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C'est un prince tel qu'on vient de le dire, qui ne connaissait pas sa véritable origine, et qui était persuadé d'en avoir une très-basse, qui répond ainsi à des personnes qui lui demandent s'il se connaît bien. On doit remarquer combien ce morceau est travaillé, tant les vers sont harmonieux.

Si j'étais quelque enfant épargné des tempêtes,
Livré dans un désert à la merci des bêtes,
Exposé par la crainte ou par l'inimitié,
Rencontré par hasard et nourri par pitié;
Mon orgueil à ce bruit prendrait quelque espérance
Sur votre incertitude et sur mon ignorance;
Je me figurerais ces destins merveilleux
Qui tiraient du néant ces héros fabuleux,
Et me révêtirais des brillantes chimères
Qu'osa former pour eux le loisir de nos pères.
Car enfin je suis vain, et mon ambition
Ne peut s'examiner sans indignation;
Je ne puis regarder sceptre ni diadême,
Qu'ils n'emportent mon ame au-delà d'elle-même.
Inutiles élans d'un vol impétueux,

Que pousse vers le ciel un coeur présomptueux...
Je suis fils d'un pêcheur et non pas d'un infâme :
La bassesse du sang ne va pas jusqu'à l'ame :
Et je renonce aux noms de comte et de marquis
Avec bien plus d'honneur qu'aux sentimens de fils.

Don Sanche, de Corneille.

Réponse d'un homme de grande naissance à une reine qui voulait exiger de lui une chose qu'il regardait comme une tache pour son nom.

Lorsque le déshonneur souille l'obéissance
Les rois peuvent douter de leur toute-puissance.
Qui la hasarde alors n'en sait pas bien user;
Et qui veut pouvoir tout, ne doit pas tout oser....
Jamais un souverain ne doit compte à personne
Des dignités qu'il fait, et des grandeurs qu'il donne.
S'il est d'un sort indigne ou l'auteur ou l'appui,
Comme il le fait lui seul, la honte est toute à lui.
Mais disposer d'un sang que j'ai reçu sans tache...
Avant que le souiller, il faut qu'on me l'arrache:

J'en dois compte aux aïeux dont il est hérité,
A toute leur famille, à leur postérité.

Don Sanche, de Corneille.

Campistron, dans la tragédie d'Alcibiade, fait parler ainsi ce célèbre général athénien à Palmis, fille d'Artaxerce, roi de Perse:

Souvenez-vous, madamę,

Que si dans mes aïeux je ne vois point de rois,

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J'ai fait connaître au moins mon nom par'mes exploits :
Que si pour vous aimer il faut une couronne
Ce n'est pas la vertu, c'est le sort qui la donne ;
Qu'enfin s'il n'a pas mis un sceptre dans ma main,
Je ne dois point rougir des fautes du destin.

La même pensée est dans le portrait suivant

Portrait du grand prince de Condé.

J'ai le cœur comme la naissance;
Je porte dans les yeux un feu vif et brillant ;
J'ai de la foi, de la constance;

Je suis prompt, je suis fier, généreux et vaillant.
Rien n'est comparable à ma gloire ;

Le plus fameux héros qu'on vante dans l'histoire
Ne me la saurait disputer.

Si je n'ai pas une couronne
C'est la fortune qui la donne,
Il suffit de la mériter.

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Un poëte met les vers suivans dans la bouche du vaillant Achille, à qui Agamemnon venait de déclarer qu'il fallait renoncer au siége de Troie, parce que les oracles avaient déclaré qu'il y périrait.

Moi, je m'arrêterais à de vaines menaces,

Et je fuirais l'honneur qui m'attend sur vos traces!
Les parques
à ma mère, il est vrai, l'ont prédit :
Lorsqu'un époux mortel fut reçu dans son lit :

Je

pus choisir, dit-on, ou beaucoup d'ans sans gloire,
Ou peu de jours suivis d'une longue mémoire.
Mais puisqu'il faut enfin que j'arrive au tombeau,
Voudrais-je, de la terre inutile fardeau,
Trop avare d'un sang reçu d'une déesse,
Attendre chez mon père une obscure vieillesse ;
Et, toujours de la gloire évitant le sentier,
Ne laisser aucun nom et mourir tout entier ?
Ah! ne nous formons point ces indignes obstacles,
L'honneur parle, il suffit; ce sont là nos oracles.
Les dieux sont de nos jours les maîtres souverains;
Mais, seigneur, notre gloire est dans nos propres mains
Pourquoi nous tourmenter de leurs ordres suprêmes ?

Ne songeons qu'à nous rendre immortels comme eux-mêmes;
Et laissant faire au sort, courons où la valeur

Nous promet un destin aussi grand que le leur.
C'est à Troie, et j'y cours, etc.

Iphigénie, de Racine.

