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Ils se soumettent à ses ordres, subissent ses hauteurs et ses mépris, se taisent dès qu'il leur commande le silence. Il semblait moins, dit Plutarque, qu'il fut leur captif que leur maître. Ces hommes grossiers craignaient de troubler son sommeil; ils écoutaient la lecture de ses écrits; et lui, quand ils n'applaudissaient pas aux bons endroits, il les traitait d'hommes stupides. « Je vous ferai pendre,» leur disait-il. Se croyant plus puissans que lui, ils riaient de ses menaces. Sorti de leurs mains, et devenu possesseur de quelques vaisseaux, il les poursuivit, les atteignit, et leur tint parole.

Le voici dans Rome, d'où il est bientôt forcé de s'exiler précipitamment pour prévenir les suites d'une accusation scandaleuse, par lui intentée contre un père de la patrie. Il part pour Rhodes, où il séjourne quelque temps; il s'y livre à l'étude de la rhétorique, sous Apollonius, fils de Molon, dont Cicéron avait suivi l'école; enfin, il reparaît à Rome. Remis en grâce auprès du sénat et du peuple, il se fait nommer tribun des soldats, puis questeur. C'est alors qu'il fit ses premières preuves dans la carrière de l'éloquence. Il prononça l'oraison funèbre de sa tante Julie, femme de Marius, et de Cornédie, fille de Cinna, sa seconde femme, qu'il perdait à la fleur de son âge. Dans son premier discours, cédant à un mouvement de vaine gloire, il se plaît à faire connaître ses ancêtres qu'il fait descendre du roi AncusMarcius et de Vénus, mère d'Énée. « Ainsi, disait-il, on trouve dans ma famille la sainteté des rois qui sont les maîtres du monde, et la majesté des dieux qui sont les maîtres des rois. >>

Toutefois, de nouveaux projets d'ambition firent place aux regrets, peut-être sincères, qu'il éprouva de la perte de Cornélie. Pompée était devenu l'idole du sénat : César comprit tout l'avantage d'une alliance avec ce grand homme. D'accord avec Cicéron, il fit donner à Pompée le commandement général des armées. Pompée, pour n'être point en reste, accorda sa fille Pompeïa à César qui espérait beaucoup de ce mariage.

C'est vers ce temps qu'il prit l'administration de l'Espagne ultérieure. Une particularité caractéristique se rattache à cette gestion. Des Romains le surprirent un jour dans un temple d'Hercule, contemplant, avec un sentiment d'extase et les yeux mouillés de larmes, une belle statue d'Alexandre-le-Grand. «Se peut-il que je n'aie rien fait encore de mémorable, s'écriait-il, dans un âge où le héros de la Macédoine avait déjà soumis une partie du monde ! »

Nous le voyons, un peu plus tard, arriver au consulat. Dans cette place, il jeta les fondemens de sa future grandeur. Voulant se rendre agréable au peuple, il se livra à des dépenses qui n'avaient aucune borne. D'où venaient ces trésors inépuisables? où étaient ses ressources? Ses richesses semblaient s'accroître en proportion de ses dépenses. Dans son édilité avec Bibulus, où il cut l'adresse de s'approprier ce qui avait été fait de bien en commun par les deux collègues, il embellit de monumens Rome et les provinces, fit creuser un vaste cirque pour un spectacle de gladiateurs, et le peupla si abondamment, que l'on prit l'alarme à Rome de ce nombre prodigieux d'athlètes qu'il y avait introduits. On disait

qu'il en aurait pu faire une armée. Le peuple applau- dissait à ces prodigalités : les grands, au contraire, les vieux partisans de Sylla, frémirent et cabalèrent contre lui. « Ce n'était plus sourdement et timidement, disaientils, que César minait la république; il l'attaquait le front levé, avec audace. » Pour lui, il ne cachait plus son mépris pour eux. Il les bravait, il les humiliait, en remettant en honneur les trophées de Marius qu'ils avaient proscrits, et faisant arborer, dans le Capitole, les dépouilles des Cimbres et des Teutons. Il réussit, malgré leurs brigues, à se faire nommer grand pontife, en remplacement de Metellus. Sans prendre parti ouvertement pour Catilina et ses complices, il contraria encore le sénat en opinant pour des mesures de clémence. L'exaltation des esprits, poussés par Caton, fut telle, dans cette cause, que des épées furent tirées contre César. Il contempla ce mouvement sans pâlir; et, protégé par quelques hommes sages', il sortit du sénat en congédiant ses licteurs, en se dépouillant des insignes de ses dignités, et il se retira tranquillement dans une de ses maisons.

