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tions de mon âme, je pouvais attacher chacune de ces couleurs auquel je voudrais ; car alors, bien loin que ces couleurs me servissent à les distinguer, elles ne me serviraient plus qu'à les confondre. C'est pourquoi Dieu n'a pas voulu que cela dépendit de ma liberté, et j'en suis convaincu par l'expérience; car je ne pourrais pas, quand je le voudrais, attacher la couleur blanche au marbre qui m'a paru noir, ni la noire à celui qui m'a paru blanc ou jaspé. Cela n'est nullement à mon choix; mais je ne saurais m'empêcher d'attacher le blanc et de l'appliquer, pour ainsi dire, au marbre qui a frappé les organes de ma vue de la manière qui, par la loi que Dieu s'est prescrite à lui-même, a dû être cause que mon âme eût la sensation de la blancheur.

On est assuré que l'auteur de la Recherche de la Vérité ne contestera rien de tout cela. Il faut donc qu'il ait renoncé à tout ce qu'il sait le mieux, lorsque, dans la nécessité de défendre à quelque prix que ce soit sa nouvelle philosophie des idées, il s'est trouvé réduit à attribuer à notre âme cette puissance imaginaire d'attacher la sensation du vert, du rouge, du bleu, ou de quelque autre couleur que ce soit, à une partie quelconque de l'étendue intelligible, qu'il ne peut pas seulement feindre avoir causé quelque mouvement dans l'organe de notre vue.

La manière dont nous avons la perception des corps, selon leur grandeur et leur figure, ne répugne pas moins à la prétention qu'il a, que pour avoir cette perception je sois obligé d'en aller chercher les idées dans l'étendue intelligible infinie. Car au regard des corps singuliers, cette perception a encore une dépendance nécessaire avec ce qui se passe dans les organes de nos sens, n'y ayant personne qui ne sache qu'ordinairement notre âme aperçoit les corps plus grands ou plus petits, selon que les images qui en sont peintes dans le fond de notre œil, sont plus grandes ou plus petites. Ce n'est pas que ces images causent nos perceptions; mais c'est que, selon l'institution de l'auteur de la nature,

elles ne manquent point de se former dans notre esprit quand les objets frappent nos sens et selon qu'ils les frappent, soit que ce soit Dieu qui les cause en nous, aussi bien que celles des qualités sensibles, ou qu'il ait donné à notre âme la faculté de les produire en soi-même, ce qui regarde une question toute différente de celle que l'on traite ici. Or, cela étant, comme on n'en peut pas douter, n'est-il pas évident que c'est une pure vision contraire à cette institution de la nature que de ne s'en pas tenir là, mais de vouloir que notre esprit ne puisse avoir ces perceptions qu'en s'appliquant à une étendue intelligible infinie, dans laquelle on le fait aller chercher les idées de toutes les figures des corps que nous croyons voir, et que nous ne voyons point, selon cette nouvelle philosophie des idés?

Quant aux figures abstraites, qui sont l'objet de la géométrie, on sait assez que celles qui sont un peu composées, et surtout les curvilignes, ne se connaissent point ordinairement par une simple vue, mais qu'il y faut employer la considération des mouvements nécessaires pour les tracer, et qu'il faut souvent une longue suite de raisonnements pour en connaître les principales propriétés; sans quoi on ne peut pas dire, surtout selon cet auteur, qu'on en ait une idée claire. Or, qu'a tout cela de commun avec cette prétendue manière d'en avoir l'idée en l'allant chercher dans une étendue intelligible infinie, où elle ne se trouve point si on ne l'y met?

Mais ce qu'a trouvé cet auteur pour accorder sa doctrinę sur ce point des idées avec son autre doctrine, que Dieu agit comme cause universelle, dont les volontés générales doivent être déterminées à chaque effet par ces causes qu'il appelle occasionnelles, est encore plus contraire à l'expérience; car la cause occasionnelle, qu'il a cru déterminer Dieu à nous donner chaque idée en particulier, est le désir que nous en avons; c'est ce qu'il enseigne dans le deuxième Éclaircissement, page 488. « Il ne faut pas, dit-il, s'imaginer que

<< la volonté commande à l'entendement d'une autre manière « que par ses désirs et ses mouvements; car la volonté n'a << point d'autre action. Et il ne faut pas croire non plus que l'en<< tendement obéisse à la volonté, en produisant en lui-même « les idées des choses que l'âme désire; car l'entendement << n'agit point: il ne fait que recevoir la lumière ou les idées << de ces choses par l'union nécessaire qu'il a avec celui qui <«< renferme tous les êtres d'une manière intelligible, ainsi << qu'on l'a expliqué dans le troisième livre. Voici donc tout «<le mystère: l'homme participe à la souveraine raison, et la «< vérité se découvre à lui à proportion qu'il s'applique à << elle et qu'il la prie. Or le désir de l'âme est une prière na« turelle, qui est toujours exaucée; car c'est une loi naturelle << que les idées soient d'autant plus présentes à l'esprit, que « la volonté les désire avec plus d'ardeur. »

Cela serait beau s'il était vrai. Mais l'expérience y est si contraire, que je ne puis comprendre comment on se hasarde d'avancer de telles choses sans s'être auparavant consulté soi-même; si on l'avait fait, on n'aurait pas manqué de reconnaître qu'il y a bien des objets qui nous déplaisent et que nous voudrions bien ne pas voir; dont les idées ne laissent pas d'être fort présentes à notre esprit, et que nous souffrons avec peine des représentations fâcheuses que nous souhaiterions fort de ne point voir, bien loin de les désirer.

