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Qu'a-t-il besoin de nous? D'un œil indifférent,
Il regarde tranquille et l'être et le néant...'
Ce qu'il veut, il l'ordonne, et son ordre suprême
N'a point d'autre raison que sa volonté même.
O sage profondeur! ô sublimes secrets!

J'adore un Dieu caché, je tremble et je me tais.

Racine, Poëme de la Religion.

Idée de la puissance de Dieu.

Voici ce que dit Mardochée à Esther pour l'engager à parler au roi Assuérus en faveur du peuple juif.

Que peuvent contre lui tous les rois de la terre?
En vain ils s'uniraient pour lui faire la guerre :
Pour dissiper leur ligue il n'a qu'à se montrer;
Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer.
Au seul son de sa voix, la mer fuit, le ciel tremble;
Il voit comme un néant tout l'univers ensemble;
Et les faibles mortels, vains jouets du trépas,
Sont tous devant ses yeux comme s'ils n'étaient pas.

Tragédie d'Esther, de Racine.

Joad ou Joïda, grand-Prêtre des Juifs, parle ainsi à Abner, un des principaux officiers du roi de Juda. C'était pour lui faire comprendre qu'il ne devait pas craindre les mauvais desseins de la cruelle Athalie.

Celui qui met un frein à la fureur des flots,

Sait aussi des méchans arrêter les complots.
Soumis avec respect à sa volonté sainte,

Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte.

Athalie, de Racine.

Nous ne pouvons placer plus à propos qu'à la suite de ce sujet, ce que dit M. Rousseau contre les prétendus esprits forts, dans une épître à M. Racine, l'illustre auteur du poëme sur la Religion. On verra avec quelle énergie il jette un ridicule sur leurs discours audacieux.

Mais dans ce siècle, à la révolte ouvert,
L'impiété marche à front découvert :
Rien ne l'étonne, et le crime rebelle
N'a point d'appui plus redoutable qu'elle.

Sous ses drapeaux, sous ses fiers étendards,
L'œil assuré, courent de toutes parts
Ces légions, ces bruyantes armées.
D'esprits subtils, d'ingénieux pygmées,
Qui sur des monts d'argumens entassés,
Contre le ciel burlesquement haussés,
De jour en jour, superbes Encelades,
Vont redoublant leurs folles escalades,
Jusques au sein de la Divinité
Porter la guerre avec impunité;

Viendront bientôt sans scrupule et sans honte,
De ses arrêts lui faire rendre compte,
Et déjà même, arbitres de sa loi,
Tiennent en main pour écraser la foi
De leurs raisons les foudres toutes prêtes.
Y pensez-vous, insensés que Vous êtes !

M. Racine déplore pareillement l'abus que les prétendus esprits forts font de leur raison, et il fait voir dans les vers suivans par quels degrés l'impiété vient à son comble. C'est après avoir dit que le désir de briller par l'affectation du bel esprit, a altéré le bon goût qui- doit régner dans les ouvrages.

Un excès plus fatal emporta la raison,

Qui, lasse de chérir son heureuse prison,

Pour vouloir tout apprendre, osa d'un pas rebelle
Sortir du cercle étroit que Dieu trace autour d'elle.
Plutôt que d'y entrer, s'égarant pour jamais,
Elle espéra, malgré tant de brouillards épais,
Etendre son empire, en étendant sa vue.
La nuit l'enveloppa: sa fierté confondue,
Au lieu de s'enrichir, perdit son propre bien,
Et l'œil toujours ouvert, voyant tout, ne vit rien.
Dans ce trouble, usurpant son nom et sa puissance,
Compagne du déisme et de la tolérance,

Par l'orgueil soutenue et par la volupté,
Sur un trône éclatant monta l'impiété.

Racine, Épître à M. Rousseau.

Sur l'impie.

Les vers suivans ont quelque rapport avec le sujet précédent. Le poëte y paraphrase deux versets du

psaume 36... Vidi impium super exaltatum et elevatum sicut cedros Libani,et transivi, et ecce non erat, et quæsivi eum, et non est inventus locus ejus.

J'ai vu l'impie adoré sur la terre :
Pareil au cèdre, il cachait dans les cieux
Son front audacieux;

Il semblait à son gré gouverner le tonnerre,
Foulait aux pieds ses ennemis vaincus :
Je n'ai fait que passer, il n'était déjà plus.

Sur la révélation faite à la nation juive.

Le morceau suivant est rempli d'instruction, mais d'une instruction pleine d'énergie et de force. Le poëte y fait voir que Dieu a révélé ses volontés à la nation juive par les prodiges de sa puissance; que c'est luimême qui a appris aux hommes le culte qu'il voulait qu'on lui rendît. Il exalte la grandeur du bienfait dont la bonté divine a comblé les hommes en leur envoyant un Dieu sauveur. Il peint ensuite l'établissement de l'église et la propagation de la foi. Il y a dans ce morceau des coups de maître qui ont mérité l'éloge des plus célèbres poëtes de nos jours.

Aux humains, qu'entraînait leur pente déréglée,
Que servait la raison par le crime aveuglée?
Pour trouver à leurs maux un remède vainqueur,
Il fallait pénétrer dans les sources du cœur,
Détromper des faux biens leur espérance avide,
Proposer à leurs vœux un bonheur plus solide,
Et réglant leurs désirs par leur propre intérêt,
Pour les porter à Dieu, leur montrer ce qu'il est.
Ce Dieu, dont l'univers avait perdu l'idée,
D'un
rayon de sa grâce éclaira la Judée.

