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particulièrement à repousser l'idée que le ministère eût voulu se soustraire à toute responsabilité, à toute surveillance sur la gestion de la caisse des dépôts et consignations. Il ne dissimulait pas les difficultés et les dangers qui pourraient résulter d'une demande subite, extraordinaire de remboursemens....

« Vous n'avez pas paré à tous ces dangers, disait-il, vous n'avez pas délivré le Trésor de l'obligation qui pèserait sur lui de venir au secours des caisses d'épargne dans un moment de crise..... Le projet de loi, je le reconnais, a cet inconvénient de ne pas apporter un reméde complet à l'état des choses. La raison en est simple: c'est que vous ne pourriez apporter un reméde complet à ces inconvéniens qu'en enlevant aux caisses d'épargne les avantages qui leur ont été donnés il y a deux ans, et que nous voulons maintenir, inconvéniens qui, du reste, avaient été fort exagérés.....

« Maintenant, disait-il en terminant, jugez si les objections sont fondées, s'il est vrai qu'il y ait abnégation de la part du ministre des finances, transport de l'autorité ministérielle dans un établissement indépendant. Jugez si le projel mérite ces graves reproches, ou s'il n'est pas une simple mesure de finances destinée à remédier à un mal réel, qui n'a pas la prétention de prévenir tout danger, mais qui aurait pour effet d'affaiblir les inconvéniens - notables de l'état actuel des choses, sans décourager les caisses d'épargne dont nous sommes les plus zélés défenseurs, et dont nous serons toujours les plus sincères partisans. »

M. Thiers, qui parut ensuite à la tribune, réduisait la question à ces deux points: surabondance de fonds, et possibilité d'une crise si on venait trop subitement demander le remboursement de tous les capitaux des caisses d'épargne; et, sous ces deux rapports, le projet ne résolvait pas pour lui les difficultés.

... Quant à la surabondance des fonds, il observait qu'indépendamment des 54 millions avancés par los receveurs-généraux, le Trésor avait encore 22 millions de bons royaux, et il en concluait que le Trésor avait des besoins, puisque les bons royaux sont des effets à échéance fixe portant intérêt, dont on ne se charge sans doute que par nécessité.... Dans le cas d'une surabondance réelle, on pourrait réduire les avances demandées aux receveurs généraux et l'émission des bons royaux; d'ailleurs on avait dans le courant de l'année des travaux publics annoncés qui feraient renaître la dette flottante. Le plus grand inconvénient, qui était de payer 4 pour 100 d'intérêt, se retrouvait toujours en fin de compte; puisqu'on

envoyait les fonds, sauf à les reprendre sous forme de bons royaux, à la caisse des consignations qui payait le même intérêt, il n'en résultait pour l'Etat aucun bénéfice. On éludait la difficulté, on ne la résolvait pas.

M. Thiers, s'attachant ensuite à démontrer qu'il serait impossible d'éviter une crise, quant aux caisses d'épargne, le jour d'une véritable détresse industrielle, en cas de suspension de travaux dans nos manufactures, le jour où les ouvriers viendraient demander le remboursement de la plus grande partie des fonds déposés, faisait observer que la caisse des dépôts et consignations, à qui l'on confiait leurs fonds, n'aurait pas d'autres moyens de satisfaire aux demandes de remboursement que d'aliéner ses rentes.

«Eh bien, dit M. Thiers, voici le danger qui m'émeut, et qui m'a fait prendre la parole dans l'intérêt du pays et de l'administration du Trésor. J'ai, pour mon compte, assisté, en 1830, à une des crises financières les plus graves que nous ayons traversées, et nous avons été assez heureux pour la traverser sains et saufs. Eh bien! si, à côté du Trésor, il avait existé, à cette époque, une autorité qui aurait pu un jour donner, vendre, un, deux, trois, quatre millions de rentes sans l'autorisation du ministre des finances, indépendamment de son pouvoir, on aurait pu précipiter la crise, et lui donner une gravité immense. Ma seconde et grave objection, c'est que le projet de loi n'évite pas une crise; la crise consisterait dans la possibilité d'une demande subite de remboursemens considérables. Or, cette crise, on ne l'évite pas; on la renvoie à la caisse des dépôts et consignations, on se repose entièrement sur elle du soin d'y faire face; on abandonne le gouvernement d'une partie de la crise à cette caisse, qui n'a pas de responsabilité générale et universelle, comme le ministre des finances, qui n'a qu'une responsabilité isolée, et qui n'aura qu'un mobile, celui de réaliser le plus tôt possible ses rentes et ses bons royaux pour fournir aux demandes de remboursement qui lui seront faites. « Ainsi, Messieurs, je résume en peu de mots toute la question, et je ne crois pas (je m'abuse peut-être) qu'il soit possible de répondre d'une manière, je ne dis pas spécieuse, mais solide, aux objections que voici : vous n'évitez pas la surabondance de fonds, car les fonds dont vous ne voulez pas, vous les renvoyez à la caisse des dépôts et consignations; vous n'évitez pas la perte des intérêts qui consiste à payer 4 pour cent. Quant à une crise possible, si des demandes de remboursement étaient trop subites, vous ne l'évitez pas davantage, car la caisse des consignations sera obligée de vendre ses rentes, et produira sa crise en les vendant, et vous, vous abandonnerez la possibilité d'aggraver la crise à une autorité qui ne relève pas de vous.

