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II. L'Église de Dieu sera flagellée, et, après cette flagellation, elle sera réformée, renouvelée, et elle prospérera;

III. Les infidèles se convertiront au Christ et à sa foi; IV. Toutes ces choses s'accompliront sous peu;

V. L'excommunication prononcée par Notre Saint Père le Pape contre le frère Jérôme est nulle et de nul effet;

VI. Nul ne pèche en ne l'observant pas.

Cette fois, le syllogisme (il y en avait des exemples : sous l'abbé saint Jean Gualbert, à Vallombreuse, un moine était passé par le feu), — le syllogisme fut remplacé par le bûcher. Celui des deux adversaires, franciscain ou dominicain, - qui le traverserait sain et sauf, prouverait ainsi la fausseté ou la vérité des six thèses.

On sait l'aventure. Savonarole avait refusé de subir l'épreuve à lui proposée par le frère Francesco di Puglia, et que le peuple réclamait avec instance; si bien que Jérôme fut remplacé par le père Domenico Buonvicini da Pescia, l'un de ses moines, et Francesco di Puglia par le frère Andrea Rondinelli, religieux convers de l'ordre des Mineurs Observantins. Un orage coupa court fort à propos à ce duel.

On croit rêver quand on se représente l'état mental d'une population, sinon tout entière convaincue de la possibilité du prodige, du moins dans sa majorité assez disposée à l'admettre pour suivre avec curiosité les phases de cette extravagance sérieusement présidée par

les pouvoirs officiels. Cette triste équipée, où la notion du surnaturel, si longtemps prépondérante, était prise en défaut en face d'une société déjà par tant de côtés sceptique, n'annonçait pas seulement le supplice prochain du prophète (23 mai 1498) elle marquait la fin d'un monde d'illusions et de crédulités.

Le génie théologique éprouvait un double échec : dans la doctrine d'abord, puis dans l'autorité morale de ses organes, des moines surtout. Si la foi superstitieuse au dogme subsiste, bien que diminuée, l'insuccès du réformateur, ses faiblesses, succédant à ses hautes prétentions, rejailliront sur le prestige du froc. D'une part, il accroissait la haine ou le mépris du prêtre, qui s'accorde si naturellement avec la croyance vulgaire ; de l'autre, il développait dans l'élite intellectuelle l'esprit de critique et d'émancipation.

Le jeune Machiavel débutait alors même dans la politique, comme secrétaire du chancelier de la Seigneurie, Marcello Virgilio. Il étudiait la crise, jugeait les hommes, d'une humeur déjà très dégagée. On a de lui une curieuse lettre sur ces évènements, adressée à Rome à un prêtre.

« L'autre matin, écrivait-il à ce correspondant inconnu, le Frère commentait l'Exode. Venant au passage où Moïse dit qu'il tua un Égyptien, il assura que l'Égyptien, c'étaient les méchants, et Moïse le prédicateur qui les tuait en dévoilant leurs vices. Il ajouta : 0 Égyptien, je te veux donner un coup de couteau (una coltellata). Il se mit alors à éplucher vos livres, o prêtres, et à vous servir un plat dont les chiens ne voudraient pas (e trattarvi in modo che non ne mangerebbero i cani). Il dit ensuite (c'était

là sa thèse) qu'il voulait donner à l'Égyptien un coup terrible. --Dieu, prétendait-il, lui avait annoncé qu'à Florence quelqu'un cherchait à se faire tyran, qui, pour réussir, avait recours à toutes les pratiques, à tous les moyens : il voulait chasser le frère, excommunier le frère, persécuter le frère. - L'orateur ne s'expliqua pas davantage. Cet homme, il le voyait bien, voulait se faire tyran, et il fallait observer les lois. Il en dit tant que, depuis ce jour, les soupçons se portent sur une personne qui est aussi près de la tyrannie que vous du ciel... »

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Que penser du compliment?... Machiavel l'adresse à un membre du clergé, comme l'expression d'un fait qui n'a plus rien d'offensant. Il continue à juger Jérôme avec la même liberté d'esprit :

« Depuis lors, la Seigneurie a écrit au Pape en faveur du Frate. Voyant donc qu'il n'a plus d'opposants à craindre à Florence, où d'abord il tâchait de rallier ses partisans dans la même haine contre ses adversaires, grâce à la terreur du nom de tyran, s'apercevant de l'inutilité de ces précautions, il vient de changer ses manœuvres. Il les exhorte à poursuivre l'union commencée, et ne parle plus du tyran ni de la scélératesse de ses ennemis. Il cherche à les animer tous contre le Souverain Pontife, à les soulever contre le pape et ses envoyés; il en dit ce que vous auriez cru qu'on ne peut dire du plus grand des scélérats. C'est ainsi, selon moi, qu'il s'accommode aux temps et colore diversement ses mensonges. Pour ce qui tient aux propos du vulgaire, à ses espérances et à ses craintes, je vous le laisse à juger. Vous êtes homme d'expérience, et, d'ailleurs, mieux que moi, vous pouvez vous prononcer sur ces conjonctures, puisque vous connaissez nos humeurs, l'esprit de l'époque, et, vivant à Rome, les dispositions du pontife. Je souhaite seulement, si la lecture de ma lettre ne vous a pas trop importuné, qu'il ne vous soit pas également trop pénible de me marquer vos sentiments

touchant nos affaires, ce que vous pensez des circonstances et de l'état des esprits1. >>

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Quels sont ces prêtres à l'un desquels le penseur indépendant s'ouvre ainsi sur les hommes, les dieux, sur ces livres qu'avec malice il montre épluchés par le frate, et, admirez l'insinuation prudente, sur le pape dont Jérôme se permet de dire «ce qu'on ne pourrait dire que du plus grand des scélérats » ?

C'est à Rome qu'il faut chercher la réponse aux questions posées par cette épître.

1. MACHIAVEL, Correspondance, Lettres familières, lettre II, A un ami. 2. Squadernati.

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Il faut la visiter avant la réaction, qui, par contrecoup du protestantisme, suivit le concile de Trente. Rome dut proportionner sa résistance à l'attaque, qui la forçait à concentrer son dogme et sa discipline. D'où ce réveil de foi chrétienne dans l'Église, qui jeta tant de splendeur au dix-septième siècle. Mais, à la fin du quinzième, dit très bien un éminent critique, il s'était fait en Italie un dix-huitième siècle anticipé que les érudits n'ont pas aperçu, car ils l'on travesti misérablement ».

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Mais Rome se retournait parfois contre ces tendances philosophiques, même avant que la Réforme eût mis tout à fait en éveil sa vigilance. Elle s'arrêta par moments sur la pente où la Renaissance l'entraînait. Ainsi Paul II (1464-1471) supprima l'Académie romaine, fondée par Pomponius Lætus, et qui, autorisée de nouveau,

1. Morgante Maggiore, c. II, st. 7.

2. M. PHILARÈTE CHASLES.

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