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LETTRE DU P. JOHNSTON,

AUTEUR DE LA VERSION ANGLAISE DE L'EXPOSITION,

A`M. L'ÉVÊQUE DE MEAUX.

Il remercie ce Prélat des éclaircissements qu'il lui avait donnés, pour le mettre en état de répondre aux objections du Ministre anglais; et lui propose encore quelques autres difficultés formées par les Protestants.;

MONSEIGNEUR,

J'espère que vous me pardonnerez la liberté que je prends de vous écrire ; c'est pour vous remercier de la réponse que vous m'avez fait envoyer aux objections du Ministre anglais. Je suis persuadé qu'elle donnera une ample satisfaction à tous ceux qui ont tant soit peu d'intégrité; mais pour les autres, qui sont en trop grand nombre, rien ne les peut convaincre.

Tous les Catholiques ici, et les Protestants même qui ne sont pas trop opiniâtres, ont une fort grande estime de votre livre de l'Exposition. Après l'avoir traduite avec l'Avertissement, je ne l'osais pas publier sans demander permission au Roi, parce que j'entendais qu'il ne voulait pas permettre les controverses mais il a donné très-volontiers cette permission, témoignant qu'il avait lu ce livre, et qu'il attendait beaucoup de bien d'un tel ouvrage; et ordonna, après trois impressions, quand je lui dis qu'il y avait une seconde approbation du Pape, et celle de l'assemblée générale du Clergé de France, de mettre dans le titre : Publié par son ordre.

C'est pourquoi nos Ministres ici, à l'exemple de ceux de France, tâchent de tout leur possible de persuader le monde, que l'Exposition ne contient pas la véritable doctrine de l'Église. J'espère en peu de jours publier une réponse à leurs objections, dans laquelle j'insèrerai votre lettre. Ils font courir le bruit que si on nie les matières de fait touchant la première impression, qu'ils produiront le livre même où la Sorbonne a marqué les endroits où la doctrine n'était pas

conforme à celle de l'Église; qu'on a trouvé ce livre avec un manuscrit dans le cabinet de M. le maréchal de Tnrenne,. dans lequel, comme aussi dans tous les autres manuscrits, il n'y avait pas, disent-ils, les chapitres de l'Eucharistie, de la tradition, de l'autorité du Pape ni de l'Église ce qui leur fait croire que quoique cette Exposition était faite pour lui donner satisfaction, il y avait quelque autre adresse qui le faisait se rendre catholique.

Je vous remercie, Monseigneur, de l'honneur que vous m'avez fait de m'envoyer votre Lettre pastorale. Nous l'avons trouvée ici tout d'un même esprit que les autres ouvrages de votre main et parce que nous sommes persuadés qu'elle fera beaucoup de bien ici, je suis après à la faire imprimer en anglais.

J'ai été fort aise de voir là-dedans ce passage, que dans votre diocèse les Protestants, loin d'avoir souffert des tourments, n'en avaient pas seulement entendu parler, et que vous entendiez dire la même chose aux autres évêques. La raison en est, qu'il se vend ici en cachette, (mais pourtant il est assez commun) un petit livre publié par M. Claude, en Hollande, où il donne une relation des tourments que les Huguenots ont soufferts, et des cruautés des dragons pour les faire changer de religion. Et comme je vois que presque tout le monde ici croit cette relation être véritable, à cause du grand nombre de ceux de la religion prétendue réformée qui se sont enfuis de France, chacun avec quelque relation particulière des cruautés qu'on y exerce, pour exciter la compassion; et parce qu'il ne se peut publier ici aucun livre touchant la religion, sans qu'on forme quelque réponse; je ne doute pas qu'on en publie bientôt une contre votre Lettre pastorale, et qu'on ne tâche, à cause de cette expression, de persuader au peuple, qui ne veut pas croire qu'il n'y a pas autant de cruautés et une telle persécution, comme ils l'appellent, que vous n'avez pas dit la vérité, parce que je vois qu'ils osent en dire autant contre la doctrine de votre Exposition.

Nous attendons ici avec impatience une réponse à ce livre de M. Claude; car il a fait plus de mal ici qu'on ne peut croire. Et s'il se publie ici quelques autres objections contre

vos livres, j'espère que vous me permettrez de demander votre secours pour y répondre. Je suis,

Monseigneur,

Votre très-humble, etc.

FR. JOS. JOHNSTON.

A Londres, ce 6 mai 1686.

RÉPONSE A LA LETTRE PRÉCÉDENTE.

