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CHAPITRE X.

Crédits supplémentaires demandés pour Alger sur l'exercice 1837. — Question des chemins de fer.- Projets adoptés. — Ajournement des grandes lignes. Reprise de la discussion des budgets particuliers des finances, de la guerre, des travaux publics et de l'intérieur. — Vote général des dépenses et des recettes.-CHAMBRE DES PAIRS.- Adoption du budget. - Clôture et résultats de la session.

Plusieurs fois, depuis l'ouverture de la discussion du budget, des membres ou même des ministres l'avaient interrompue, pour demander qu'on mît à l'ordre du jour divers projets d'urgence, d'intérêt général ou particulier, dont la remise après l'adoption du budget équivalait à un ajournement indéfini ; car il n'était pas probable qu'après une session si longue, il resterait assez de députés à Paris pour continuer les délibérations.

De ce nombre étaient le supplément de crédit extraordinaire, demandé dans la séance du 8 mai, pour l'occupation du territoire d'Alger, et les projets déjà rapportés pour l'établissement de plusieurs chemins de fer sur divers points du royaume. La priorité de discussion, vivement disputée, lear avait été assignée après celle du budget de l'instruction publique, en commençant par le crédit d'Alger.

9 juin. Le crédit demandé était de 14,658,227 fr., dont 6,000,000 environ étaient destinés à faire les frais de la nouvelle expédition projetée sur Constantine. Le ministre de la guerre, en faisant cette demande, assurait que le projet du Gouvernement n'était point de conquérir, ni d'enlever aucune portion du territoire à ceux qui l'occupent, pas même l'influence acquise aux chefs arabes. Il ne voulait user du droit

de la guerre, qu'à l'égard de ceux qui continueraient à nous être hostiles.

Mais, malgré ces protestations pacifiques, la commission chargée d'examiner la proposition y faisait des réductions considérables, basées sur la suppression des auxiliaires indigènes et de 2,300 hommes sur l'effectif actuel de l'armée d'Afrique (rapport de M. Piscatory).

M. Estancelin s'éleva contre ces réductions, dont l'effet inévitable lui paraissait être la perte de la colonie et un affront pour l'honneur de nos armes. M. de Sade, dont l'opinion s'était déjà manifestée dans un sens peu favorable à la conservation d'Alger, refusait surtout les 6 millions affectés à la nouvelle expédition de Constantine, non qu'il redoutât un échec pour nos armes, mais parce qu'il ne voyait, ni l'utilité, ni la convenance de cette expédition. Il était temps, selon lui, que les ministres eussent un système arrêté sur l'occupation d'Alger, et de mettre un terme aux progrès de cette plaie dévorante. Dans l'opinion de M. Dugabé, au contraire, la conquête d'Alger avait été d'un immense intérêt pour la France: il était disposé à croire que « les adversaires de la colonisation « n'avaient à reprocher à la conquête que d'avoir été faite « sous un drapeau qui fut long-temps et glorieusement le dra« peau de la France. » (Supposition vivement désavouée par le centre et le côté gauche de la Chambre.) C'est au nom de l'honneur national, au nom de l'intérêt bien entendu du commerce, et pour l'avenir de la France, que l'honorable opinant accordait au ministre le subside qu'il demandait, « et qu'il « accorderait ceux qu'il pourrait demander encore. >>

On en était à ce point de la question, lorsque M le président du Conseil, montant à la tribune, annonça qu'à l'heure qu'il était, M. le général Bugeaud avait traité avec Abd-elKader, d'après les bases qui avaient été d'avance approuvées par le Gouvernement du roi, et conformément aux instructions qui lui avaient été données.

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Toutefois, comme le Gouvernement n'avait pas encore reçu ce traité, lequel avait d'ailleurs besoin de la ratification royale, M. le président du Conseil espérait que la Chambre lui permettrait de ne pas s'expliquer sur les conditions elles-mêmes. Il se bornait à dire que ce traité répondrait complétement aux questions faites plusieurs fois à la tribune sur les limites que le Gouvernement entendait donner à l'occupation.

Nous dirons, au chapitre suivant, les événemens qui avaient amené ce traité et les conditions de cet acte. Cette nouvelle et la déclaration du ministère, reçues avec le plus vif intérêt, ôtaient à la discussion générale l'objet principal qu'elle devait avoir; celle des articles se réduisit à la question des réductions proposées par la commission, d'abord d'une somme de 15,000 fr., affectée à l'entretien du bureau d'Alger, placé auprès du ministère de la guerre, dont l'utilité fut démontrée de manière à faire conserver le crédit; puis d'une somme de 200,000 fr. destinée à augmenter les fonds dont le Gouvernement avait besoin pour traitemens, subventions et indemnités à accorder aux fonctionnaires et agens indigènes, pour des présens aux chefs. Cette destination fut critiquée par le rapporteur, comme pouvant donner lieu à des dépenses abusives; et M. le président du Conseil lui-même n'en défendait que faiblement la définition, en avouant que, dans son opinion personnelle, ces 200,000 fr. auraient été mieux placés à l'article des fonds secrets, portés pour 100,000 fr. Il ne craignait pas même d'avouer que ce qu'il fallait en Afrique, c'étaient des fonds dont l'emploi fût discrétionnaire, comme le meilleur élément de succès que la Chambre pût mettre à la disposition d'un gouvernement probe et éclairé; aussi la Chambre, malgré quelque opposition, a-t-elle maintenu le crédit.!

