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Mon esprit toujours enchanté
Pénètre au sein de la nature,
Hélas! par une loi trop dure
Le plaisir vole, le temps fuit
Poussé par l'éternelle nuit.
Trop tôt, hélas! les soins pénibles,
Les bienséances inflexibles,
Revendiquant leurs tristes droits,
Nous feront quitter cet asile,
Et nous arrachant de ces bois,
Nous replongeront pour six mois
Dans l'affreux chaos de la ville,
Et dans cet éternel fracas
De riens pompeux et d'embarras.
Dès qu'entraînés par l'habitude
Au séjour de la multitude,
Nous irons prendre les leçons
De la vertu toujours unie
Que la bonne philosophie
Permet à ses vrais nourrissons,
D'une ville tumultueuse
Nous adoucirons le dégoût;
La raison est partout heureuse,
Le bonheur du sage est partout.

Gresset.

Eloge poétique du printemps.

C'est ici un homme qui, revenu d'une maladie mortelle, goûte la douce satisfaction de se voir parfaitement rétabli, et soupire après le temps qu'il doit aller à la

campagne.

Ame de l'univers, charme de nos années,
Heureuse et tranquille santé,
Toi, qui viens renouer le fil de mes journées,
Et rendre à mon esprit sa plus vive clarté ;
Quand prodigues des dons d'une courte jeunesse,
Ne portant que la honte et d'amères douleurs
A la précoce vieillesse,

Les aveugles mortels abrégent tes faveurs,
Je vais sacrifier dans ton temple champêtre.
Loin des cités et de l'ennui,

Tout nous rappelle aux champs; le printemps va renaître,
Et j'y vais renaître avec lui.
Dans cette retraite chérie
De la sagesse et du plaisir,
Avec quel goût vais-je cueillir
La première épine fleurie,
Et de Philomèle (1) attendrie
Recevoir le premier soupir?
Avec les fleurs dont la prairie
A chaque instant va s'embellir,
Mon âme long-temps assoupie
Va de nouveau s'épanouir,
Et sans pénible rêverie
Voltiger avec le zéphir.

Occupé tout entier du soin, du plaisir d'être,
Au sortir du néant affreux,

Je ne songerai qu'à voir naître
Ces bois, ces berceaux amoureux...
O jours de ma convalescence,
Jours d'une pure volupté!
C'est une nouvelle naissance,
Un rayon d'immortalité.

Quel feu! tous les plaisirs ont volé dans mon ame;
J'adore avec transport le céleste flambeau ;

Tout m'intéresse, tout m'enflamme:

Pour moi l'univers est nouveau.

Sans doute que le Dieu qui nous rend l'existence,

A l'heureuse convalescence

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Pour de nouveaux plaisirs donne de nouveaux sens.
A ses regards impatiens,

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Le chaos fuit, tout naît, la lumière commence
Tout brille des feux du printemps.
Les plus simples objets, le chant d'une fauvette,
Le matin d'un beau jour, la verdure des bois,
La fraîcheur d'une violette,
Mille spectacles qu'autrefois
On voyait avec nonchalance,

Transportent aujourd'hui, présentent des
Inconnus à l'indifference,
Et que la foule ne voit pas.
Tout s'émousse dans l'habitude;
Par les plaisirs un cœur usé,
Lassé de leur multitude,
Ne peut se sentir flatté.

appas

Gresset.

(1) Du rossignol.

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PEINTURES RIANTES.

Les vers suivans sont à peu près sur le même sujet que les précédens. On y invite une personne de venir à la campagne, et on fait une description de la vie gracieuse qu'une compagnie d'honnêtes gens y mène.

Si vous veniez ici, nous ferions notre étude
De bannir vos soucis, d'instruire leur procès;
Votre tranquille sœur, de votre inquiétude,
Pourrait, par son exemple, adoucir les accès.
Sa belle ame, en tout temps à soi-même semblable,
Fait fleurir dans sa cour repos et liberté ;
Et la riche Amalthée y répand sur sa table
L'abondance et l'éclat, l'ordre et la propreté.
Dans ces longs promenoirs qu'un si bel art varie,
Errant à l'aventure, exempts de passion,
Nous faisons succéder l'aimable rêverie
Aux douceurs que fournit la conversation.
On ne connaît ici ni règle ni contrainte :
Ainsi que des momens nous y passons les jours;
Et si nous y formons quelque légère plainte,
C'est que pour nos plaisirs les soleils sont trop courts.
Lorsque le blond Phébus dans la mer d'Hespérie
Se plonge dans les flots où sa clarté périt,
En cercle autour du feu, la fine raillerie
Épanouit le cœur, et réveille l'esprit.

