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« Je dis avec ceux qui sont avisés que les choses du monde sont guidées par le cours des étoiles et des planètes, et elles n'en sont pas moins fixées par le destin, quand même leurs effets soient encore secrets, et ce qu'elles accomplissent découle de la nécessité. Toutes nos conceptions, toute autre œuvre s'inspirent et proviennent des vertus d'en haut1. »

On le voit bien, Luca, comme son frère Luigi, appartient à la pléiade!

quand il plut au ciel,

« On faisait à Florence, - les noces de Braccio Martello, jeune homme orné d'une telle excellence, que je ne saurais qui lui comparer ; il y eut dans le banquet une telle magnificence, que Jupiter n'en ferait pas un plus beau avec Diane et Pallas et Vesta; et toute la cité s'en festoyait.

>> Progné était revenue tout allègre, bien qu'elle pleurât sa Philomène. Amour préparait ses ceps, liens, jougs et lacs, et toutes ses chaînes; et Pan oyait résonner mille chalumeaux : toute campagne était pleine de fleurs; on voyait Satyres doucement suivre Déesses dans les bois, et Dryades et Napées.

>> Oh! noces saintes, ô joyeuse alliance, où une autre fois que Vénus se contente! Hyménée était déjà en exercice, et Junon tout occupée et attentive pour orner si dignes épousailles. Il paraît que la joie céleste se sent là, avec paix, avec amour, et avec concorde, tant que la Déesse de la Discorde ne peut y jeter le trouble.

>> Il y eut là toutes les Nymphes les plus belles; aussi y vint tout amant, toute dame, entre autres deux gentilles sœurs. L'une a seule toute renommée pour la constance, et l'autre est le soleil parmi les plus brillantes étoiles, celle que le Laurier, son jouvenceau, aime, de toute grâce du ciel seule couronnée, et née du noble sang de Piccarda.

» Vénus fit faire une guirlande de violettes pour cette gra

1. LUCA PULCI, Giostra del Magnifico Lorenzo, st. 3.

cieuse nymphe1, et donna occasion à son amant de la lui demander. Elle répondit avec paroles adroites, et le pria, mais sa prière commande, - qu'il lui promît, s'il voulait l'obtenir, qu'au champ il viendrait bientôt armé en selle, et que pour amour d'elle il la porterait.

>> Et elle la lui mit sur la tête en souriant, avec paroles modestes et si suaves, qu'on croyait voir le Paradis, et entendre Gabriel quand il dit : Ave 2. »

Après la mythologie, la légende chrétienne, comme toujours, reprend ses droits : elle s'encadre,

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pour

ainsi dire, d'un nimbe de mysticité, réminiscence de l'âge antérieur, où l'imitation dantesque apparaîtra directe. Par cet archaïsme, Luca est bien le frère de l'auteur du Morgante.

«Celui-ci qui jamais d'elle ne sera divisé et de son cœur lui a donné la clé, accepta le don si gracieux et digne, signe d'heureux destins et de victoires 3. >>

COSTUI CHE MAI DA LEI NON FIA DIVISO,
E del suo cor gli ha donata la chiave,
Accettò il dono sì grazioso e degno

Di prosper fati e di vittoria segno.

A la quarante-cinquième stance du cinquième chant de l'Enfer, l'Alighieri met dans la bouche de Francesca de Rimini ce vers :

Questi, che mai da me non fia diviso,

1. Il s'agit probablement de Lucrezia Donati, célébrée par Laurent dans ses sonnets, et par Politien dans sa Giostra di Giuliano.

2. Stances 4-9.

3. Stance 9.

presque identique à celui du Pulci :

Costui che mai da lei non fia diviso.

E si dolea, ma con parole oneste,

Poi cominciò a tentar nuove arti e ingegni,
Ed or cavalli, or fantasie, or veste
Mutar, nuovi pensier, divise e segni,
Ed or far balli, ed or notturne feste;

E che cosa è che questo Amor no insegni1?

Credo che ancora sul bel fiume d'Arno

Rimbomba il suon tra le fresche onde e rive
De' dolci versi, che d'Amor cantarno

Le Ninfe spesso alle dolci ombre estive2.