Restait la réduction de 621,085 fr., demandée sur la solde et l'entretien des troupes en Afrique, à raison de la diminution de 2,500 hommes sur l'effectif de 12,500 que le Gouver nement avait envoyés, dès le mois de janvier, pour la nouvelle expédition projetée sur Constantine.

Il est juste de faire observer avec le rapporteur de la commission qu'elle n'avait pas cru, en proposant cette réduction, devoir prendre aucune responsabilité sur l'expédition projetée, ni obliger le Gouvernement à rappeler immédiatement d'Afrique les 2,500 hommes; elle lui laissait huit mois, cspace durant lequel on supposait que l'expédition de Constantine devrait être accomplie; observations qui n'empêchèrent point la Chambre de voter le crédit demandé par le ministère, sans rien préjuger sur le système de l'occupation, auquel on reviendra encore au budget de la guerre. L'essentiel était maintenant d'assurer au Gouvernement les moyens d'effacer l'impression que des revers fâcheux avaient faite en Afrique et même en Europe. La Chambre l'a compris, et n'a point marchandé sur les moyens de les réparer.

Venait ensuite à l'ordre du jour la question des chemins de fer.

Quoique la France se fût laissé devancer par d'autres nations dans l'établissement des chemins de fer, elle n'était pas restée indifférente à cette grande conquête que le génie de l'homme a faite sur l'espace et le temps. Déjà l'industrie particulière l'avait appliquée à l'exploitation de quelques houillères ou forges. La loi du 27 juin 1833 avait consacré 500,000 fr. à l'étude des communications les plus importantes; et, dès 1855, cinq grandes lignes, partant de Paris et se dirigeant sur Lille, le Havre, Strasbourg, Lyon et Bordeaux, étaient suffisamment étudiées, ou du moins reconnues praticables, pour promettre le réalisation prochaine des bienfaits d'une communication plus rapide. Mais les difficultés d'exécution, l'énormité des dépenses à faire, le système à suivre pour la construction de ces immenses travaux et pour l'administration de ces vastes entreprises, avaient justement arrêté les méditations du Gouvernement. L'ouverture du chemin de Paris à Saint-Germain n'était qu'un magnifique et dispendieux essai dont on ne pouvait rien conclure pour le succès des grandes voies qu'on voulait ouvrir à la circulation,

Deux questions étaient à résoudre avant de les entreprendre :

Est-ce à l'Etat ou à l'intérêt privé que devait être confiée l'exécution de ces travaux ? Est-ce par concession ou par adjudication que les particuliers devaient être appelés à les entreprendre?

Des raisons puissantes et de grands exemples pouvaient être allégués pour ou contre ces opinions. En principe, il semble que, toutes les fois que de grands travaux sont d'une utilité générale; que, quand la société tout entière en doit profiter, c'est à elle, c'est-à-dire à l'Etat, de les faire exécuter. Ce qui est indispensable à la communauté doit s'opérer aux frais de la communauté et se livrer gratuitement à tous ses membres; ainsi était-il reconnu en France que les grandes routes devaient être faites par l'Etat et livrées gratuitement

à tous.

Mais les chemins de fer peuvent-ils être regardés comme des voies indispensables ? N'est-il pas juste que l'industrie particulière soit appelée à contribuer à des améliorations dont elle doit profiter? Cette considération et sans doute aussi la crainte d'engager l'Etat dans des dépenses qu'on pouvait évaluer, pour 4 à 300 lieues de chemin, à plus de 400 millions de fr. pour des entreprises qu'il fallait exécuter à la fois, sous peine d'exciter des jalousies et des mécontentemens dans les provinces qui ne seraient appelées que tardivement à jouir des bénéfices de ces voies nouvelles, avaient décidé le Gouvernement à laisser ces entreprises à l'industrie particulière, à des compagnies, à les donner par voie d'adjudication, avec concurrence et publicité, à titre de concessions temporaires de 30 à 99 années, en les conservant sous sa surveillance, en leur imposant des conditions d'intérêt général. Quant aux grandes lignes dont la construction exigerait des dépenses trop considérables pour tenter les associations privées, le Gouvernement avait pensé qu'on pouvait y faire participer l'Etat, soit par des avances ou des subventions proportionnées

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