Mon esprit toujours enchanté Gresset. Eloge poétique du printemps. C'est ici un homme qui, revenu d'une maladie mortelle, goûte la douce satisfaction de se voir parfaitement rétabli, et soupire après le temps qu'il doit aller à la campagne. Ame de l'univers, charme de nos années, Les aveugles mortels abrégent tes faveurs, Tout nous rappelle aux champs; le printemps va renaître, Occupé tout entier du soin, du plaisir d'être, Je ne songerai qu'à voir naître Quel feu! tous les plaisirs ont volé dans mon ame; Tout m'intéresse, tout m'enflamme: Pour moi l'univers est nouveau. Sans doute que le Dieu qui nous rend l'existence, A l'heureuse convalescence Pour de nouveaux plaisirs donne de nouveaux sens. Le chaos fuit, tout naît, la lumière commence Transportent aujourd'hui, présentent des appas Gresset. (1) Du rossignol. 202 PEINTURES RIANTES. Les vers suivans sont à peu près sur le même sujet que les précédens. On y invite une personne de venir à la campagne, et on fait une description de la vie gracieuse qu'une compagnie d'honnêtes gens y mène. Si vous veniez ici, nous ferions notre étude A Tantôt sur le bas style, et volant terre à terre, Épuisés d'entretien, une guerre nouvelle, Pavillon, OEuvres diverses. CHAPITRE X. Des narrations dans le genre familier. LES fables en seront les exemples, mais, avant de les rapporter, il paraît convenable pour l'instruction des jeunes gens de donner une idée de ce genre de poësie, et de mettre en même temps sous les yeux les observations des maîtres de l'art sur cette matière. La fable ou l'apologue est une instruction (1) déguisée sous l'allégorie d'une action; c'est un poëme épique en raccourci, qui ne le cède au grand que par l'étendue. Elle est composée de deux parties (2), dont on peut appeler l'une le corps, et l'autre l'ame. Le corps est la fable, et l'ame la moralité. Mais quoique la fable soit une instruction, elle n'en plaît pas moins. Il est aisé d'en sentir la raison; c'est premièrement parce que l'amour-propre est ménagé dans ces sortes de leçons. Les hommes n'aiment point les préceptes directs; ils sont trop fiers pour s'accommoder de ces philosophes qui semblent commander ce qu'ils enseignent; ils veulent qu'on les instruise humblement; et ils ne se corrigeraient pas s'ils croyaient que se corriger fût obéir. Ces sortes d'instructions plaisent encore, parce que l'esprit est exercé par l'allégorie; il aime à voir plusieurs choses à la fois, à en distinguer les rapports, et il se complaît dans cette pénétration qui l'amuse. (1) La Motte. Les qualités essentielles d'une fable peuvent se réduire aux suivantes : 1° Une fable doit être le symbole d'une vérité; c'est là son essence; car la fable est une philosophie déguisée, qui ne badine que pour instruire, et qui instruit d'autant mieux qu'elle amuse. 2o La vérité qu'on veut apprendre doit être cachée sous une allégorie. En effet, l'allégorie est le langage qui plaît le plus aux hommes ; c'est elle qui a l'avantage de nous faire entendre une chose dans le temps qu'elle nous en présente une autre; et par le moyen de cette espèce de supercherie, elle donne à notre esprit un exercice qui le reproduit et qui lui fait faire un usage de ses forces, tel qu'il le souhaite. 3o L'image dont on se sert pour envelopper cette vérité doit être juste et naturelle. Ces conditions sont prises de la nature même de notre esprit, qui ne saurait souffrir qu'on l'embarrasse, qu'on l'égare, ni qu'on le trompe. Ainsi cette image doit être conforme aux idées que les hommes en général ont des choses. 4o Le récit qui forme le corps de la fable doit être animé par tout ce qu'il y a de plus riant et de plus gracieux; et, pour y réussir, il faut savoir attacher agréablement l'esprit aux plus petits objets, savoir appliquer de grandes comparaisons aux plus petites choses, ménager de petites descriptions qui jettent du gracieux dans la narration, y semer de temps en temps quelques réflexions courtes et rapides, comme des traits vifs qui frappent l'esprit, peindre le sentiment avec la naïveté qui le caractérise; en un mot, imiter la nature. De cet ensemble naît cette gaîté qui est si nécessaire à une fable, et qui produit un effet admirable. Cet air lui est si nécessaire, qu'elle ne saurait s'en passer, c'est son lustre, c'est la fleur de sa beauté. Mais ce n'est pas une gaîté folle et vive qui excite le rire. Celle qui convient à la fable est plus douce et plus délicate, elle ne va qu'à l'esprit, elle l'anime, le rend attentif par le plaisir qu'elle lui donne. C'est un certain charme, un certain air aimable et facile dont on peut égayer les sujets les plus sé rieux. |