il l'expliqua en peu de paroles, et ce peu de paroles renferment des mystères innombrables.

Quoique tout ce qu'il dit des frères de Juda soit exprimé avec une magnificence extraordinaire, et ressente un homme transporté hors de lui-même par l'esprit de Dieu; quand il vient à Juda, il s'élève encore plus haut. « Juda, dit-il (2), tes frères te loueront; ta main sera sur le cou de tes ennemis; les enfants de ton père se prosterneront devant toi. Juda est un jeune lion. Mon fils, tu es allé au butin. Tu t'es reposé comme un lion et comme une lionne. Qui osera le réveiller? Le sceptre (c'est-à-dire l'autorité) ne sortira point de Juda,

(1) GEN. XLIX. (2) Ibid. IX. 8.

et on verra toujours des capitaines et des magistrats, ou des juges nés de sa race, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé, et qui sera l'attente des peuples; » ou, comme porte une autre leçon, qui peut-être n'est pas moins ancienne, et qui au fond ne diffère pas de celle-ci. « Jusqu'à ce que vienne celui à qui les choses sont réservées; » et le reste comme nous venons de le rapporter.

La suite de la prophétie regarde à la lettre la contrée que la tribu de Juda devait occuper dans la Terre sainte. Mais les dernières paroles que nous avons vues, en quelque façon qu'on les veuille prendre, ne signifient autre chose que celui qui devait être l'envoyé de Dieu, le ministre et l'interprète de ses volontés, l'accomplissement de ses promesses, et le Roi du nouveau peuple, c'est-à-dire le Messie ou l'Oint du Seigneur.

Jacob n'en parle expressément qu'au seul Juda dont ce Messie devait naître : il comprend, dans la destinée de Juda seul, la destinée de toute la nation, qui, après sa dispersion, devait voir les restes des autres tribus réunis sous les étendards de Juda.

Tous les termes de la prophétie sont clairs: il n'y a que le mot de sceptre que l'usage de notre langue nous pourrait faire prendre pour la seule royauté; au lieu que, dans la langue sainte, il signifie en général la puissance, l'autorité, la magistrature. Cet usage du mot de sceptre se trouve à toutes les pages de l'Écriture: il paraît même manifestement dans la prophétie de Jacob, et le patriarche veut dire qu'aux jours du Messie toute autorité cessera dans la maison de Juda; ce qui emporte la ruine totale d'un État.

Ainsi les temps du Messie sont marqués ici par un double changement. Par le premier, le royaume de Juda et du peuple juif est menacé de sa dernière ruine. Par le second, il doit s'élever un nouveau royaume, non pas d'un seul peuple, mais de tous les peuples, dont le Messie doit être le chef et l'espérance.

Dans le style de l'Écriture, le peuple juif est appelé en nombre singulier, et par excellence, le peuple ou le peuple de

Dieu (1); et quand on trouve les peuples (2), ceux qui sont exercés dans les Écritures entendent les autres peuples, qu'on voit aussi promis au Messie dans la prophétie de Jacob.

Gette grande prophétie comprend en peu de paroles toute l'histoire du peuple juif, et du Christ qui lui est promis. Elle marque toute la suite du peuple de Dieu, et l'effet en dure encore.

Aussi ne prétends-je pas vous en faire un commentaire : vous n'en aurez pas besoin, puisqu'en remarquant simplement la suite du peuple de Dieu, vous verrez le sens de l'oracle se développer de lui-même, et que les seuls événements en seront les interprètes.

CHAPITRE III.

MOÏSE, LA LOI ÉCRITE, ET L'INTRODUCTION DU PEUPLE DANS

LA TERRE PROMISE.

Après la mort de Jacob, le peuple de Dieu demeura en Égypte jusqu'au temps de la mission de Moïse, c'est-à-dire environ deux cents ans.

Ainsi il se passa quatre cent trente ans avant que Dieu donnât à son peuple la terre qu'il lui avait promise.

Il voulait accoutumer ses élus à se fier à sa promesse, assurés qu'elle s'accomplit tôt ou tard, et toujours dans les temps marqués par son éternelle providence.

Les iniquités des Amorrhéens, dont il leur voulait donner et la terre et les dépouilles, n'étaient pas encore, comme il le déclare à Abraham (3), au comble où il les attendait pour les livrer à la dure et impitoyable vengeance qu'il voulait exercer sur eux par les mains de son peuple élu.

Il fallait donner à ce peuple le temps de se multiplier, afin qu'il fût en état de remplir la terre qui lui était destinée (4),

(1) Is. LXV, etc.; Rom. x. 31.—(2) Is. 11. 2; XLIX. 6, 18; LI. 4, 5, etc. --(3) GEN. xv. 16. -(4) Ibid.

et de l'occuper par force, en exterminant ses habitants maudits de Dieu.

Il voulait qu'ils éprouvassent en Égypte une dure et insupportable captivité, afin qu'étant délivrés par des prodiges inouïs, ils aimassent leur libérateur, et célébrassent éternellement ses miséricordes.

Voilà l'ordre des conseils de Dieu, tels que lui-même nous les a révélés, pour nous apprendre à le craindre, à l'adorer, à l'aimer, à l'attendre avec foi et patience.

Le temps étant arrivé, il écoute les cris de son peuple cruellement affligé par les Égyptiens, et il envoie Moïse pour délivrer ses enfants de leur tyrannie.

Il se fait connaître à ce grand homme plus qu'il n'avait jamais fait à aucun homme vivant. Il lui apparaît d'une manière également magnifique et consolante (1): il lui déclare qu'il est celui qui est. Tout ce qui est devant lui n'est qu'une ombre. Je suis, dit-il, celui qui suis (2) : l'être et la perfection m'appartiennent à moi seul. Il prend un nouveau nom, qui désigne l'être et la vie en lui comme dans leur source; et c'est ce grand nom de Dieu, terrible, mystérieux, incommunicable, sous lequel il veut dorénavant être servi.

Je ne vous raconterai pas en particulier les plaies de l'Égypte, ni l'endurcissement de Pharaon, ni le passage de la mer Rouge, ni la fumée, les éclairs, la trompette résonnante, le bruit effroyable qui parut au peuple sur le mont Sinaï. Dieu y gravait de sa main, sur deux tables de pierre, les préceptes fondamentaux de la religion et de la société : il dictait le reste à Moïse à haute voix. Pour maintenir cette loi dans sa vigueur, il eut ordre de former une assemblée vénérable de septante conseillers (2), qui pouvait être appelée le sénat du peuple de Dieu, et le conseil perpétuel de la nation. Dieu parut publiquement, et fit publier sa loi en sa présence avec une démonstration étonnante de sa majesté et de sa puis

sance.

Jusque-là Dieu n'avait rien donné par écrit qui pût servir de

(1) EXOD. III.

(2) Ibid. 14.

(3) Ibid. xxiv. et NUM. XI.

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