« Ainsi, je le répète, on n'a pas répondu aux deux diffièultés : sarabondance de fonds et crise commerciale. >>

Il paraissait difficile de répondre à cette argumentation appuyée de chiffres; mais M. le ministre des finances l'entreprit, et non sans succès. Suivant son adversaire dans la division

de son discours, il démontra que l'encaisse de 50 millions, existant au Trésor, n'était pas disproportionnée à la masse de la dette flottante, laquelle était encore au 1er février de 347 millions. On pouvait, en effet, diminuer de quelques millions les avances des receveurs-généraux et la masse des bons royaux; mais on ne pouvait faire une forte réduction ni sur l'une ni sur l'autre ressource, sans détruire le mécanisme et le principe même de notre système financier, ou du moins de la trésorerie.

Quant à l'objection fondée sur ce que le projet de loi ne faisait que déplacer une dette dont le fardeau retomberait toujours sur l'Etat, le ministre répondait :

« Je trouve que l'argument n'est pas concluant. Nous avons, cela est vrai, 100 millions aux caisses d'épargne, nous en payons 4 pour cent ; nous donnerons en paiement des rentes 4 pour cent; nous continuerons, pour cette somme, de payer un intérêt de 4 pour cent comme par le passé.

« Je ne le nie pas, je ne veux pas méconnaître des faits qui sont clairs comme le jour; mais j'ajoute: lorsque les fonds des caisses d'épargne augmenteront, au lieu de peser sur le Trésor, qui paierait des intérêts sans pouvoir employer les fonds, ils seront placés sur la caisse des dépôts au soulagement du Trésor. Il ne s'agit pas là de remplacer une dette å 4 pour cent par une dette à un autre intérêt, mais simplement de ne pas supporter des intérêts pour des stagnations de fonds inutiles, de ne pas laisser s'accroître une dette sans motif et sans profit.....

« Vous avez proposé, a-t-on ajouté, une loi de travaux publics; vous aurez des dépenses à faire qui seront imputées sur la dette flottante; c'est la marche naturelle des choses. Quand on veut faire des dépenses au-delà des revenus ordinaires, c'est par la dette flottante qu'on commence.

«L'orateur a oublié une considération décisive : c'est qu'à côté des fonds des caisses d'épargne, qui vont chaque jour grossissant, qui augmentent par conséquent la réserve du Trésor, il y a encore un autre élément de la dette flottante qui tend à l'augmenter. Cet élément, c'est la réserve de l'amortissement qui, chaque jour, verse plus de 150,000 fr. au Trésor. Nous ne pouvons refuser aucun de ces deux fonds. Eh bien, Messieurs, on aura là beaucoup plus qu'il ne faudrait pour fournir aux travaux publics. C'est ainsi qu'on a fait en 1833. A cette époque, les travaux publics ont été payés sur la dette flottante; mais les fonds en réserve de l'amortissement sont venus successivement réduire la dette flottante, et payer ainsi les travaux.

Passant à l'hypothèse des crises, le ministre, admettant la distinction faite entre les crises politiques, financières et industrielles, faisait remarquer que celle de 1850 avait été grave sous tous les rapports, et que pourtant les remboursemens demandés à cette époque aux caisses d'épargne n'a

vaient été que de 500,000 fr. Il avait encore, à ce sujet, l'exemple plus récent des mouvemens de Lyon où l'industrie fut arrêtée, mais où les dépôts aux caisses d'épargne, un moment ralentis, n'ont pas même été suspendus.