A

Tantôt sur le bas style, et volant terre à terre,
parer aussi prompts comme on l'est à porter,
Nous faisons l'un à l'autre une innocente guerre
Qù chacun s'étudie à se déconcerter.

Épuisés d'entretien, une guerre nouvelle,
Les cartes à la main, nous rend tous ennemis;
Sur le moindre incident nous entrons en querelle,
Et le jeu terminé nous demeurons amis.
Fatigués des plaisirs plus qu'assouvis encore,
Nous livrons au sommeil nos yeux appesantis !
On dort dans les beaux lits au-delà de l'aurore,
Où les songes qu'on fait sont des songes d'Athys.
Venez donc profiter du doux air qu'on respire
Dans ce palais charmant des Grâces ennobli,
Ой par mille agrémens que je ne puis décrire,
Nous passons, sans mourir, le consolant oubli.

Pavillon, OEuvres diverses.

CHAPITRE X.

Des narrations dans le genre familier.

LES fables en seront les exemples, mais, avant de les rapporter, il paraît convenable pour l'instruction des jeunes gens de donner une idée de ce genre de poësie, et de mettre en même temps sous les yeux les observations des maîtres de l'art sur cette matière.

La fable ou l'apologue est une instruction (1) déguisée sous l'allégorie d'une action; c'est un poëme épique en raccourci, qui ne le cède au grand que par l'étendue. Elle est composée de deux parties (2), dont on peut appeler l'une le corps, et l'autre l'ame. Le corps est la fable, et l'ame la moralité.

Mais quoique la fable soit une instruction, elle n'en plaît pas moins. Il est aisé d'en sentir la raison; c'est premièrement parce que l'amour-propre est ménagé dans ces sortes de leçons. Les hommes n'aiment point les préceptes directs; ils sont trop fiers pour s'accommoder de ces philosophes qui semblent commander ce qu'ils enseignent; ils veulent qu'on les instruise humblement; et ils ne se corrigeraient pas s'ils croyaient que se corriger fût obéir. Ces sortes d'instructions plaisent encore, parce que l'esprit est exercé par l'allégorie; il aime à voir plusieurs choses à la fois, à en distinguer les rapports, et il se complaît dans cette pénétration qui l'amuse.

(1) La Motte.
(2) La Fontaine.

Les qualités essentielles d'une fable peuvent se réduire aux suivantes :

1° Une fable doit être le symbole d'une vérité; c'est là son essence; car la fable est une philosophie déguisée, qui ne badine que pour instruire, et qui instruit d'autant mieux qu'elle amuse.

2o La vérité qu'on veut apprendre doit être cachée sous une allégorie. En effet, l'allégorie est le langage qui plaît le plus aux hommes ; c'est elle qui a l'avantage de nous faire entendre une chose dans le temps qu'elle nous en présente une autre; et par le moyen de cette espèce de supercherie, elle donne à notre esprit un exercice qui le reproduit et qui lui fait faire un usage de ses forces, tel qu'il le souhaite.

3o L'image dont on se sert pour envelopper cette vérité doit être juste et naturelle. Ces conditions sont prises de la nature même de notre esprit, qui ne saurait souffrir qu'on l'embarrasse, qu'on l'égare, ni qu'on le trompe. Ainsi cette image doit être conforme aux idées que les hommes en général ont des choses.

4o Le récit qui forme le corps de la fable doit être animé par tout ce qu'il y a de plus riant et de plus gracieux; et, pour y réussir, il faut savoir attacher agréablement l'esprit aux plus petits objets, savoir appliquer de grandes comparaisons aux plus petites choses, ménager de petites descriptions qui jettent du gracieux dans la narration, y semer de temps en temps quelques réflexions courtes et rapides, comme des traits vifs qui frappent l'esprit, peindre le sentiment avec la naïveté qui le caractérise; en un mot, imiter la nature. De cet ensemble naît cette gaîté qui est si nécessaire à une fable, et qui produit un effet admirable. Cet air lui est si nécessaire, qu'elle ne saurait s'en passer, c'est son lustre, c'est la fleur de sa beauté. Mais ce n'est pas une gaîté folle et vive qui excite le rire. Celle qui convient à la fable est plus douce et plus délicate, elle ne va qu'à l'esprit, elle l'anime, le rend attentif par le plaisir qu'elle lui donne. C'est un certain charme, un certain air aimable et facile dont on peut égayer les sujets les plus sé

rieux.

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