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amnistiés pour leur révolte; la Seigneurie payerait au roi cent vingt mille florins en trois termes.

C'est encore un poète qui nous rendra la vive impression d'orgueil patriotique ressentie par les Florentins dans cette crise. Dans ses Decennali, chronique rimée au style lapidaire, - Machiavel tient du Dante, sinon pour l'inspiration souveraine, du moins pour la magistrale concision, pour la vigueur ramassée du

tercet:

1.

Vous avez vu la cité en grand péril

Et des Français la superbe et le faste.

Et il n'y eut pas lieu pour sortir de la serre
D'un tel roi, et n'être pas vassaux,

De montrer peu de cœur ou moins de conseil.

Le fracas des armes et des chevaux

Ne put faire que ne fût point ouïe

La voix d'un chapon entre cent coqs.

Tant que le roi superbe se départit,
Dès lors que la cité était, il le comprit,
Pour maintenir sa liberté, unie1.

Vedeste la cittade in gran periglio;
E de' Franzesi la superbia e 'l fasto.
Nè mestier fu, per uscir dello artiglio

Di un tanto re, e non esser vassalli,
Di mostrar poco côre o men consiglio.

Lo strepito dell' arme e de' cavalli

Non potè far che non fosse sentita
La voce d'un cappon fra cento galli:
Tanto che il re superbo fe partita,
Poscia che la cittate essere intese

Per mantener sua libertate unita.

(Nic. MACHIAVELLI, Decenn. primo, v. 29-39.)

Dans cette revue des mœurs et des idées, les faits matériels ne nous intéressent que par les échos qu'ils réveillent dans les âmes, répétés par les poètes, ces échos, eux aussi, qui multiplient et activent les retentissements et les émotions.

Du nord au midi, du Phare aux Alpes, à l'Apennin, la Muse les répercute.

<< Quelle haine, s'écrie le Napolitain Cariteo, quelle fureur, quelle ire cruelle, quelles planètes malignes, à cette heure, ont divisé vos volontés unies! Quelle cruauté vous meut, âmes italiennes, à livrer le sang latin à des peuples jaloux!... Et toi, sainte immortelle, terre de Saturne, mère des hommes et des dieux, reporte contre les barbares la guerre impie qui t'arme contre toi-même1. »

A l'histoire politique de suivre le jeune vainqueur dans sa triomphante épopée.

Que glaner à cet égard après Commines et Guichardin ?

1.

Qual odio, qual furor, qual ire immane,
Quai pianete maligni,

Han vostre voglie unite hor sì divise?
Qual crudeltà vi muove, o spiriti insigni,
O alme Italiane,

A dare il Latin sangue a genti invise?

Et tu, santa immortal, saturnia terra,
Madre d'uomini et dei,

Nei barbari converti hor l'impia guerra.

CHAPITRE XXIII.

CRISE RELIGIEUSE.

SAVONAROLE.

Cette expédition d'Italie est comme un roman de chevalerie, sorte de geste, renouvelée du Moyen-Age au début d'une période très positive, où s'assit la politique d'équilibre appelée à régler pour longtemps les rapports des peuples européens.

Mais l'histoire intellectuelle est, elle aussi, en ce moment même en face d'un autre roman, d'une utopie en action poursuivie par un moine, au nom d'un principe, qui, pour mystique qu'il soit, ne s'en traduisit pas moins dans une moitié de notre Occident par des résultats effectifs et temporels d'une capitale importance.

Je veux parler de l'idée religieuse étroite représentée en Italie par Savonarole en opposition avec la Renaissance. Si, sous la forme dans laquelle celui-ci la contint, cette idée ne menaçait pas directement l'Église hiérarchique, comme elle le fit avec Luther, elle était pourtant en contradiction réelle avec l'esprit et les tendances de l'autorité cléricale.

L'Europe occidentale touchait à une nouvelle crise théologique.

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Les fameuses thèses de Luther sont proches (1517). L'unité du développement social réalisé entre cette date et, remontant en arrière, l'adoption du christianisme comme la religion officielle de l'Empire, allait être avant peu détruite. La division des Occidentaux en catholiques romains et en réformés dissoudrait la fédération spirituelle, qui, sous le nom de chrétienté, unissait les Germains aux anciennes populations italiennes, celtiques, ibères, agrégées par les conquêtes de Rome païenne à la civilisation gréco-latine.

Cette prétention de retrouver en rétrogradant la pureté doctrinale est la commune illusion des sectes mystiques, politiques ou religieuses, révolutionnaires

par essence, au lieu de l'être par occasion, comme la sagesse l'ordonne pour renverser un obstacle qui retarderait trop le cours d'un progrès normal.

Les protestants et les jacobins, nos pères, tombèrent dans la même erreur, croyant, les uns, revenir à la cité antique, les autres à l'église évangélique. Ils cédèrent, les uns et les autres, à un pareil entraînement, méconnaissant également la loi de croissance sociale.

Quand Saint-Just rêvait pour la France du dixhuitième siècle un code calqué sur les lois de Lycurgue ou de Minos, il ne tentait pas vers le passé une plus utopique rétrogradation que la révolution ou plutôt la réaction luthérienne. Malgré le succès des réformateurs dans une moitié de l'Europe, le christianisme primitif ne fut pas rétabli. Il n'y eut rien de commun entre les

associations communistes des premiers fidèles et les églises protestantes. Le caractère de celles-ci fut la simplification du culte et l'intensité de l'individualisme religieux fondé sur la toute-puissance de la grâce divine s'exerçant sans intermédiaire sacerdotal.

En tant que contenue dans l'Église et parallèle à son développement hiérarchique, cette tendance eut toujours des représentants depuis saint Augustin. Elle s'appellera le Jansénisme au dix-septième siècle.

Deux autres tendances coexistent, répondant chacune à l'un des deux ordres mendiants de saint Dominique et de saint François.

:

Rival de Dominique en théologie, le mystique d'Assise faillit devenir comme un autre Christ. Sa réforme s'étendit au delà des clergés séculier et régulier; car, sous le nom de tiers-ordre, elle leur affiliait des confréries de laïques : fraticelli, bégards, frères du libre esprit.

Cette dernière appellation indique la portée à la fois révolutionnaire et plus qu'hérétique d'une secte qui, dépassant la pensée toujours orthodoxe de saint François, aspirait à se constituer comme une grande communauté démocratique adverse aux hiérarchies artificielles.

En théorie, ce mouvement relevait de l'antique système de l'émanation panthéiste, de l'absorption en Dieu des âmes évoluant de l'essence suprême, opposé à la doctrine de la création et à celle de la perpétuité individuelle des esprits, et soutenu au neuvième siècle par Jean Scot Érigène. Confinant à la libre pensée aver

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