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POUR LE POETE

A. LICINIUS ARCHIAS.

VINGT-SIXIEME DISCOURS.

1. S'IL 'IL est en moi, magistrats, quelques dispositions naturelles, et je sens combien elles sont bornées; si j'ai quelque habitude de l'art de parler, auquel je ne désavouerai point m'être assez souvent exercé; enfin, si j'ai puisé dans l'étude des beauxarts, que je confesse avoir aimés toute ma vie, quelques règles et quelques principes propres à diriger l'orateur, personne ne peut, à plus juste titre que Licinius ici présent, me redemander le fruit de tous ces avantages. En effet, quand je reporte les yeux sur le passé, aussi loin que mes regards peuvent atteindre, autant que je puis me retracer le souvenir de ma plus tendre enfance, c'est lui que je vois tout occupé, soit à m'engager dans la carrière que je cours aujourd'hui, soit à y diriger mes pas. Si done ma voix, animée par ses conseils, et formée par ses leçons, fut plus d'une fois salutaire à quelques citoyens, je dois sans doute, autant qu'il est en moi, employer à la conservation de son état et de sa fortune les moyens qu'il ma donnés pour secourir et défendre les autres. Et que l'on ne s'étonne pas de m'entendre tenir ce langage, sous prétexte que les talens d'Archias sont d'un autre genre; qu'il n'a point, comme moi, suivi le barreau, ni fait son étude partidicendi ratio aut disciplina : ne nos quidem huic uni studio penitus umquam dediti fuimus. Etenim omnes artes, quæ ad humanitatem pertinent, habent quoddam commune vinculum, et quasi cognatione quadam inter se continentur.

II. Sed ne cui vestrum mirum esse videatur, me in quæstione legitima, et in judicio publico, cum res agatur apud prætorem populi romani, lectissimum virum, et apud severissimos judices, tanto conventu hominum ac frequentia, hoc uti genere dicendi, quod non modo a consuetudine judiciorum, verum etiam a forensi sermone abhorreat: quæso a vobis, ut 'in hac causa mihi detis hanc veniam, accommodatam huic reo, vobis, quemadmodum spero, non molestam; ut me pro summo poeta atque eruditissimo homine dicentem, hoc concursu hominum litteratissimorum hac vestra humanitate, hoc denique prætore exercente judicium, patiamini de studiis humanitatis ac litterarum paullo loqui liberius : et in ejusmodi persona, quæ, propter otium ac studium, minime in judiciis periculisque tractata est, uti prope novo quodam et inusitato genere dicendi. Quod si mihi a vobis tribui concedique sentiam: perficiam profecto, ut hunc A. Licinium non modo non segregandum, cum sit civis, a numero civium; verum etiam, si non esset, putetis adsciscendum fuisse.

Huic cuncti studio.

:

culière de l'éloquence: moi-même, et peut-être plusieurs d'entre vous, nous ne nous y sommes jamais livrés unique ment et sans partage. En effet, tous les arts libéraux se tiennent, et ont entre eux une sorte d'affinité qui les unit étroi

tement.

II. Et pour qu'aucun de vous ne soit surpris que, dans une affaire de droit civil, et dans une audience publique, ayant à parler devant un préteur si digne du choix du peuple romain, devant des juges si sévères, au milieu d'une assemblée si respectable et si nombreuse, j'emploie un langage, nonseulement extraordinaire dans la plaidoirie, mais même fort éloigné du style des affaires, je vous supplie de m'accorder une liberté que semble autoriser la qualité de mon client, et qui, comme je l'espère, ne vous sera point désagréable; c'est qu'en parlant pour un poëte très-distingué, pour un savant d'une érudition profonde, en présence d'un si grand nombre de personnes lettrées, devant des juges instruits comme vous l'êtes, devant un préteur tel qué celui qui vous préside, je puisse m'étendre, un peu plus qu'il n'est d'usage, sur la littérature et sur les beaux-arts, et que, mettant aujourd'hui sur la scène une profession qui, par sa tranquillité et par la nature de son objet, n'a guère été exposée, jusqu'ici, au tumulte ni aux dangers d'un procès criminel, j'emprunte, pour ainsi dire, un nouveau style et un genre d'éloquence aussi extraordinaire que le sujet même. Si je vois, magistrats, que vous ayez pour moi cette indulgence, je me flatte de vous convaincre qu'A. Licinius, pour qui je parle, non-seulement ne doit pas être exclus du rang de citoyen, puisqu'il en jouit légitimement, mais même qu'il faudrait le lui donner s'il ne l'avait pas encore.