«Si le Trésor ou la caisse des dépôts était appelée à rembourser tous les fonds des caisses d'épargne ou la plus grande partie de ces fonds, ajoutait M. Duchâtel, ce serait pour le pays un danger immense, dont, grâce à Dieu ! il n'est pas menacé; j'ai plus de confiance dans les élémens de sagesse et d'ordre qui existent dans les classes laborieuses. Mais, enfin, je dis que, dans ce moment-là même, le projet de loi n'aggraverait pas les périls; dans l'état actuel des choses, ce serait le Trésor qui devrait pourvoir au remboursement; d'après le projet, ce serait la caisse des dépôts, sous la garantie du Trésor, mais avec la ressource de valeurs réelles. Elle ne viendrait pas, comme on l'a soutenu, jeter des millions de rentes sur la place, et provoquer les plus sinistres embarras. Messieurs, ces craintes sont purement chimériques. La caisse des dépôts s'entendrait avec le Trésor. »

21 février. Après ces deux discours, la question semblait épuisée; mais l'opposition n'en insista pas moins sur l'inutilité, les inconvéniens et les dangers de la mesure. C'était, selon MM. Dufour et Mauguin, l'établissement d'une véritable banque, d'une maison d'agiotage; à côté du Gouvernement, ils y voyaient un revirement de fonds onéreux à l'Etat pour le présent, de graves embarras pour l'avenir, et, en définitive, une faillite inévitable et la perte des économies du pauvre. Au milieu de ces débats, où MM. Thiers et Duchâtel revinrent à la charge, M. Lacave-Laplagne, regardant la mesure comme temporaire, y présentait un amendement dans ce sens. M. Laffitte proposait de renvoyer la discussion après celle du budget, ce qui n'était pas sans raison, mais ce qui équivalait à l'ajournement de la mesure : mais la patience de la Chambre était épuisée; et, après le résumé du rapporteur de la commission, les art. 1 et 2, qui constituent à peu près toute la loi, furent adoptés à une grande majorité.

22 février. Un amendement, proposé par M. Gouin, à l'art. 3, sur le mode des achats ou des ventes de rentes sur l'Etat, que la caisse des consignations serait dans le cas de faire, arrêta encore quelque temps l'attention de la Chambre. Il y fut stipulé que la caisse ne pourrait acheter ou vendre des

rentes sur l'Etat qu'avec l'autorisation préalable du ministre des finances, avec concurrence et publicité, ce qui répondait à quelques objections de l'opposition. La commission ayant en outre consenti à supprimer un dernier article qui fixait pour le remboursement des fonds demandés des époques plus ou moins prochaines, suivant l'importance de la demande, au moyen de ces modifications, l'ensemble de la loi fut adopté par 228 voix sur 562 votans, à une majorité de 94 voix, plus considérable que le ministère ne l'avait espéré.

Ce projet, porté peu de jours après à la Chambre des pairs, et approuvé par la commission chargée de son examen, y trouva dans la discussion (25 mars) un adversaire (M. le comte d'Argout) dont le caractère et la position, comme gouverneur de la banque, rendaient l'opposition redoutable. D'après des renseignemens qu'il développa sur l'établissement des caisses d'épargne, leur nombre, décuplé depuis cinq ans, s'élevait au 1er janvier 1838 à 222, et leurs capitaux montaient aujourd'hui à plus de 100,000,000, fournis en grande partie par environ 81,000 déposans, dans le seul département de la Seine.

A voir cette progression rapide, M. d'Argout estimait que la France aurait dans deux ans 250,000,000 qu'il lui serait impossible de rembourser... Aussi ne voyait-il que des inconvéniens et des dangers pour les caisses d'épargne à charger de leur service celle des dépôts et consignations, dont l'institution lui semblait dénaturée par le projet.

Il avait été dit dans l'autre Chambre que le projet empêcherait la conversion des rentes. M. d'Argout était d'un avis contraire. Il lui semblait qu'il accélérerait plutôt la conversion, mais qu'il la rendrait plus dure pour les rentiers et moins avantageuse pour le Gouvernement.

En résumé, l'honorable pair, ne regardant la loi proposée que comme transitoire, insistait sur la nécessité d'une loi générale des caisses d'épargne; et, entre les nouvelles conditions qu'il serait convenable d'imposer aux déposans, il vou

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