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RÉPONSE. Vous voyez, Monsieur, qu'il suppose pour la seconde fois, qu'on puisse avoir la connaissance d'un objet sans en avoir d'idée, ce qui est sa proposition à démontrer. Je reçois la cinquième; c'est une définition de nom, cela est dans les règles. Voyons la sixième :

M. ARNAULD. VII. « J'ai dit que je prenais pour la même chose, la perception et l'idée. Il faut néanmoins remarquer que cette chose, quoique unique, a deux rapports; l'un à l'âme qu'elle modifie; l'autre à la chose aperçue, en tant qu'elle est objectivement dans l'âme. »>

RÉPONSE. Certainement il faut être étrangement préoccupé de son sentiment, et l'avoir bien peu examiné, pour ne pas voir qu'on le suppose, lorsqu'on prétend faire des définitions pour en convaincre les autres. Cela est déjà arrivé à M. Arnauld dans la troisième et quatrième définition; mais comme celle-ci est plus longue, il le fait deux fois; car il continue ainsi : « Cette remarque est fort importante pour résoudre beaucoup de difficultés, qui ne sont fondées que sur ce qu'on ne comprend pas assez que ce ne sont point deux entités différentes, mais une même modification de notre âme qui enferme essentiellement ces deux rapports (c'est ce qu'il doit démontrer); puisque je ne puis avoir de perception qui ne soit tout ensemble la perception de mon esprit comme apercevant, et la perception de quelque chose comme aperçue. » Fort bien. Mais il faut qu'il démontre ce qu'on lui conteste, qui est qu'il puisse avoir la perception d'un carré, sans une idée de ce carré, qui soit différente de la modification de son esprit.

VIII. Dans sa septième définition, il suppose toujours ce qu'il doit prouver dans sa proposition à démontrer. « Ce que j'entends, dit-il, par les êtres représentatifs, en tant que je les combats comme des entités superflues (je rejette aussi aussi des entités représentatives. Quand on sait mon sentiment, on ne peut pas m'attribuer cette pensée; mais je ne m'arrête pas à cela) ne sont que ceux que l'on s'imagine

être réellement distingués des idées prises pour des perceptions; car je n'ai garde de combattre toutes sortes d'ètres ou de modalités représentatives, puisque je soutiens qu'il est clair à quiconque fait réflexion sur son esprit, que toutes nos modalités sont essentiellement représentatives. »

RÉPONSE. Vous voyez, Monsieur, qu'il ne suppose encore rien moins que ce qui est en question; car, s'il est «< clair que nos modalités sont essentiellement représentatives,» sa proposition à démontrer n'a pas besoin de preuves: il sera «< clair que notre esprit n'a pas besoin, pour connaître les choses matérielles, de certains êtres représentatifs distingués des perceptions. >>

:

IX. Je crois avoir prouvé que nos perceptions ne sont représentatives que d'elles-mêmes, et cela seulement encore par sentiment intérieur sentiment confus qui ne fait point connaître ce qu'il représente, comme les idées qui éclairent l'esprit. Quand, par exemple, on pense à un cercle, je crois que l'âme n'a pas besoin d'une idée pour lui faire sentir intérieurement qu'elle a cette perception; mais c'est que bien que l'âme sente sa perception, elle ne la conçoit pas ce sentiment intérieur est confus, ce n'est point une connaissance claire. On sait qu'on voit un cercle, on en connaît clairement la nature, parce qu'on le connaît par une idée et dans celui qui est lumière; mais on ne connaît point clairement la nature de son âme, ni comment elle est capable d'apercevoir, parce qu'on ne se connaît que par sentiment. Ainsi les perceptions ne sont que des modalités représentatives par sentiment intérieur; elles ne font rien apercevoir à l'âme qui soit distingué d'elle-même; et bien loin qu'elles soient essentiellement représentatives des vérités, par exemple, de géométrie, qu'elles ne font rien comprendre de ce qu'elles sont, parce qu'effectivement nous ne sommes que ténèbres à nous-mêmes; enfin, je soutiens « qu'il n'est point clair à quiconque fait réflexion sur ce qui se passe dans son esprit, que toutes nos perceptions sont des modalités essen

tiellement représentatives; » et je crois l'avoir suffisamment prouvé dans la Recherche de la Vérité, quoique cette opinion étant fort particulière, je n'eusse pas trop alors le dessein de la combattre. Je laisse, Monsieur, le reste de ses définitions; je reçois ses axiomes et ses demandes sans autre examen, et je passe le chapitre 6 pour venir promptement à ses prétendues Démonstrations; car à peine ai-je commencé que le dégoût me prend déjà de répondre à des discours qui ne prouvent rien.

CHAPITRE XI.

Réfutation de la première Démonstration de
M. Arnauld.

Voici, Monsieur, le septième chapitre du livre de M. Arnauld. Il comprend la première de ses Démonstrations. Je vous prie de le lire avec toute l'attention que mérite son

auteur.

