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dans la terre, ne reconnaît plus ici d'autre substance que celle qui est désignée par cette même parole, c'est-à-dire le propre corps et le propre sang de Jésus-Christ, auxquels le pain et le vin sont changés : c'est ce qu'on appelle Transsubstantiation.

Au reste, la vérité que contient l'Eucharistie dans ce qu'elle a d'intérieur, n'empêche pas qu'elle ne soit un signe dans ce qu'elle a d'extérieur et de sensible; mais un signe de telle nature, que bien loin d'exclure la réalité, il l'emporte nécessairement avec soi, puisqu'en effet cette parole: Ceci est mon corps, prononcée sur la matière que Jésus-Christ a choisie, nous est un signe certain qu'il est présent et quoique les choses paraissent toujours les mêmes à nos sens, notre âme en juge autrement qu'elle ne ferait, si une autorité supérieure (1) n'était pas intervenue. Au lieu donc que de certaines espèces et une certaine suite d'impressions naturelles qui se font en nos corps, ont accoutumé de nous désigner la substance du pain et du vin ; l'autorité de celui à qui nous croyons, fait que ces mêmes espèces commencent à nous désigner une autre substance. Car nous écoutons celui qui dit que ce que nous prenons, et ce que nous mangeons est son corps; et telle est la force de cette parole, qu'elle empêche que nous ne rapportions à la substance du pain ces apparences extérieures, et nous les fait rapporter au corps de Jésus-Christ présent; de sorte que la présence d'un objet si adorable nous étant certifiée par ce signe, nous n'hésitons pas à y porter nos adorations.

Je ne m'arrête pas sur le point de l'adoration, parce que les plus doctes et les plus sensés de nos adversaires nous ont accordé, il y a longtemps, que la présence de Jésus-Christ dans

(1) Autome XVI, p. 251, de l'édition de D. Déforis, où Lequeux, qui avait revu ce volume, a reproduit l'édition de l'Exposition, publiée par lui, en 1761, avec la traduction latine de l'abbé Fleury, on lit ici suprême, au lieu de supérieure. L'éditeur met en note, que PRESQUE toutes les éditions portent SUPÉRIEURE : et il dit vrai; car il n'y a que les siennes où on lise autrement. Pour nous, nous n'avons pas voulu nous permettre de changer un seul mot d'un livre, dont Bossuet dit lui-même qu'il a pesé toutes les syllabes. (Edit. de Versailles.)

l'Eucharistie, doit porter à l'adoration ceux qui en sont persuadés.

Au reste, étant une fois convaincus que les paroles toutes puissantes du Fils de Dieu opèrent tout ce qu'elles énoncent, nous croyons avec raison qu'elles eurent leur effet dans la Cène aussitôt qu'elles furent proférées; et par une suite nécessaire, nous reconnaissons la présence réelle du corps avant la manducation.

XIV. Le Sacrifice de la Messe.

Ces choses étant supposées, le sacrifice que nous reconnaissons dans l'Eucharistie n'a plus aucune difficulté particulière.

Nous avons remarqué deux actions dans ce mystère, qui ne laissent pas d'être distinctes, quoique l'une se rapporte à l'autre. La première est la consécration, par laquelle le pain et le vin sont changés au corps et au sang, et la seconde est la manducation par laquelle on y participe.

Dans la consécration, le corps et le sang sont mystiquement séparés, parce que Jésus-Christ a dit séparément : Ceci est mon corps, ceci est mon sang; ce qui enferme une vive et efficace représentation de la mort violente qu'il a soufferte.

Ainsi le Fils de Dieu est mis sur la sainte Table en vertu de ces paroles, revêtu des signes qui représentent sa mort : c'est ce qu'opère la consécration; et cette action religieuse porte avec soi la reconnaissance de la souveraineté de Dieu, en tant que Jésus-Christ présent y renouvelle et perpétue en quelque sorte la mémoire de son obéissance jusqu'à la mort de la croix; si bien que rien ne lui manque pour être un véritable sacrifice.

On ne peut douter que cette action, comme distincte de la manducation, ne soit d'elle-même agréable à Dieu, et ne l'oblige à nous regarder d'un œil plus propice, parce qu'elle lui remet devant les yeux la mort volontaire que son Fils bienaimé a soufferte pour les pécheurs, ou plutôt elle lui remet devant les yeux son Fils même sous les signes de cette mort, par laquelle il a été apaisé.

Tous les chrétiens confesseront que la seule présence de

Jésus-Christ est une manière d'intercession très-puissante devant Dieu pour tout le genre humain, selon ce que dit l'Apôtre, que Jésus-Christ se présente et paraît pour nous devant la face de Dieu (Hebr. ix. 24). Ainsi nous croyons que JésusChrist présent sur la sainte Table en cette figure de mort, intercède pour nous, et représente continuellement à son Père la mort qu'il a soufferte pour son Église.

C'est en ce sens que nous disons que Jésus-Christ s'offre à Dieu pour nous dans l'Eucharistie; c'est en cette manière que nous pensons que cette oblation fait que Dieu nous devient plus propice, et c'est pourquoi nous l'appelons propitiatoire.

Lorsque nous considérons ce qu'opère Jésus-Christ dans ce mystère, et que nous le voyons par la foi présent actuellement sur la sainte Table avec ces signes de mort, nous nous unissons à lui en cet état; nous le présentons à Dieu comme notre unique victime, et notre unique propitiateur par son sang, protestant que nous n'avons rien à offrir à Dieu que Jésus-Christ, et le mérite infini de sa mort. Nous consacrons toutes nos prières par cette divine offrande; et en présentant Jésus-Christ à Dieu, nous apprenons en même temps à nous offrir à la Majesté divine, en lui et par lui, comme des hosties vivantes.

