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tend qu'on a pu dire qu'on n'avait point d'idée d'une chose, quand on n'en avait point une idée de cette sorte, c'est-àdire, une idée claire, quoiqu'on en eût quelque idée et quelque notion.

Et on applique cela à ce qu'on a dit si souvent touchant l'âme « qu'on ne la voit point par idée, et qu'on n'en a point d'idée. »

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« Je dis ici que nous n'avons point d'idée de nos mys«tères, comme j'ai dit ailleurs que nous n'avons point d'idée <«< de notre âme; parce que l'idée que nous avons de notre << âme n'est point claire, non plus que celle de nos mystères. << Ainsi, ce mot idée est équivoque. Je l'ai pris quelquefois « pour tout ce qui représente à l'esprit quelque objet, soit <«< clairement, soit confusément. Je l'ai pris même encore << plus généralement pour tout ce qui est l'objet immédiat « de l'esprit; mais je l'ai pris aussi pour ce qui représente <«<les choses à l'esprit d'une manière si claire, qu'on peut «< découvrir d'une simple vue, si telles ou telles modifica<«<tions leur appartiennent; c'est pour cela que j'ai dit quel« quefois qu'on avait une idée de l'âme, et quelquefois je « l'ai nié. Il est difficile, et quelquefois ennuyeux et désa«gréable, de garder dans ses expressions une exactitude <«< trop rigoureuse. Quand un auteur ne se contredit que << dans l'esprit de ceux qui le critiquent et qui souhaitent << qu'il se contredise, il ne doit pas s'en mettre fort en peine; <«< et s'il voulait satisfaire, par des explications ennuyeuses, << à tout ce que la malice ou l'ignorance de quelques personnes « pourrait lui opposer, il ferait un fort méchant livre. »

Je commencerai par examiner cette réflexion de l'auteur; que si on voulait garder dans ses expressions une exactitude trop rigoureuse, en évitant les équivoques qui font paraître qu'on se contredit, on serait en danger de faire de méchants livres. C'est de quoi je ne saurais demeurer d'accord au regard des livres de science; car, comme on n'écrit que pour se faire entendre, on ne saurait éviter avec trop de soin ce

qui peut empêcher qu'on ne comprenne bien notre pensée; et rien ne peut tant l'empêcher que quand nous prenons des mots essentiels et importants et qui marquent ce que nous avons entrepris d'éclaircir en particulier, en des sens si différents et qui forment dans l'esprit des notions si opposées, qu'il se trouve que sans avoir averti le monde de ces équivoques, nous disons le oui et le non de la même chose. N'estce pas la première règle, pour bien traiter une science, d'en définir les principaux termes, afin d'en fixer la notion à un seul et unique sens, pour peu qu'il y ait sujet d'appréhender qu'on ne les prenne en différentes manières.

Que si on doit avoir ce soin pour empêcher que le lecteur ne se brouille et prenne mal la pensée de l'auteur, combien plus l'auteur même doit-il éviter qu'il ne se brouille luimême dans ses pensées, et qu'il ne tombe dans des contradictions apparentes pour n'être pas constant à ne donner aux termes capitaux de ce qu'il traite que la même signification, ou au moins de ne leur en faire changer qu'après en avoir averti le monde. Que dirions-nous, par exemple, d'un géomètre qui dirait tantôt que la diagonale d'un carré est incommensurable au côté, et, en d'autres endroits, qu'elle peut être commensurable au côté? et qui répondrait, pour se sauver de cette contradiction, qu'il a pris le mot de carré dans le premier endroit pour un rectangle de quatre côtés égaux, et, dans l'autre, pour un quadrilatère de quatre côtés égaux qui ne seraient pas à angles droits? Trouverait-on cette explication fort raisonnable dans un livre dogmatique, et approuverait-on qu'il prît à partie ceux qui se plaindraient de son peu d'exactitude, comme des critiques injustes dont on ne devrait pas se mettre en peine, parce qu'on ne pourrait faire que de méchants livres si on les voulait contenter?

Je me trouve d'autant plus obligé de faire cette observation, que ce n'est pas seulement l'ambiguïté du mot d'idée qui fait beaucoup de brouillerie dans le premier ouvrage de cet auteur, mais que c'est un défaut répandu dans son Traité

de la Nature et de la Grâce, ou de semblables mots, qui se prennent en différents sens, semblent donner lieu à de grands mystères, qui disparaîtront aussitôt qu'on en aura démélé les équivoques.

Néanmoins, ce n'est pas à quoi je trouve ici le plus à redire. Je lui pardonnerais qu'il ait pris le mot d'idée, dans ́son livre de la Recherche de la Vérité, dans des sens très-différents, pourvu au moins que dans les Avertissements qu'il y a joints à la quatrième édition, il eût pris soin de les bien marquer, et d'en donner des notions bien distinctes. Mais, bien loin de cela, il n'y fait que brouiller de nouveau la signification de ce mot; et ce qu'il en dit ne s'accorde point avec ce qu'il avait dit dans son troisième livre, où il traite à fond cette matière; car, toute la différence qu'il met, dans ce troisième Avertissement, page 489, entre les idées, est la clarté et l'obscurité, ne donnant point d'autre solution à la contradiction qu'on lui avait objectée, sinon que quand il avait dit que nous n'avions point d'idée de notre âme, il avait parlé ainsi parce que nous ne la voyons point par ces idées claires qui produisent la lumière et l'évidence; et par lesquelles on a la compréhension de l'objet, pour parler ainsi, et que, quand il a dit qu'on avait une idée de l'âme, il a pris ce mot plus généralement pour toute sorte d'idée claire ou obscure.