Aux Hébreux, que choisit son amour paternel,
apprit que lui seul était l'Être éternel,

Π

Qui dispose à son gré des vents et du tonnerre,

Dont la main sur le vide a suspendu la terre,

Ouvre aux traits de l'aurore un chemin dans les airs,
Et soutient la barrière où se brisent les mers.
C'était peu que lui-même annonçat son essence:
Son bras, aux yeux des Juifs, confirma sa puissance.
Ils ont vu la nature attentive à ses lois,

Il

En lui de son auteur reconnaître la voix,
Le soleil, par son ordre, interrompre sa course,
Le Jourdain étonné remonter vers sa source;
Des monts, à son aspect, la base s'ébranler,
Les mers se divisant, devant lui reculer.
Mais en vain, pour fonder la foi de ses oracles,
s'explique à leurs yeux par la voix des miracles:
Les prodiges divers qu'il produit chaque jour,
N'ont pu graver en eux la loi de son amour.
Dans l'esprit effréné de ce peuple indomptable
La vérité s'éclipse, et fait place à la fable:
De ses vœux criminels il ne porte l'ardeur
Qu'à des dieux qui sont nés du penchant de son cœur.
Ainsi des nations triomphent les prestiges.

Grand Dieu! de ta justice il n'est plus de vestiges,
Qu'attends-tu pour punir ces forfaits éclatans?
Leur cri jusqu'à ton trône est monté dès long-temps.
Dans un trop long sommeil ta justice repose;
Lève-toi, Dieu vengeur, et viens juger ta cause;
De ton glaive enflammé fais sortir ces éclairs
Qui pénètrent les cieux et percent les enfers.
Prends ces traits préparés pour le jour de la guerre ;
Sur les ailes des vents fais voler ton tonnerre;

Et qu'un noir tourbillon, dans les airs déployé,
Disperse les débris du monde foudroyé.

Mais grand Dieu! pour jamais perdras-tu ton ouvrage ?
Non: tu dois dans nos cœurs réparer ton image.

Hélas, quand viendra donc l'instant, l'heureux instant,
Où naîtra le Sauveur que l'univers attend?
Réforme la nature à ton culte opposée;
Commande que les cieux répandent leur. rosée ;
De tes dons sur la terre épuise la faveur,

Et qu'un germe immortel enfante le Seigneur...
Enfin va s'accomplir l'auguste sacrifice

Qui doit du Tout-Puissant désarmer la justice,
Et de l'Etre infini venger la majesté,

Par un hommage égal à son immensité.
De l'homme criminel quel sang lave l'injure?
La victime en mourant consterne la nature;
Le ciel pâlit d'effroi, le soleil est voilé,

Les tombeaux sont ouverts, le monde est ébranlé.
Des desseins du Très-Haut quels nouveaux interprètes
Lèvent le voile obscur qui couvrait les prophètes ?
Leurs discours sont suivis de prodiges fréquens;
Sans étude profonds, sans génie éloquens,
Ils confondent les lois de la sagesse humaine :
L'enfer s'émeut et tremble à leur voix souveraine :
Quel étonnant projet à leur soins est commis ?

Le ciel veut que par eux l'univers, soit soumis...
En vain, pour renverser ce merveilleux ouvrage,
Les enfers déchaînés ont déployé leur rage;
La foi dans les tourmens fonde un règne plus sûr,
Et répand un éclat plus brillant et plus pur.
Des douleurs de la mort victime triomphante,
Du sang de ses martyrs l'Église se cimente;
Pour les suivre au séjour de l'éternel repos,
De leurs cendres renaît un peuple de héros.
Telle est, constante foi, ta puissance divine :
Lorsque l'homme a connu son auguste origine,
Étranger sur la terre et citoyen des cieux,
Sur des biens passagers il n'ouvre plus les yeux;
Pour lui les faux plaisirs ne sont plus qu'un fantôme,
Les siècles un instant, l'univers un atôme,

Les grandeurs un éclair, qui s'efface en naissant.
Dieu se montre, tout rentre en son premier néant.

Sur le jugement dernier.

Asselin

Un point aussi essentiel de la foi chrétienne, que celui du jugement dernier, a paru digne aux poëtes d'être revêtu des couleurs de la poésie. Lorsqu'ils ont travaillé à nous en faire la peinture, on doit croire qu'ils ont eu pour but de jeter un salutaire effroi dans le cœur des chrétiens, et de leur donner lieu de penser à un événement qui fera la décision de leur bonheur ou de leur malheur éternel. On sait que les prophètes appellent ce jour, le jour de colère et de vengeance, et qu'ils emploient pour le dépeindre les expressions les plus fortes et les plus capables d'inspirer la terreur (1). La peinture qu'en ont fait plusieurs poètes est assez vive pour frapper les esprits, si l'on veut y faire attention.

Déjà je crois le voir, j'en frémis par avance "

Ce jour de châtiment comme de récompense.

(1) Juxtà est dies Domini magnus... Vox diei Domini amara... Dies tribulationis et angustia... In igne zeli ejus devorabitur onnis terra. Sophon. Antequam veniat dies Domini magnus et horribilis. Joël ... Ecce dies venit succensa quasi caminus, et erunt omnes súperbi et omnes facientes, impietatem, stipula. Malac. 4.

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