Je ne puis comprendre, mon révérend Père, quel avantage peuvent tirer les Ministres de tous les faits qu'ils allèguent contre mon Exposition. Il me paraît au contraire qu'ils tournent à l'avantage de ce livre; puisqu'on n'en peut raisonnablement conclure autre chose, sinon qu'il a été fait avec soin, qu'on a pesé toutes les syllabes, et qu'enfin on l'a fait paraître après un examen si exact, qu'aucun Catholique n'y trouve rien à redire; au contraire, il ne reçoit que des approbations.

Cet ouvrage a été fait à deux fois : je fis d'abord jusqu'à l'Eucharistie; je continuai ensuite le reste, J'envoyais le tout à M. de Turenne, à mesure que je le composais. Il donna des copies du commencement, il en a donné du tout; et il peut s'en être trouvé chez lui de parfaites et d'imparfaites. Je voudrais bien savoir qu'est-ce que tout cela fait à un ouvrage ?

Je veux bien dire encore davantage, puisqu'on est si curieux de savoir ce qui regarde ce livre. Quand il fut question de le publier, j'en fis imprimer une douzaine d'exemplaires, ou environ, pour moi et pour ceux que je voulais consulter, principalement pour les prélats dont j'ai eu l'approbation. C'était pour donner lieu à un plus facile examen et les copies n'ont jamais été destinées à voir le jour. J'ai profité des réflexions de mes amis et des miennes propres : j'ai mis l'ouvrage dans l'état où il a été vu par le public. Qu'y a-t-il làdedans qui puisse nuire tant soit peu à ce traité? et tout cela

au contraire ne sert-il pas à recommander ma diligence? Je ne serais nullement fâché quand on pourrait avoir trouvé chez M. de Turenne les remarques qu'on aura faites sur mon manuscrit, ou même sur cet imprimé particulier. On peut hardiment les faire imprimer: on verra qu'il ne s'agissait ni de rien d'important, ni qui mérite le moins du monde d'être relevé. Mais quand il s'agirait des choses de conséquence, a-t-on jamais trouvé mauvais qu'un homme consulte ses amis, qu'il fasse de nouvelles réflexions sur son ouvrage, qu'il s'explique, qu'il se restreigne, qu'il s'étende autant qu'il le faut pour se faire bien entendre, qu'il se corrige même s'il en est de besoin; que loin de vouloir toujours défendre ses propres pensées, il soit le premier à se censurer lui-même? En vé– rité, on est bien de loisir quand on recherche si curieusement, et qu'on prend peine à faire valoir des choses si vaines.

Quant à la Sorbonne, je vous ai déjà dit les raisons pour lesquelles on n'a jamais seulement songé à en demander l'approbation. Parmi ceux que j'ai consultés, il y avait des docteurs de Sorbonne très-savants, comme aussi des religieux très-éclairés. Après avoir eu les remarques de ces savants amis, j'ai pesé le tout; j'ai changé ou j'ai retenu ce qui m'a semblé le plus raisonnable. Il était bien aisé de prendre son parti, puisque je puis dire en vérité que jamais il ne s'est agi que de minuties. Comment des gens sérieux peuvent-ils s'amuser à de telles choses? Et après que tout le monde les a méprisées ici, quelle faiblesse de les aller relever en Angleterre! Un ouvrage est bien à l'épreuve, quand on est contraint d'avoir recours à de telles petitesses pour l'attaquer.

Pour ce qui regarde ma Lettre pastorale, et ce que j'y dis de la réunion des Protestants dans mon diocèse; cela est exactement véritable. Ni chez moi, ni bien loin aux environs, on n'a pas seulement entendu parler de ce qui s'appelle tourments. Je ne réponds pas de ce qui peut être arrivé dans les provinces éloignées, où on n'aura pu réprimer partout la licence du soldat. Pour ce qui est de ce que j'ai vu, et de ce qui s'est passé dans mon diocèse, il est vrai que tout s'est fait paisiblement, sans aucun logement de gens de guerre, et sans qu'aucun ait souffert de violence, ni dans sa personne,

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LETTRES RELATIVES A L'EXPOSITION.

ni dans ses biens. La réunion n'en a pas été moins universelle. Nous travaillons présentement à instruire ceux qui ne le sont pas encore assez et on ne force personne à recevoir les saints Sacrements. On supporte les infirmes en patience; on les prêche, on les instruit; on prie pour eux en particulier et en public: et on attend le moment de Celui qui seul peut changer les cœurs.

J'espère vous envoyer bientôt la seconde édition de mon Traité de la Communion sous les deux espèces. Je mettrai à la tête un avertissement, où il paraîtra que la doctrine que j'enseigne est incontestable par les propres principes de ceux qui l'ont attaquée. Je suis parfaitement,

Mon révérend Père,

A Meaux, le 26 mai 1686.

+ J. BEN. Evêque de Meaux.

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