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Augustin a écrit, dans le livre de la Cité de Dieu, contre la médiation qu'ils attribuaient aux démons. C'est une erreur insupportable de faire la divinité naturellement inaccessible aux hommes, plutôt qu'aux anges. Les chrétiens, qui, séduits par une vaine philosophie, ont embrassé cette erreur, soit qu'ils aient regardé les anges comme leurs créateurs particuliers, soit qu'ayant corrigé peut-être (car personne n'a expliqué toute leur opinion) cette erreur des Platoniciens, ils en aient retenu les suites, n'ont connu comme il faut ni la nature divine ni même la création. C'est ignorer l'une et l'autre que de reconnaître quelqu'un qui ait plus de bonté pour nous, ou qui ait un soin plus particulier et une connaissance plus immédiate de nous et de nos besoins, que celui qui nous a faits. Si ces adorateurs des anges avaient bien compris que Dieu a tout également tiré du néant, jamais ils n'auraient songé à établir ces deux ordres de natures intelligentes, dont les unes soient par leur nature indignes d'approcher de Dieu, et les autres par leur nature si dignes d'y avoir accès, que personne ne puisse l'avoir que par leur moyen. Au contraire, ils auraient vu que ce grand Dieu, qui de rien a fait toutes choses, a pu à la vérité distinguer ses créatures en leur donnant différents degrés de perfection; mais que cela n'empêche pas qu'il ne les tienne toutes à son égard dans un même état de dépendance, et qu'il ne se communique immédiatement, quoique non toujours en même degré, à toutes celles qu'il a faites capables de le connaître. En effet, si on présuppose que les hommes soient par leur nature indignes d'approcher de Dieu, ou que Dieu dédaigne de les écouter; on doit croire, par la même raison, qu'il dédaigne aussi et de les gouverner et de les faire. Car il ne méprise pas ce qu'il fait, ou plutôt il n'aurait pas fait ce qu'il aurait jugé digne de mépris. Aussi voyons-nous que quand le péché dont la nature humaine a été souillée, a fait qu'elle a eu besoin nécessairement d'un médiateur auprès de Dieu, il a voulu que ce Médiateur fùt, homme, pour montrer que ce n'était pas notre nature, mais notre péché qui le séparait de nous. Il a si peu dédaigné la nature humaine, qu'il n'a pas craint de l'unir à la personne de son Fils. C'est ce que devaient entendre ces adorateurs des anges, et croire qu'il

n'y avait que le seul péché qui pût empêcher les hommes d'avoir accès par eux-mêmes auprès de Dieu; la nature humaine étant capable de le posséder, aussi bien que la nature angélique, et tenant sa félicité avec son être, non des anges ou de quelques autres esprits bienheureux, mais de celui qui les a faits.

V. Dans la doctrine catholique, selon laquelle on croit tout ce qu'il faut croire sur la nature divine et la création, il n'y peut avoir aucun sentiment qui ressente l'idolâtrie.

Ainsi on peut bien attribuer aux anges un amour sincère envers les hommes, et un soin particulier de les secourir dans un esprit de société et de charité fraternelle, comme leurs chers compagnons, destinés au même service, et appelés à la même gloire. Mais on ne peut point en faire, comme faisaient ces philosophes et ces hérétiques, des médiateurs nécessaires entre Dieu et nous, sans rompre la sainte union que Dieu même a voulu avoir avec l'homme, qu'il a créé aussi bien que l'ange à son image et ressemblance.

Après cela, je n'ai que faire de rapporter ce qu'ont dit et les Catholiques et les Protestants, touchant ces adorateurs des anges. Il me suffit que si on remonte à la source de leurs erreurs, qui, de l'aveu de M. Noguier, se trouve dans le Platonisme, on verra qu'ils y sont tombés pour avoir ignoré la création, ou pour ne l'avoir pas entendue dans toutes ses suites, et pour avoir mieux aimé en croire Platon et ses sectateurs, que Moïse et les prophètes.

Ainsi en parcourant toutes les opinions qui ont tenu quelque chose de l'idolâtrie, on voit qu'on ne peut en montrer aucune où il n'y ait quelque erreur touchant la nature de la divinité, et où la doctrine de la création ne soit obscurcie; ce qui fait voir clairement que parmi nous, où l'on croit tout ce qu'il faut croire sur la nature divine et sur la création, il n'y peut avoir aucun sentiment qui ressente l'idolâtrie.

Nous descendrons en particulier à tous les actes par lesquels on nous accuse de rendre à la créature ou en tout ou en partie les honneurs divins. "Mais déjà, en attendant, on peut voir par une raison générale, qu'en croyant ce que nous

croyons du néant de la créature, il ne peut jamais nous arriver de lui donner aucune partie de l'être divin; d'où il s'ensuit qu'il n'est pas possible que nous l'égalions à Dieu, par quelque endroit que ce soit, ni dans notre estime, ni dans notre culte.

En effet, si nous voyons que partout où on a rendu à plusieurs quelque partie des honneurs divins, on y a aussi présupposé quelque partie de l'être de Dieu; par une raison contraire, il faut conclure nécessairement que parmi nous, où on ne suppose l'être divin qu'en un seul, on ne peut rendre qu'à un seul les honneurs divins.