Mais il est encore bien plus manifeste qu'au regard des essences des choses, de l'étendue et des nombres, à quoi il restreint quelquefois ce que nous voyons en Dieu, on ne peut dire avec vérité que « ce soit une loi naturelle que les idées soient d'autant plus présentes à l'esprit que la volonté les désire avec plus d'ardeur. » Je ne sais que confusément ce que c'est qu'une parabole; j'ai beau désirer d'en avoir une idée plus claire et plus distincte qui m'en puisse faire connaître les propriétés, je suis assuré que si je ne fais que le désirer, avec quelque ardeur que je le désire, je n'éprouverai point ce qu'on me dit avec tant de confiance, « que le

désir de l'âme qui souhaite d'avoir l'idée d'un objet, est une prière naturelle qui ne manque jamais d'ètre exaucée, et que l'expérience nous apprend que l'idée de ce que nous avons envie de connaître est d'autant plus présente et plus claire, que notre désir est plus fort; » car, tant s'en faut que l'expérience m'apprenne cela qu'elle m'apprend certainement tout le contraire."

Il en est de même des nombres, car j'aurais beau désirer des années entières, et avec toute l'ardeur possible de savoir le nombre de la Période Julienne, dont j'ai parlé dans l'article précédent qui a pour ses trois caractères, cinq, six et sept; on supposera tant qu'on voudra, que Dieu est l'auteur de nos idées, il est certain que je me trouverai trompé, si je m'attends que l'envie que j'en ai sera la cause occasionnelle qui déterminera Dieu à me rendre présente à mon esprit l'idée de ce nombre; mais, si je me sers pour le trouver de la méthode dont il est parlé dans un des Journaux des savants, je ne me souviens pas de quelle année, soit qu'on ait peu d'envie de le savoir, ou qu'on en ait une fort grande, ce sera la recherche qu'on en fera par cette méthode, que l'on pourra appeler une prière naturelle, qui ne manquera point d'être exaucée. Cependant on assure que le désir est celle prière, qui ne manque point d'étre exaucée; car, outre ce que j'ai déjà rapporté, on dit un peu plus bas: « Nous ne souhai« tons jamais de penser à quelque objet, que l'idée de cet objet ne nous soit aussitôt présente, et comme l'expérience <«< nous l'apprend, cette idée est d'autant plus présente et « plus claire, que notre désir est plus fort..... Ainsi, quand « j'ai dit, que la volonté commande à l'entendement de lui << présenter quelque objet particulier, j'ai prétendu seule<«<ment dire, que l'âme qui veut considérer avec attention «< cet objet, s'en approche par son désir, parce que ce désir, «< en conséquence des volontés efficaces de Dieu, qui sont «<les lois inviolables de la nature, est la cause de la présence « et de la clarté de l'idée qui représente cet objet. Je n'avais

<< garde de parler d'une autre façon, ni de m'expliquer comme << je fais présentement; car je n'avais pas encore prouvé que « Dieu seul est l'auteur de nos idées, et que nos volontés << particulières en sont les causes occasionnelles. >>

Il est assez difficile que deux personnes conviennent, quand l'une et l'autre se fondent sur des expériences contraires. Je m'imagine néanmoins qu'il ne sera pas difficile de juger laquelle de nos deux expériences sera plus conforme à celles des autres hommes; et je viens de plus de trouver un passage de notre ami, que je ne vois pas comment il pourra accorder avec cette maxime des Éclaircissements: « Nous ne << souhaitons jamais de penser à quelque objet, que l'idée de « cet objet ne nous soit aussitôt présente ; » car je ne sais si l'on peut former une proposition plus directement contraire à celle-là, que celle-ci de la page 245. « Il est absolument « faux, dans l'état où nous sommes, que les idées des <«< choses soient présentes à notre esprit toutes les fois que << nous les voulons considérer. »

CHAPITRE XVII.

Autre variation de cet auteur, qui dit tantôt qu'on voit Dieu en voyant les créatures en Dicu, et tantôt qu'on ne le voit point, mais seulement les créatures.

Une autre variation de cet auteur que j'ai touchée en passant, mais que je n'ai pas assez fait considérer, est qu'il dit tantôt que l'on voit Dieu en voyant en lui les choses matérielles, et tantôt qu'on ne le voit pas, mais seulement les choses matérielles.

Il dit qu'on le voit en la page 20, et il prétend même que Dieu n'a pu faire autrement, par ce raisonnement étrange, qu'il appelle une démonstration: « La dernière preuve, dit« il, qui sera peut-être une démonstration pour ceux qui sont

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