Quelle musique de vers ! Je ne sais pourquoi ce char-mant poème de Luca Pulci est resté dans l'ombre, à côté de celui de Politien: La Giostra di Giuliano fratello di Lorenzo il Magnifico.

Ce dernier ouvrage est bien conçu : nous le mentionnons seulement, nous attachant à mettre en lumière les stances de Luca trop dédaignées par les historiens critiques 3. A demi naïves, tenant du poème classique et de la chronique rimée, elles représentent le moment de la Renaissance qu'on voudrait peindre ici, la transition

1. « Et il se lamentait, mais avec paroles honnêtes, puis commença à tenter nouveaux arts et inventions, et tantôt chevaux, tantôt fantaisies, tantôt habits changer, nouveaux pensers, devises et signes, et tantôt à mener bals, et tantôt nocturnes fêtes. Quelle chose est que cet Amour n'enseigne?» (Giostra di Lorenzo, st. 17.)

2. Stance 19.

3. Voy. entre autres RoscoE, Vie de Laurent de Médicis, t. I, chap. 11, p. 117, trad. Thurot, Paris, an VII.

sous le rapport littéraire entre le Moyen-Age et le monde moderne.

La guerre avec Bartolomeo Coglione de Bergame venait de se terminer à l'avantage de la République.

<< Chacun fut content de jouter dans son antique lice. On était dans l'année mil quatre cent soixante-huit de l'Incarnation, la joute fut ordonnée pour le milieu de janvier, mais elle eut lieu le septième jour de février1. »

A une époque très postérieure, Machiavel n'a pas dédaigné le genre de la chronique rimée, dont les formes détonnent un peu parmi les descriptions lyriques de Luca. Les Decennali de l'homme d'État florentin, qui fut parfois un poète, ne sont pas autre chose qu'une gazette en vers relatant des événements contemporains.

Pulci tient à enregistrer exactement les faits et les dates; mais le greffier en lui n'exclut pas le poète : ils se suivent sans trop de façons.

« Or, quelle sera si haute et digne Muse, ou la lyre harmonieuse d'Orphée, ou Marsias qui encore se plaint, se lamente et

1.

Ma poichè in tutto fu l'orgoglio spento
Del furor Bergamasco, al fer Leone
Venne la palma, e ciascun fu contento
Di far la giostra nel suo antico agone.
L'anno correa nel mille quattrocento
E sessantotto della incarnazione,
Ed ordinossi per mezzo gennaio,
Ma il settimo dì fessi di febbraio.
(St. 21.)

s'excuse, ou Amphion, Aracinte, Attys, qui ne paraîtra pas rauque et tout épuisée ? O Mélibée, les pipeaux ne valent rien ici, pour raconter si grande et si belle joute, et même toute gloire de notre cité.

» Grande fête certes en fit la cité, tant que jamais ne la vis plus allègre; on ne se rappelle plus les guerres passées, qui ressemblèrent au combat de Phlégra, comme autrefois en vers je l'ai compilé. »

Come altra volta in versi ho compilate1.

Le greffier reparaît un moment!

C'est un concours universel: comtes, rois, seigneurs, ducs et marquis; casques, cuirasses, harnais, écus, lances, selles, sortent des retraites cachées; on fourbit les armes rouillées... et tout cela pour « le Jouvenceau que chacun honore et aime » 2... Et l'on crie : « Qui est celui qui joute pour la Sainte Croix ? »

<< Et tout le peuple courait voir, et ils donnaient tous de leur valeur des preuves admirables. Jamais à Florence il n'y eut semblable plaisir. Et dans le ciel Mars s'en réjouissait avec Jupiter. Et ce n'est merveille, à mon avis, qu'un chacun se repaisse de choses nouvelles. Et, si alors Clarisse eût été là, jamais ma cité n'aurait été si heureuse3. »

E se ci fosse stata allor Clarice,
Non fu la mia città mai sì felice.

Politesse un peu contrainte à Clarice Orsini, l'épouse très effacée du Magnifique! Ce compliment s'accorde

1. Stances 22 et 23.

2. Voy. st. suiv.

3. Stances 25 et 26.

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