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Là périssent et s'évanouissent toutes les idoles, et celles qu'on adorait sur des autels, et celles que chacun servait dans son cœur. Celles-ci avaient élevé les autres. On adorait Vénus, parce qu'on se laissait dominer à l'amour sensuel, et qu'on en aimait la puissance. Bacchus, le plus enjoué de tous les dieux, avait des autels, parce qu'on s'abandonnait et qu'on sacrifiait, pour ainsi dire, à la joie des sens, plus douce et plus enivrante que le vin. Jésus-Christ, par le mystère de sa croix, vient imprimer dans les cœurs l'amour des souffrances, au lieu de l'amour des plaisirs. Les idoles qu'on adorait au dehors furent dissipées, parce que celles qu'on adorait au dedans ne subsistaient plus : le cœur purifié, comme dit Jésus-Christ lui-même (1), est rendu capable de voir Dieu; et l'homme, loin de faire Dieu semblable à soi, tâche plutôt, autant que le peut souffrir son infirmité, à devenir semblable à Dieu.

Le mystère de Jésus-Christ nous a fait voir comment la Divinité pouvait sans se ravilir être unie à notre nature, et se revêtir de nos faiblesses. Le Verbe s'est incarné : celui qui avait la forme et la nature de Dieu, sans perdre ce qu'il était, a pris la forme d'esclave (2). Inaltérable en lui-même, il s'unit et il s'approprie une nature étrangère. O hommes, vous vouliez des dieux qui ne fussent, à dire vrai, que des hommes, et encore des hommes vicieux! c'était un trop grand aveuglement. Mais voici un nouvel objet d'adoration qu'on vous propose c'est un Dieu et un homme tout ensemble; mais un homme qui n'a rien perdu de ce qu'il était en prenant ce que nous sommes. La Divinité demeure immuable, et, sans pouvoir se dégrader, elle ne peut qu'élever ce qu'elle unit avec elle.

Mais encore qu'est-ce que Dieu a pris de nous? Nos vices et nos péchés? A Dieu ne plaise: il n'a pris de l'homme que ce qu'il y a fait, et il est certain qu'il n'y avait fait ni le péché ni le vice. Il y avait fait la nature; il l'a prise. On peut dire qu'il avait fait la mortalité avec l'infirmité qui l'accom

(1) MATTH. v. 8.(2) PHILIP. II. 6, 7.

pagne, parce qu'encore qu'elle ne fût pas du premier dessein, elle était le juste supplice du péché, et en cette qualité elle était l'œuvre de la justice divine. Aussi Dieu n'a-t-il pas dédaigné de la prendre; et, en prenant la peine du péché sans le péché même, il a montré qu'il était non pas un coupable qu'on punissait, mais le Juste qui expiait les péchés des autres.

De cette sorte, au lieu des vices que les hommes mettaient dans leurs dieux, toutes les vertus ont paru dans ce Dieuhomme; et afin qu'elles y parussent dans les dernières épreuves, elles y ont paru au milieu des plus horribles tourments. Ne cherchons plus d'autre Dieu visible après celui-ci il est seul digne d'abattre toutes les idoles; et la victoire qu'il devait remporter sur elles est attachée à sa croix.

:

C'est-à-dire qu'elle est attachée à une folie apparente. « Car les Juifs, poursuit saint Paul (1), demandent des miracles,» par lesquels Dieu en remuant avec éclat toute la nature, comme il fit à la sortie d'Égypte, les mette visiblement audessus de leurs ennemis; « et les Grecs ou les Gentils cherchent la sagesse » et des discours arrangés, comme ceux de leur Platon et de leur Socrate. « Et nous, continue l'Apôtre, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, scandale aux Juifs, » et non pas miracle; « folie aux Gentils, » et non pas sagesse : << mais qui est aux Juifs, et aux Gentils appelés à la connaissance de la vérité, la puissance et la sagesse de Dieu, parce qu'en Dieu ce qui est fou est plus sage que toute la sagesse humaine, et ce qui est faible est plus fort que toute la force humaine. » Voilà le dernier coup qu'il fallait donner à notre superbe ignorance. La sagesse où l'on nous mène est si sublime, qu'elle paraît folie à notre sagesse; et les règles en sont si hautes, que tout nous y paraît un égarement.

Mais si cette divine sagesse nous est impénétrable en ellemême, elle se déclare par ses effets. Une vertu sort de la croix, et toutes les idoles sont ébranlées. Nous les voyons tomber par terre, quoique soutenues par toute la puissance

(1) I. COR. I. 22, 23, 24, 25.

romaine. Ce ne sont point les sages, ce ne sont point les nobles, ce ne sont point les puissants qui ont fait un si grand miracle. L'œuvre de Dieu a été suivie ; et ce qu'il avait commencé par les humiliations de Jésus-Christ, il l'a consommé par les humiliations de ses disciples. « Considérez, mes frères, » c'est ainsi que saint Paul achève son admirable discours (1), «< considérez ceux que Dieu a appelés parmi vous, » et dont il a composé cette Église victorieuse du monde. « Il y a peu de ces sages » que le monde admire; «< il y a peu de puissants et peu de nobles: mais Dieu a choisi ce qui est fou selon le monde, pour confondre les sages; il a choisi ce qui at était faible, pour confondre les puissants; il a choisi ce qu'il y avait de plus méprisable et de plus vil, et enfin ce qui n'é- Jul tait pas, pour détruire ce qui était, afin que nul homme ne se glorifie devant lui. » Les apôtres et leurs disciples, le rebut du monde et le néant même, à les regarder par les yeux humains, ont prévalu à tous les empereurs et à tout l'empire. Les hommes avaient oublié la création, et Dieu l'a renouvelée en tirant de ce néant son Église, qu'il a rendue toute-puissante contre l'erreur. Il a confondu avec les idoles toute la grandeur humaine qui s'intéressait à les défendre; et il a fait un si grand ouvrage, comme il avait fait l'univers, par la seule force de sa parole.