Il est rare qu'une attaque intempestive de notre part ne prépare pas le triomphe de notre ennemi. La passion, même bien intentionnée, ressemble à l'injustice. Le peuple ne vit plus en César qu'un grand citoyen opprimé par des consulaires : il vint lui offrir son secours. L'adroit César se donna le mérite de la modération, en

Et par Cicéron, dont la prudence craignait de pousser à bout cet esprit audacieux et entreprenant.

le refusant. Le sénat y fut pris; soit par crainte, soit par un retour vers l'équité, il adressa une députation à César, pour le presser de reprendre son rang parmi les pères de la patrie. César, avec les dehors d'une bienveillance toute patriotique, céda à leurs prières. Bientôt accusé tardivement d'avoir favorisé les desseins parricides de Catilina, qui avait cessé de vivre, il se défend encore contre Vettius et le questeur Novius qui l'ont étourdiment dénoncé, sans preuve; et cette attaque nouvelle lui prépare un nouveau triomphe. D'autres ovations se succèdent, elles sont le prix, du moins, des plus grandes actions militaires; et l'illustration dont brille déjà le pacificateur de l'Espagne, et dont va briller le vainqueur des Gaules, n'est, pour ainsi dire, qu'un reflet de l'illustration de la patrie.

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César, Pompée et Grassus avaient formé entre eux ce premier triumvirat si funeste à la république. L'audace, sûre de l'impunité, envahissait la capitale et les provinces; mais, dans ces trois parts du pouvoir, la plus forte était celle de César. Il dédommageait Crassus et Pompée de leurs sacrifices, l'un par des trésors, l'autre par des déférences. Appuyé par Pompée, son gendre, et par Pison, son beau-père, il demanda et obtint le gouvernement des Gaules 1. Neuf années lui suffirent pour dompter ces peuples que l'on croyait indomptables; en

Pour assurer le succès de sa demande, il avait fait désigner Pison consul, pour l'année. Cicéron et Caton s'étaient déclarés, mais vainement, contre lui, l'un par des attaques brusques et di- · rectes, l'autre par de malignes insinuations et des sarcasmes. César l'emporta.

neuf années, il avait emporté d'assaut plus de huit cents villes, subjugué trois cents peuples, affronté sur les champs de bataille l'effort de trois millions d'hommes armés, et fait douze cent mille prisonniers de guerre.

Durant ce laps de temps, les liens qui l'avaient uni à Pompée et à Crassus s'étaient relâchés : les nœuds de l'ambition se rompent dès que l'intérêt qui les formait a cessé. Pompée, pour se déclarer contre César, n'attendait qu'une occasion ou qu'un prétexte. Une place de consul devenue vacante offrit l'occasion; le respect des lois et l'intérêt de l'état fournirent le prétexte. César, encore retenu dans les Gaules, écrivit au sénat, pour lui demander une place de consul, en remplacement du consul décédé; il priait qu'on la lui conservât pour l'époque où expirerait son commandement; et ne négligeant pas plus cette fois que les autres les moyens de succès, il ordonne à ses amis de reprendre le cours de ses libéralités. Fidèles à remplir ses vues, ceux-ci les portent jusqu'à la profusion. Il s'attache ses innombrables débiteurs, en leur remettant leurs dettes; par de magnifiques présens, il gagne les rois et les provinces. Cependant on s'alarme à Rome. Le consul Marcellus, interprète du mécontentement des patriciens, parle au nom du salut de la patrie; et, en vertu du plébiscite qui exclut du consulat les citoyens absens de Rome, il demande que les prétentions de César soient rejetées; il veut même qu'il abandonne son armée, qu'il rentre à Rome sans condition...... Ces mesures hostiles décident César. Il obtempère à ce rappel. Rome va le revoir, mais non pas soumis et désarmé. Il gravit les Alpes, suivi de

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