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prophète fasse aller le temps du Christ avant celui de la ruine de Jérusalem; de sorte que ce dernier temps étant accompli, celui qui le précède le doit être aussi.

Josèphe s'est ici trompé trop grossièrement (1). Il a bien compté les semaines qui devaient être suivies de la désolation du peuple juif; et les voyant accomplies dans le temps que Tite mit le siége devant Jérusalem, il ne douta point que le moment de la perte de cette ville ne fût arrivé. Mais il ne considéra pas que cette désolation devait être précédée de la venue du Christ et de sa mort; de sorte qu'il n'entendit que la moitié de la prophétie.

Les Juifs qui sont venus après lui ont voulu suppléer à ce défaut. Ils nous ont forgé un Agrippa descendu d'Hérode, que les Romains, disent-ils, ont fait mourir un peu devant la ruine de Jérusalem; et ils veulent que cet Agrippa, Christ par son titre de roi, soit le Christ dont il est parlé dans Daniel nouvelle preuve de leur aveuglement. Car, outre que cet Agrippa ne peut être ni le Juste, ni le Saint des saints, ni la fin des prophéties, tel que devait être le Christ que Daniel marquait en ce lieu; outre que le meurtre de cet Agrippa, dont les Juifs étaient innocents, ne pouvait pas être la cause de leur désolation, comme devait être la mort du Christ de Daniel ce que disent ici les Juifs est une fable. Cet Agrippa descendu d'Hérode fut toujours du parti des Romains; il fut toujours bien traité par leurs empereurs, et régna dans un canton de la Judée longtemps après la prise de Jérusalem, comme l'atteste Josèphe et les autres contemporains (2).

Ainsi tout ce qu'inventent les Juifs, pour éluder les prophéties, les confond. Eux-mêmes ils ne se fient pas à des inventions si grossières; et leur meilleure défense est dans cette loi qu'ils ont établie de ne supputer plus les jours du Messie. Par là ils ferment les yeux volontairement à la vérité, et renoncent aux prophéties où le Saint-Esprit a lui-même compté les an

(1) Antiq. lib. x, c. ult. De Bello Jud. lib. VII, c. 4; al. lib. vi, cap. 2. (2) JOSEPH. de Bello Jud. lib. vII, c. 24; al. 5. JUSTUS TIBER. Biblioth. Phot. cod. XXXIII, p. 19.

nées mais pendant qu'ils y renoncent, ils les accomplissent, et font voir la vérité de ce qu'elles disent de leur aveuglement et de leur chute.

Qu'ils répondent ce qu'ils voudront aux prophéties: la désolation qu'elles prédisaient leur est arrivée dans le temps marqué; l'événement est plus fort que toutes leurs subtilités; et si le Christ n'est venu dans cette fatale conjoncture, les prophètes en qui ils espèrent les ont trompés.

CHAPITRE XXIV.

CIRCONSTANCES MÉMORABLES DE LA CHUTE DES JUIFS SUITE DE LEURS FAUSSES INTERPRÉTATIONS.

Et pour achever de les convaincre, remarquez deux circonstances qui ont accompagné leur chute et la venue du Sauveur du monde : l'une, que la succession des pontifes, perpétuelle et inaltérable depuis Aaron, finit alors; l'autre, que la distinction des tribus et des familles, toujours conservée jusqu'à ce temps, y périt, de leur aveu propré.

Cette distinction était nécessaire jusques au temps du Messie. De Lévi devaient naître les ministres des choses sacrées. D'Aaron devaient sortir les prêtres et les pontifes. De Juda devait sortir le Messie même. Si la distinction des familles n'eût subsisté jusqu'à la ruine de Jérusalem et jusqu'à la venue de Jésus-Christ, les sacrifices judaïques auraient péri devant le temps, et David eût été frustré de la gloire d'être reconnu pour le père du Messie. Le Messie est-il arrivé; le sacerdoce nouveau, selon l'ordre de Melchisédech, a-t-il commencé en sa personne, et la nouvelle royauté qui n'était pas de ce monde a-t-elle paru; on n'a plus besoin d'Aaron, ni de Lévi, ni de Juda, ni de David, ni de leurs familles. Aaron n'est plus nécessaire dans un temps où les sacrifices devaient cesser, selon Daniel (1). La maison de David et de

(1) DAN. IX. 27.

Juda a accompli sa destinée lorsque le Christ de Dieu en est 'sorti; et comme si les Juifs renonçaient eux-mêmes à leur espérance, ils oublient précisément en ce temps la succession des familles, jusqu'alors si soigneusement et si religieusement

retenue.

N'omettons pas une des marques de la venue du Messie, et peut-être la principale si nous la savons bien entendre, quoiqu'elle fasse le scandale et l'horreur des Juifs. C'est la rémission des péchés annoncée au nom d'un Sauveur souffrant, d'un Sauveur humilié et obéissant jusqu'à la mort. Daniel avait marqué, parmi ses semaines (1), la semaine mystérieuse que nous avons observée, où le Christ devait être immolé, où l'alliance devait être confirmée par sa mort, où les anciens sacrifices devaient perdre leur vertu. Joignons Daniel avec Isaïe nous trouverons tout le fond d'un si grand mystère; nous verrons « l'homme de douleurs, qui est chargé des iniquités de tout le peuple, qui donne sa vie pour le péché, et le guérit par ses plaies (2). » Ouvrez les yeux, incrédules : n'est-il pas vrai que la rémission des péchés vous a été prêchée au nom de Jésus-Christ crucitié? S'était-on jamais avisé d'un tel mystère? Quelque autre que Jésus-Christ, ou devant lui, ou après, s'est-il glorifié de laver les péchés par son sang? Se sera-t-il fait crucifier exprès pour acquérir un vain honneur, et accomplir en lui-même une si funeste prophétie ? Il faut se taire, et adorer dans l'Evangile une doctrine qui ne pourrait pas même venir dans la pensée d'aucun homme, si elle n'était véritable.