DIVERSES

CHAPITRE XXVI.

FORMES DE L'IDOLATRIE : LES SENS, L'INTÉRÊT, L'IGNORANCE, UN FAUX RESPECT DE L'ANTIQUITÉ, LA POLITIQUE, LA PHILOSOPHIE, ET LES HÉRÉSIES VIENNENT A SON SECOURS : L'ÉGLISE TRIOMPHE DE TOUT.

L'idolâtrie nous paraît la faiblesse même, et nous avons peine à comprendre qu'il ait fallu tant de force pour la détruire. Mais au contraire son extravagance fait voir la difficulté

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(1) I. COR. I. 26, 27, 28, 29.

qu'il y avait à la vaincre; et un si grand renversement du bon sens montre assez combien le principe était gâté. Le monde avait vieilli dans l'idolâtrie, et, enchanté par ses idoles, il était devenu sourd à la voix de la nature, qui criait contre elles. Quelle puissance fallait-il pour rappeler dans la mémoire des hommes le vrai Dieu si profondément oublié, et retirer le genre humain d'un si prodigieux assoupissement?

Tous les sens, toutes les passions, tous les intérêts combattaient pour l'idolâtrie. Elle était faite pour le plaisir les divertissements, les spectacles, et enfin la licence même, y faisaient une partie du culte divin. Les fêtes n'étaient que des jeux; et il n'y avait nul endroit de la vie humaine d'où la pudeur fût bannie avec plus de soin qu'elle l'était des mystères de la religion. Comment accoutumer des esprits si corrompus à la régularité de la religion véritable, chaste, sévère, ennemie des sens, et uniquement attachée aux biens invisibles? Saint Paul parlait à Félix, gouverneur de Judée, « de la justice, de la chasteté, et du jugement à venir. Cet homme effrayé lui dit: Retirez-vous quant à présent; je vous manderai quand il faudra (1). » Ces discours étaient incommodes pour un homme qui voulait jouir sans scrupule, et à quelque prix que ce fut, des biens de la terre.

Voulez-vous voir remuer l'intérèt, ce puissant ressort qui donne le mouvement aux choses humaines? Dans ce grand décri de l'idolâtrie que commençaient à causer dans toute l'Asie les prédications de saint Paul, les ouvriers qui gagnaient leur vie en faisant de petits temples d'argent de la Diane d'Éphèse s'assemblèrent, et le plus accrédité d'entre eux leur représenta que leur gain allait cesser; « et non-seulement, dit-il (2), nous courons fortune de tout perdre; mais le temple de la grande Diane va tomber dans le mépris; et la majesté de celle qui est adorée dans toute l'Asie, et même dans tout l'univers, s'anéantira peu à peu. »

Que l'intérêt est puissant, et qu'il est hardi quand il peut se couvrir du prétexte de la religion! Il n'en fallut pas

(1) ACT. XXIV. 25.—(2) Ibid. XIX. 24 et seq.

davantage pour émouvoir ces ouvriers. Ils sortirent tous ensemble, criant comme des furieux La grande Diane des Éphésiens! et traînant les compagnons de saint Paul au théâtre, où toute la ville s'était assemblée. Alors les cris redoublèrent, et durant deux heures la place publique retentissait de ces mots : La grande Diane des Éphésiens! Saint Paul et ses compagnons furent à peine arrachés des mains du peuple par les magistrats, qui craignirent qu'il n'arrivât de plus grands désordres dans ce tumulte. Joignez à l'intérêt des particuliers l'intérêt des prêtres qui allaient tomber avec leurs dieux; joignez à tout cela l'intérêt des villes que la fausse religion rendait illustres, comme la ville d'Éphèse qui devait à son te nple ses priviléges, et l'abord des étrangers dont elle était ei richie quelle tempête devait s'élever contre l'Église naissante! et faut-il s'étonner de voir les apôtres si souvent battus, lapidés, et laissés pour morts au milieu de la populace? Mais un plus grand intérêt va remuer une plus grande machine; l'intérêt de l'État va faire agir le sénat, le peuple romain, et les empereurs.

Il y avait déjà longtemps que les ordonnances du sénat défendaient les religions étrangères (1). Les empereurs étaient entrés dans la même politique; et dans cette belle délibération, où il s'agissait de réformer les abus du gouvernement, un des principaux réglements que Mécénas proposa à Auguste fut d'empêcher les nouveautés dans la religion, qui ne manquaient pas de causer de dangereux mouvements dans les États. La maxime était véritable : car qu'y a-t-il qui émeuve plus violemment les esprits, et les porte à des excès plus étranges? Mais Dieu voulait faire voir que l'établissement de la religion véritable n'excitait pas de tels troubles; et c'est une des merveilles qui montre qu'il agissait dans cet ouvrage. Car qui ne s'étonnerait de voir, que durant trois cents ans entiers que l'Église a eu à souffrir tout ce que la rage des persécuteurs pouvait inventer de plus cruel, parmi tant de séditions et tant

(1) TIT. LIV. lib. XXXIX, c. 18, etc. Orat. Mæcen. apud DION. CASS. lib. LII. TERTUL. Apolog. c. 5. EUSEB. Histoire eccl. lib. 11, c. 2.

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