Tel est le sacrifice des chrétiens, infiniment différent de celui qui se pratiquait dans la loi; sacrifice spirituel, et digne de la nouvelle alliance, où la victime présente n'est aperçue. que par la foi, où le glaive est la parole qui sépare mystiquement le corps et le sang, où ce sang par conséquent n'est répandu qu'en mystère, et où la mort n'intervient que par représentation; sacrifice néanmoins très-véritable, en ce que Jésus-Christ y est véritablement contenu et présenté à Dieu sous cette figure de mort: mais sacrifice de commémoration, qui, bien loin de nous détacher, comme on nous l'objecte, du sacrifice de la croix, nous y attache par toutes ses circonstances, puisque non-seulement il s'y rapporte tout entier, mais qu'en effet il n'est et ne subsiste que par ce rapport, et qu'il en tire toute sa vertu.

C'est la doctrine expresse de l'Église catholique dans le concile de Trente. (Sess. xx. c. 1.), qui enseigne que ce

sacrifice n'est institué qu'afin « de représenter celui qui a été » une fois accompli en la croix; d'en faire durer la mémoire >> jusqu'à la fin des siècles; et de nous en appliquer la vertu >> salutaire pour la rémission des péchés que nous commettons » tous les jours. » Ainsi, loin de croire qu'il manque quelque chose au sacrifice de la croix, l'Église, au contraire, le croit si parfait et si pleinement suffisant, que tout ce qui se fait ensuite n'est plus établi, que pour en célébrer la mémoire, et pour en appliquer la vertu.

Par là cette même Église reconnaît que tout le mérite de la rédemption du genre humain est attaché à la mort du Fils de Dieu; et on doit avoir compris, par toutes les choses qui ont été exposées, que lorsque nous disons à Dieu dans la célébration des divins mystères Nous vous présentons cette hostie sainte, nous ne prétendons point, par cette oblation, faire ou présenter à Dieu un nouveau paiement du prix de notre salut, mais employer auprès de lui les mérites de Jésus-Christ présent, et le prix infini qu'il a payé une fois pour nous en la croix.

Messieurs de la religion prétendue réformée ne croient point offenser Jésus-Christ, en l'offrant à Dieu comme présent à leur foi; et s'ils croyaient qu'il fût présent en effet, quelle répugnance auraient-ils à l'offrir, comme étant effectivement présent? Ainsi toute la dispute devrait de bonne foi être réduite à la seule présence.

Après cela, toutes ces fausses idées que Messieurs de la religion prétendue réformée se font du sacrifice que nous of frons, devraient s'effacer. Ils devraient reconnaître franchement que les Catholiques ne prétendent pas se faire une nouvelle propitiation, pour apaiser Dieu de nouveau, comme s'il ne l'était pas suffisamment par le sacrifice de la croix; ou pour ajouter quelque supplément au prix de notre salut, comme s'il était imparfait. Toutes ces choses n'ont point de lieu dans notre doctrine, puisque tout se fait ici par forme d'intercession et d'application, en la manière qui vient d'être expliquée.

XV. L'Epitre aux Hébreux.

Après cette explication, ces grandes objections qu'on tire de l'Épître aux Hébreux, et qu'on fait tant valoir contre nous, paraîtront peu raisonnables; et c'est en vain qu'on s'efforce de prouver, par le sentiment de l'apôtre, que nous anéantissons le sacrifice de la croix. Mais comme la preuve la plus certaine qu'on puisse avoir que deux doctrines ne sont point opposées, est de reconnaître, en les expliquant, qu'aucune des propositions de l'une n'est contraire aux propositions de l'autre; je crois devoir en cet endroit imposer sommairement la doctrine de l'Épître aux Hébreux.

L'apôtre a dessein en cette Épitre de nous enseigner que le pécheur ne pouvait éviter la mort, qu'en subrogeant en sa place quelqu'un qui mourût pour lui; que tant que les hommes n'ont mis en leur place que des animaux égorgés, leurs sacrifices n'opéraient autre chose qu'une reconnaissance publique qu'ils méritaient la mort, et que la justice divine ne pouvant pas être satisfaite d'un échange si inégal, on recommençait tous les jours à égorger des victimes; ce qui était une marque certaine de l'insuffisance de cette subrogation : mais que, depuis que Jésus-Christ avait voulu mourir pour les pécheurs, Dieu, satisfait de la subrogation volontaire d'une si digne personne, n'avait plus rien à exiger pour le prix de notre rachat. D'où l'apôtre conclut, que non-seulement on ne doit plus immoler d'autre victime après Jésus-Christ, mais que Jésus-Christ même ne doit être offert qu'une seule fois à la mort.

Que le lecteur soigneux de son salut, et ami de la vérité, repasse maintenant dans son esprit ce que nous avons dit de la manière dont Jésus-Christ s'offre pour nous à Dieu dans l'Eucharistie; je m'assure qu'on n'y trouvera aucunes propositions qui soient contraires à celles que je viens de rapporter de l'apôtre, ou qui affaiblissent sa preuve de sorte qu'on ne pourrait tout au plus nous objecter que son silence. Mais ceux qui voudront considérer la sage dispensation que Dieu fait de ses secrets dans les divers livres de son Écriture, ne voudront pas nous astreindre à recevoir de la seule Épître

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