L'embarras des Juifs est extrême dans cet endroit : ils trouvent dans leurs Ecritures trop de passages où il est parlé des humiliations de leur Messie. Que deviendront donc ceux où il est parlé de sa gloire et de ses triomphes? Le dénoûment naturel est qu'il viendra aux triomphes par les combats, et à la gloire par les souffrances. Chose incroyable! les Juifs ont mieux aimé mettre deux Messies. Nous voyons dans leur Talmud, et dans d'autres livres d'une pareille antiquité (3),

(1) DAN. IX, 23, 27. - (2) IS. LII. (3) Tr. Succa, et Comm. sive Paraphr. sup. Cant. c. VII. v. 3.

qu'ils attendent un Messie souffrant, et un Messie plein de gloire l'un mort et ressuscité, l'autre toujours heureux et toujours vainqueur; l'un a qui conviennent tous les passages où il est parlé de faiblesse, l'autre à qui conviennent tous ceux où il est parlé de grandeur : l'un enfin fils de Joseph, car on n'a pu lui dénier un des caractères de Jésus-Christ, qui a été réputé fils de Joseph, et l'autre fils de David : sans jamais vouloir entendre que ce Messie fils de David devait, selon David, boire du torrent avant que de lever la tête (1); c'est-à-dire, être affligé avant que d'être triomphant, comme le dit lui-même le fils de David. « O insensés et pesants de cœur, qui ne pouvez croire ce qu'ont dit les prophètes, ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu'il entrât dans sa gloire par ce moyen (2)? »

Au reste, si nous entendons du Messie ce grand passage où Isaïe nous représente si vivement l'homme de douleurs frappé pour nos péchés, et défiguré comme un lépreux (3), nous sommes encore soutenus dans cette explication, aussi bien que dans toutes les autres, par l'ancienne tradition des Juifs; et, malgré leurs préventions, le chapitre tant de fois cité de leur Talmud (4) nous enseigne que ce lépreux chargé des péchés et du peuple sera le Messie. Les douleurs du Messie, qui lui seront causées par nos péchés, sont célèbres dans le même endroit et dans les autres livres des Juifs. Il y est souvent parlé de l'entrée aussi humble que glorieuse qu'il devait faire dans Jérusalem, monté sur un âne; et cette célèbre prophétie de Zacharie lui est appliquée. De quoi les Juifs ont-ils à se plaindre? Tout leur était marqué en termes précis dans leurs prophètes leur ancienne tradition avait conservé l'explication naturelle de ces célèbres prophéties; et il n'y a rien de plus juste que ce reproche que leur fait le Sauveur du monde (5): «Hypocrites, vous savez juger par les vents, et par ce qui vous paraît dans le ciel, si le temps sera serein ou pluvieux; et vous ne savez pas connaître, à tant de signes qui vous sont donnés, le temps où vous êtes ! »

(1) Ps. CIX.

Sanhed. c. XI.

(2) Luc. XXIV. 25, 26.

(3) IS. LIII.

-(4) GEM. Tr.

(5) MATTH. XVI. 2, 3, 4. LUC. XII. 56.

Concluons donc que les Juifs ont eu véritablement raison de dire que tous les termes de la venue du Messie sont passés. Judas n'est plus un royaume ni un peuple d'autres peuples ont reconnu le Messie qui devait être envoyé. Jésus-Christ a été montré aux Gentils à ce signe, ils sont accourus au Dieņ d'Abraham; et la bénédiction de ce patriarche s'est répandue par toute la terre. L'homme de douleurs a été prêché, et la rémission des péchés a été annoncée par sa mort. Toutes les semaines se sont écoulées; la désolation du peuple et du sanctuaire, juste punition de la mort du Christ, a eu son dernier accomplissement; enfin le Christ a paru avec tous les caractères que la tradition des Juifs y reconnaissait, et leur incrédulité n'a plus d'excuse.

Aussi voyons-nous depuis ce temps des marques indubitables de leur réprobation. Après Jésus-Christ, ils n'ont fait que s'enfoncer de plus en plus dans l'ignorance et dans la misère, d'où la seule extrémité de leurs maux, et la honte d'avoir été si souvent en proie à l'erreur, les fera sortir, ou plutôt la bonté de Dieu, quand le temps arrêté par sa providence pour punir leur ingratitude et dompter leur orgueil sera accompli.

Cependant ils demeurent la risée des peuples et l'objet de leur aversion, sans qu'une si longue captivité les fasse revenir à eux, encore qu'elle dût suffire pour les convaincre. Car enfin, comme leur dit saint Jérôme (1), « qu'attends-tu, ô Juif incrédule? tu as commis plusieurs crimes durant le temps des Juges ton idôlatrie t'a rendu l'esclave de toutes les nations voisines; mais Dieu a eu bientôt pitié de toi, et n'a pas tardé à t'envoyer des sauveurs. Tu as multiplié tes idolâtries sous tes rois; mais les abominations où tu es tombé sous Achaz et sous Manassès n'ont été punies que par soixante-dix ans de captivité. Cyrus est venu, et il t'a rendu ta patrie, ton temple, et tes sacrifices. A la fin, tu as été accablé par Vespasien et par Tite. Cinquante ans après, Adrien a achevé de t'exterminer, et il y a quatre cents ans que tu demeures dans

(1) HIER. Ep. ad Dardan. tom. 11, col. 610.

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