Démonstrations contre les idées prises pour des êtres représentatifs distingués des perceptions. — Proposition à démontrer.- — « Notre esprit n'a point besoin, pour connaître les choses matérielles, de certains êtres représentatifs distingués des perceptions, qu'on prétend être nécessaires pour suppléer à l'absence de tout ce qui ne peut être par soi-même uni intimement à notre âme. »>

Première démonstration. « Un principe qui n'est appuyé que sur une expression équivoque, qui n'est vraie que dans un sens qui ne regarde point la question qu'on veut résoudre par ce principe, et qui, dans l'autre sens, suppose sans aucune preuve ce qui est en question, doit être banni de la véritable philosophie.

<< Or, telle est la première chose que l'auteur de la Recherche de la Vérité prend pour principe de ce qu'il veut prouver touchant la nature des idées.

<<< Il ne pouvait donc pécher plus ouvertement contre ses propres règles, qu'en commençant par là son Traité de la

Nature des Idées, et il ne peut l'avoir proposé comme indubitable que faute de l'avoir bien examiné et pour s'ètre laissé prévenir d'un sentiment communément reçu par les philosophes, n'ayant pas pris garde que c'était un reste des préjugés de l'enfance, qui n'était pas mieux fondé que cent autres qu'il a rejetés.

<< On ne peut nier la majeure, et l'auteur de la Recherche de la Vérité le fera moins que personne, vu le soin qu'il dit partout que l'on doit prendre dans les sciences de n'admettre pour vrai que ce dont la vérité nous est clairement connue, et de ne s'en fier sur cela à l'autorité de personne.

-« Il ne reste donc à prouver que la mineure, ce qui est bien facile. Ses paroles sont : Tout le monde tombe d'accord que nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous par eux-mêmes. L'équivoque est dans ces mots : par euxmémes; car ils peuvent être pris en deux sens. Le premier, qu'ils ne se font point connaître à notre esprit par euxmêmes, c'est-à-dire qu'ils ne sont point la cause que nous les apercevons, et qu'ils ne produisent point dans notre esprit les perceptions que nous avons d'eux, comme on dit que la matière ne se meut point de soi-même où par soi-même, parce qu'elle ne se donne point à soi son mouvement. Ce premier sens est vrai; mais il ne fait rien à la question, qui est de la nature des idées et non pas de leur origine. Il est clair aussi que ce n'est pas en ce sens qu'il a pris ces mots ; car, soutenant comme il fait que Dieu est l'auteur de toutes nos perceptions, il aurait dû mettre l'âme, aussi bien que toutes les choses matérielles, entre les choses que nous n'apercevons point par elles-mêmes; puisque, selon lui, c'est Dieu et non pas notre âme qui cause en notre esprit la perception par laquelle nous l'apercevons.

«<l ne reste donc que le second sens, dans lequel il a pu prendre ces mots : par eux-mêmes, en opposant être connu par soi-même (comme il croit que l'est notre âme quand elle se connaît) à étre connu par des êtres représentatifs des objets

distingues des perceptions, dont nous avons déjà tant parlé. Or, les prenant en ce sens, c'est supposer visiblement ce qui est en question avant de l'avoir établi par aucune preuve, et ce qu'il aurait reconnu sans peine devoir être rejeté comme faux ou au moins comme douteux, s'il l'avait examiné par ses propres règles, et s'il avait philosophé dans . cette matière comme il fait dans les autres.

« Car, si au lieu de nous renvoyer à ce prétendu monde, qu'il dit être d'accord de ceci et de cela, il s'était consulté soi-même, et avait considéré attentivement ce qui se passe dans son esprit, il y aurait vu clairement qu'il connaît les corps, qu'il connaît un cube, un cône, une pyramide, et que, se tournant vers le soleil, il voit le soleil : je ne dis pas que ses yeux corporels le voient, car les yeux corporels ne voient rien; mais son esprit, par l'occasion que ses yeux lui en donnent. Et si, passant plus avant, comme il devait pour observer ses règles, il s'était arrêté sur cette pensée, je connais un cube, je vois le soleil, pour la méditer et considérer ce qui y est enfermé clairement, je suis assuré que, ne sortant point de lui-même, il lui aurait été impossible d'y voir autre chose que la perception du soleil, ou le soleil objectivement présent à l'esprit; et qu'il n'y aurait jamais trouvé la moindre trace de cet étre représentatif du cube ou du soleil, distingué de la perception, et qui aurait dù suppléer à l'absence de l'un et de l'autre. Mais que pour l'y trouver, il aurait fallu qu'il l'y eût mis lui-même, par un vieux reste d'un préjugé dont il n'aurait pas eu de soin de se dépouiller entièrement. C'est-à-dire, qu'il ne l'y aurait trouvé, que comme les défenseurs des formes substantielles les trouvent dans tous les corps de l'univers, parce qu'ils se sont imaginé qu'elles sont propres à expliquer ce que l'on remarque dans ces corps, et qu'on ne le pourrait pas faire sans cela. Puis donc que cette manière de philosopher par ce qui est ou n'est pas enfermé dans les notions claires que nous avons des choses, lui est une raison convaincante de rejeter, comme

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