Si après cela on nous objecte (et on nous l'objecte souvent) que les honneurs que nous rendons aux saints ne sont pas des honneurs divins dans notre pensée, mais qu'ils le sont en effet; c'est ce qui ne fut jamais et qui ne peut être. Car tous ceux qui ont jamais rendu à quelqu'un les honneurs divins, l'ont senti, et l'ont connu, et l'ont voulu faire. Il est inouï dans tous les siècles qu'on ait jamais rendu des honneurs divins à d'autres qu'à ceux qu'on a crus des dieux par erreur, ou qu'on a fait semblant de tenir pour tels par crainte ou par flatterie. Pour nous, tout le monde sait que nous ne tenons point les saints pour des divinités, à moins qu'on veuille nous faire admettre des divinités avec cette idée distincte qu'elles sont tirées du néant; ce qui n'est jamais tombé dans la pensée de personne. Que si ce sentiment paraît si absurde qu'on n'ose pas même nous l'attribuer, il est encore plus étrange et plus incroyable que nous rendions les honneurs divins à ceux que nous ne tenons pas pour des dieux, et qu'au contraire nous regardons comme de pures créatures.

Et ce serait certainement un prodige incompréhensible et inouï, si nous qui savons si bien que la créature quelle qu'elle soit, ne peut, abandonnée à elle-même, et destituée de tout secours de la part de Dieu, trouver en son fond que le néant et le péché; .

VI. Fausses imputations du Ministre Daillé, sur les honneurs que les catholiques rendent aux saints.

Le fameux M. Daillé, que l'Anonyme va bientôt ranger parmi les Pères de l'Église, et en qui il ne désire pour cela

que la durée de quelques siècles, fonde sur cette fausse présupposition tout ce qu'il dit dans le livre le plus recherché qu'il ait fait sur cette matière. Car dès le premier chapitre où il propose l'état de la question (Page 32.); il la fait consister en ce point que ceux de sa religion n'approuvent pas les Latins, c'est ainsi qu'il nomme les Catholiques, qui veulent << qu'on rende aux esprits bienheureux et au pain sacré, ce » souverain culte qu'on appelle de religion, et qui soit de » même espèce, il n'est pas de même degré, que celui qu'on >> rend à Dieu seul, Père, Fils et Saint-Esprit » (Dall. Advers. latin. tradit. l. I. cap. 1.).

Etrange manière de proposer l'état de la question, qui embrouille tout dès le premier mot: car il ne fallait pas mêler ensemble, ni faire aller d'un même pas deux choses aussi différentes que l'honneur que nous rendons à l'Eucharistie, et celui que nous rendons aux saints. Nous rendons à l'Eucharistie, que nous croyons être Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble, le souverain honneur de religion, qui est nonseulement de même espèce, mais encore de même degré, que celui que nous rendons à Dieu. Pour les saints, que nous regardons comme de pures créatures, il est faux que nous leur rendions, comme dit Daillé, le culte suprême de religion; et il est vrai au contraire, quoi que puisse dire ce ministre, que l'honneur que nous leur rendons, n'est pas seulement d'un degré plus bas, mais d'une autre espèce que celui que nous rendons à Dieu. Ainsi M. Daillé renverse lui-même son propre ouvrage, et toutes les accusations qu'il fait contre nous à ce sujet de l'honneur des saints, lorsqu'il fait rouler tout son livre sur cette fausse présupposition, que nous leur rendons un culte suprême de religion, qui ne diffère que du plus au moins de celui que nous rendons à Dieu, et qui soit de même espèce. Il faudrait, pour être tombé dans une erreur si grossière, que nous crussions que les saints ne sont ni d'un autre rang ni d'une autre espèce que celui qui les a faits, et ne diffèrent de lui que du plus au moins. Mais tant qu'on n'oublie pas la création, dont on reconnaît du moins que nous sommes très-bien instruits, on a des idées si essentiellement différentes du premier être et de ses ouvrages, qu'il ne peut

tomber dans l'esprit, de les honorer par un même genre de culte.

En effet, si M. Daillé avait tant soit peu considéré les caractères essentiels par lesquels nous distinguons l'honneur divin d'avec celui qu'on rend au saints, il verrait qu'on ne peut jamais en marquer plus exactement ni plus à fond la différence. Nous honorons Dieu purement pour l'amour de lui; et nous savons que la créature n'ayant rien d'aimable ni de vénérable qui ne lui vienne de Dieu, c'est aussi pour l'amour de Dieu, qu'elle doit être aimée et honorée. Il y a donc un genre d'honneur qu'on ne peut rendre à Dieu sans crime, comme il y a aussi un genre d'honneur qu'on ne peut rendre sans crime à la créature. Car autant qu'il répugne à la créature de recevoir des honneurs qui se terminent à ellemême, autant il répugne à Dieu d'en recevoir qui se rapportent à un autre. Que les Ministres jugent maintenant si ces deux sortes d'honneur, qui sont des différences si essentielles, ne diffèrent que du plus au moins, et sont au fond de même nature et de même espèce.

VII. Examen des actes intérieurs et extérieurs, par lesquelles on rend hommage à Dieu. Injustice des prétendus Réformés dans les reproches qu'ils font aux Catholiques.

Mais pour entrer plus avant dans les actes particuliers par lesquels la créature peut rendre hommage à son Créateur, que les Ministres nous disent eux-mêmes ce qu'il faut faire pour cela.

Ils nous diront qu'il y a des actes intérieurs et extérieurs : et nous voulons bien les suivre dans l'examen qu'ils feront de nos sentiments sur les uns et sur les autres.

Le premier acte intérieur par lequel nous adorons Dieu, c'est que nous reconnaissons qu'il est lui seul CELUI QUI EST, et que nous ne sommes rien que par lui, ni dans l'ordre de la nature, ni dans l'ordre de la grâce, ni dans l'ordre de la gloire. En veulent-ils davantage? Et ne voient-ils pas que cet acte ne peut jamais avoir pour objet la créature?

Tout le reste dépend de là; et ce premier sentiment de religion fait que nous nous attachons à Dieu comme à la cause

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