Une vertu parfaite a besoin de prudence
Et doit considérer pour son propre intérêt
Et les temps où l'on vit et les lieux où l'on est :
La grandeur du courage en une ame royale
N'est, sans cette vertu, qu'une vertu brutale.

Nicomède, de Corneille.

Image de la noble fierté et de la grandeur d'ame que conserve un souverain, même après avoir été vaincu par ses ennemis. C'est Mithridate qui parle :

Je suis vaincu: Pompée a saisi l'avantage
D'une nuit qui laissait peu de place au courage.
Mes soldats presque nus, dans l'ombre intimidés;
Les rangs de toutes parts mal pris et mal gardés;
Le désordre partout redoublant les alarmes;

Nous-mêmes contre nous tournant nos propres armes :
Les cris que les rochers renvoyaient plus affreux;
Enfin toute l'horreur d'un combat ténébreux...
Que pouvait la valeur dans ce trouble funeste?
Les uns sont morts, la fuite a sauvé tout le reste,
Et je ne dois la vie, en ce commun effroi,

Qu'au bruit de mon trépas que je laisse après moi...
Ah! pour tenter encor de nouvelles conquêtes,
Quand je ne verrais pas des routes toutes prêtes,
Quand le sort ennemi m'aurait jeté plus bas,

Vaincu, persécuté, sans secours, sans états,
Errant de mers en mers; et moins roi que pirate,
Conservant pour tous biens le nom de Mithridate :
Apprenez (1) que suivi d'un nom si glorieux,
Partout de l'univers j'attacherais les yeux;

Et qu'il n'est point de rois, s'ils sont dignes de l'être,
Qui, sur le trône assis, n'enviassent peut-être
Au-dessus de leur gloire un naufrage élevé,
Que Rome et quarante ans ont à peine achevé.

Mithridate, de Racine.

AMOUR DE LA PATRIE.

Idée de la vertu romaine.

Avant que le combat célèbre des trois Horaces et des trois Curiaces se donnât, un des Curiaces, se voyant obligé de se battre contre un des Horaces qui était son beau-frère, lui adresse ces paroles:

Le triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler :
J'aime ce qu'il me donne et je plains ce qu'il m'ôte;
Et si Rome demande une vertu plus haute,
Je rends grâces aux dieux de n'être pas Romain,
Pour conserver encor quelque chose d'humain.

Mais Horace répond:

Si vous n'êtes Romain, soyez digne de l'être;
Et si vous m'égalez, faites le mieux paraître.
La solide vertu dont je fais vanité

N'admet point de faiblesse avec sa fermeté...
Contre qui que ce soit que mon pays m'emploie,
J'accepte aveuglément cette gloire avec joie.
Celle de recevoir de tels commandemens
Doit étouffer en nous tous autres sentimens.
Qui, près de le servir considère autre chose,
A faire ce qu'il doit lâchement se dispose:
Ce droit saint et sacré rompt tout autre lien.
Rome a choisi mon bras, je n'examine rien :

(1) Il parle à Monime qu'il voulait épouser.

Avec une allégresse aussi pleine et sincère
Que j'épousai la sœur, je combattrai le frère :
Et pour
trancher enfin des discours superflus,
Albe vous a nommé, je ne vous connais plus.

Horace, de Corneille.

Camille, nièce de l'empereur Galba, voulait inspirer à ce prince de nommer Othon pour son successeur, et de le préférer à Pison qu'elle n'aimait point, au lieu qu'elle aimait Othon. Il est bon de remarquer avec quelle dignité le grand Corneille fait parler cette princesse sur une pareille matière, et quelle tournure adroite il prête aux raisons qu'elle allègue pour venir à son but.

Il est d'autres héros (1) dans un si vaste empire,
Il en est qu'après vous on se plairait d'élire,
Et qui sauraient mêler, sans vous faire rougir,
L'art de gagner les cœurs au grand art de régir.
D'une vertu sauvage on craint un dur empire;
Souvent on s'en dégoûte au moment qu'on l'admire ;
Et puisque ce grand choix doit me faire un époux,
Il serait bon qu'il eût quelque chose de doux;
Qu'on vit en sa personne également paraître
Les grâces d'un amant et la fierté d'un maître,
Et qu'il fût aussi propre à donner de l'amour,
Qu'à faire ici sous lui trembler toute sa cour...
Je ne veux point d'un trône où je sois leur captive (2),
Où leur pouvoir m'élève, et, quoi qu'il en arrive,
J'aime mieux un époux qui sache être empereur,
Qu'un époux qui le soit, et souffre un gouverneur.

Othon, de Corneille.

Vorcestre, ministre d'Édouard III, roi d'Angleterre, avait été mis en prison par un effet de la jalousie de ses ennemis. Sa fille parle ainsi en sa faveur à un de ceux qui osaient le calomnier:

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Arrêtez; à ses mœurs votre respect est dû :
La vertu dans les fers est toujours la vertu.

(1) Que Pison.

(2) Des ministres de la cour.

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