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III. Nam ut primum ex pueris excessit Archias, atque ab iis artibus, quibus ætas puerilis ad humanitatem informari solet, se ad scribendi studium contulit: primum Antiochiæ (nam ibi natus est, loco nobili, celebri quondam urbe et copiosa, atque eruditissimis hominibus liberalissimisque studiis affluenti) celeriter antecellere omnibus ingenii gloria contigit. Post in ceteris Asiæ partibus, cunctæque Græciæ, sic ejus adventus celebrabantur, ut famam ingenii exspectatio hominis, exspectationem ipsius adventus admiratioque superaret. Erat Italia tunc plena græcarum artium ac disciplinarum : studiaque hæc et in Latio vehementius tum colebantur, quam nunc iisdem in oppidis, et hic Romæ, propter tranquillitatem reipublicæ, non negligebantur. Itaque hunc et Tarentini, et Rhegini, et Neapolitani, civitate ceterisque præmiis donarunt: et omnes, qui aliquid de ingeniis poterant judicare, cognitione atque hospitio dignum existimarunt. Hac tanta celebritate famæ cum esset jam absentibus notus, Romam venit, Mario consule et Catulo: nactus est primum consules eos, quorum alter res ad scribendum maximas, alter cum res gestas, tum etiam studium atque aures adhibere posset. Statim Luculli, cum prætextatus etiam tum Archias esset, eum domum suam receperunt. Sed etiam hoc non solum ingenii ac litterarum, verum etiam naturæ atque virtutis, ut domus, quæ hujus adolescentiæ prima fuerit, eadem esset familiarissima III. Archias sortait à peine de l'enfance et des études qui forment communément l'instruction de ce premier âge, qu'il commença à s'essayer dans l'art d'écrire. Il parut d'abord à Antioche, où il est né d'une famille distinguée; Antioche, ville autrefois très-peuplée, très-opulente, remplie d'hommes savans, et où florissait l'étude des sciences et des beaux-arts. Dès-lors il effaça, par ses talens, tout ce qu'il y avait là d'hommes de génie. Bientôt il se fit connaître dans le reste de l'Asie et dans toute la Grèce, au point que, partout où il devait aller, la renommée de son esprit était surpassée par l'idée qu'on se formait d'avance de sa personne, et cette idée, par l'admiration dont on était frappé en le voyant. Les arts et les sciences, nés dans la Grèce, remplissaient alors l'Italie; on les cultivait dans les villes latines bien plus qu'on ne fait aujourd'hui, et la paix dont on jouissait faisait qu'elles n'étaient pas non plus négligées à Rome. Aussi Archias fut-il honoré à Tarente, à Rhège, à Naples, du droit de bourgeoisie et de plusieurs autres distinctions; et toutes les personnes en état d'apprécier les ouvrages de génie, se firent honneur de le connaître et de le recevoir chez eux. Telle était sa réputation lorsqu'il se rendit à Rome: on l'y connaissait déjà sans l'avoir vu; pour son bonheur, il y vint sous le consulat de deux hommes célèbres, Marius et Catulus. Il trouva dans le premier de grandes actions à célébrer, et dans le second, outre des exploits distingués, un homme de goût et capable de l'entendre avec plaisir. A son arrivée, il fut reçu dans la maison * des Lucullus. Il portait encore la robe prétexte; mais telle fut la considération que lui donnèrent ses talens, son savoir, et encore plus son caractère et sa vertu, que cette maison, après avoir été le premier asile de sa jeunesse, est encore aujourd'hui celle où il trouve le plus d'amitié et d'attachement dans sa vieillesse.

senectuti.

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