Mais cette explication est très-défectueuse, et ne fait point bien entendre son sentiment des idées; car le mot d'idée ne serait point équivoque, mais seulement générique, s'il ne signifiait que des idées d'une même nature, dont les unes seraient obscures et les autres claires, et ce serait alors trèsmal parler de nier le mot d'idée d'une des espèces, quoique la moins noble. C'est comme qui dirait qu'un trapèze n'est pas un quadrilatère, parce qu'il en est l'espèce la plus imparfaite, et qu'un cheval n'est pas un animal, parce qu'il n'est pas un animal raisonnable. Il est vrai aussi qu'il n'est pas tombé dans cette faute, et qu'il pouvait se mieux défen

dre de la contradiction qu'on lui reprochait qu'il n'a fait dans cet Avertissement; car il pouvait et devait dire: Le mot d'idée est équivoque, parce qu'il signifie deux choses très-différentes, et qui n'ont point proprement de notion commune; et, selon que je l'ai pris en une ou en l'autre de ces deux manières, j'ai pu dire quelquefois que nous avons une idée de l'âme, et d'autres fois que nous n'en avons point. J'ai pris, dans le premier chapitre de mon premier livre, l'idée d'un objet pour la perception d'un objet, et, en prenant le mot d'idée en ce sens, j'ai dû dire que nous avons une idée de notre âme, puisque nous ne la pourrions connaître, comme nous faisons, si nous n'en avions la perception. Mais, dans la deuxième partie du troisième livre, j'ai pris le mot d'idée pour un être représentatif des objets, distingué des perceptions, lequel j'ai fait voir ne se pouvoir trouver qu'en Dieu; et c'est en prenant le mot d'idée en ce sens, que j'ai dit en plusieurs endroits que nous n'avions point d'idée de notre âme, parce que mon sentiment est que nous ne la voyons point en Dieu comme nous y voyons les choses matérielles, mais que nous la voyons seulement par conscience et par sentiment intérieur; et ce qui me fait croire que nous ne la voyons point en Dieu, est que ce que l'on voit en Dieu, comme l'étendue, se voit bien plus clairement et plus parfaitement que nous ne voyons notre âme.

Cette solution aurait été bien plus raisonnable et plus conforme à sa doctrine des idées, que ce qu'il dit d'une manière fort confuse dans ce troisième Avertissement. Mais de quelque manière que l'on s'y prenne pour accorder cette contradiction apparente, cela ne laissera pas d'être embarrassé de difficultés insurmontables, comme nous l'allons faire voir dans les chapitres suivants.

WILDCOUR MATUURKUNDE

CHAPITRE XXII.

Que s'il était vrai que nous vissions les choses matérielles par des êtrès représentatifs (ce qui est la même chose à cet auteur qué de les voir. en Dieu), il n'aurait eu nulle raison de prétendre que nous ne voyons pas notre âme en cette manière.

On peut bien croire que prétendant avoir démontré l'inutilité de ces étres représentatifs distingués des perceptions et des objets, et le peu de raison qu'on a eu de fonder sur cela cette mystérieuse pensée: Que nous voyons en Dieu les choses matérielles, mon dessein n'est pas de prouver que nous voyons notre âme en cette manière; mais, pour montrer de plus en plus combien cette philosophie des idées s'entretient mal, il ne sera pas inutile de faire voir que s'il était vrai que nous vissions les choses matérielles par des êtres réprésentatifs (ce qui est la même chose à cet auteur que de les voir en Dieu), il n'aurait point dû prétendre que nous ne voyons point notre âme en cette manière.

Je n'ai pour cela qu'à appliquer à notre âme les raisons générales que cet auteur apporte pour rendre probable cette nouvelle pensée : Que nous voyons toutes choses en Dieu. C'est le titre de son sixième chapitre de la deuxième partie du livre trois.

4. Il suppose, ce qui est vrai, que Dieu a en lui les idées de toutes choses; 2. que Dieu est intimement uni à nos âmes par sa présence. D'où il conclut « que l'esprit peut voir ce << qu'il y a dans Dieu qui représente les êtres créés, puisque « cela est très-spirituel, très-intelligible et très-présent à l'es«<prit, et qu'ainsi l'esprit peut voir en Dieu les ouvrages de « Dieu, supposé que Dieu veuille bien lui découvrir ce qu'il « y a dans lui qui les lui représente. »

Or, l'idée de notre âme n'est-elle pas en Dieu aussi bien que celle de l'étendue? Et ce qu'il y a en Dieu qui repré

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