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mise, un critique équitable m'aurait-il attribué cette maxime, que je combats en cent endroits de la Recherche de la Vérité? Mais, de plus, au lieu de conclure que je me contredis par deux passages qui seraient contraires en apparence, n'aurait-il pas expliqué la proposition générale et obscure par celle qui la modifie, et qui est conforme à l'expérience qu'il doit supposer que j'ai aussi bien que les autres hommes?

En vérité, Monsieur, pourvu que M. Arnauld ait compris mes sentiments, c'est un des plus injustes critiques qui fût jamais. Voilà ma maxime, n'òtez pas la condition que je mets << Pourvu que M. Arnauld ait compris mes sentiments; car il ne faut pas juger des intentions secrètes.

CHAPITRE XIX.

Réponse au dix-septième chapitre.

I. Ce chapitre 17 contient plusieurs passages tirés de la Recherche de la Vérité, par lesquels M. Arnauld prétend que je me contredis à mon ordinaire, et que je dis, « tantôt qu'on voit Dieu en voyant ses ouvrages, et tantôt qu'on ne voit pas Dieu, mais ses ouvrages. » Et enfin, comme il s'imagine que mon sentiment sera odieux, et paraîtra ridicule au commun des hommes, s'il m'oblige à dire qu'on voit Dieu, il conclut ainsi son chapitre.

II. «< Tant s'en faut donc que l'on puisse dire, selon la nouvelle philosophie des idées, que quand nous voyons les créatures en Dieu, ce n'est pas Dieu que nous voyons, mais seulement les créatures; qu'il faut dire absolument tout le contraire que quand nous voyons les créatures en Dieu, c'est Dieu uniquement que nous voyons, et nullement les créatures. Car si celui qui voit le soleil en Dieu, ne voyait pas Dieu, mais le soleil que Dieu a créé; ce serait le soleil matériel qu'il verrait, puisque c'est le soleil matériel que Dieu a créé. Or, selon cet auteur, celui qui regarde le soleil, ne voit point le soleil matériel, mais seulement le soleil

intelligible. Il ne voit donc que Dieu, et non pas le soleil que Dieu a créé. »

RÉPONSE.-III. J'ai déjà, ce me semble, ruiné plusieurs fois ce raisonnement de M. Arnauld, et répondu à cette prétendue contradiction, chapitre 9 et ailleurs, en disant, que lorsqu'on ne voit l'Etre divin, qu'en tant qu'il est participé par les créatures, on ne voit que les créatures; car certainement on voit les créatures, lorsqu'on a leurs idées présentes à l'esprit et leurs idées ne sont que l'Être divin, en tant qu'il est la ressemblance, ou la représentation des créatures qui y participent. Voyez, Monsieur, la quinzième question de la première partie de la Somme de saint Thomas. Dieu voit sans doute son ouvrage comme possible, lorsqu'il voit l'idée qu'il en a et il sait que cet ouvrage existe, ou il le voit comme actuellement existant, parce qu'il sait que la volonté qu'il a de le produire, est efficace. Pourquoi donc, lorsque les hommes voient les idées des choses, et qu'ils sont avertis par des sensations dont Dieu les touche à l'occasion des corps, que ces mêmes corps existent; pourquoi, dis-je, ne dira-t-on pas, que c'est proprement ces corps qu'ils voient, et non pas Dieu, quoiqu'ils ne les voient qu'en celui qui seul peut nous éclairer?

IV. « Si celui qui voit le soleil en Dieu, dit M. Arnauld, ne voyait pas Dieu, mais le soleil que Dieu a créé, ce serait le soleil matériel qu'il verrait, puisque c'est le soleil matériel que Dieu a créé.

<< Or, selon cet auteur, celui qui regarde le soleil, ne voit point le soleil matériel, mais seulement le soleil intelligible. Il ne voit donc que Dieu, et non pas le soleil que Dieu a créé. »

RÉPONSE.

Je réponds, que celui qui regarde le soleil ne voit point le soleil immédiatement, et en lui-même : il ne voit le soleil que par l'idée du soleil il ne le voit que par l'étendue intelligible, rendue sensible par le sentiment vif de lumière, que Dieu cause dans l'âme en conséquence de

l'union de l'esprit et du corps lequel sentiment, par les raisons que j'ai déjà dites, l'avertit de son existence et de sa présence. En un mot, il ne voit le soleil qu'en Dieu et néanmoins il ne voit point Dieu à proprement parler; parce que ce n'est pas voir Dieu, que de voir ce qu'il y a en lui qui a rapport à ses ouvrages, ou que de le voir seulement en tant qu'il peut être participé par les créatures.

V. Je crains si peu de dire qu'on voie Dieu en ce sens, que je soutiens au contraire, qu'il n'y a que Dieu qui soit visible, qu'il n'y a que lui qui soit lumière, qu'il n'y a que la substance intelligible de la raison universelle qui puisse pénétrer les esprits, et les éclairer par sa présence. Je prétends qu'on ne peut sans lui, ni hors de lui, trouver la vérité, pour laquelle sont faits les esprits; comme on ne peut trouver sans lui, ni hors de lui, le bien, terme nécessaire de tous les 'mouvements de nos volontés.

Certainement, le pécheur ne cherche que Dieu par le mouvement naturel de son amour, quoiqu'il s'en éloigne par l'erreur de son esprit, et par le déréglement de son cœur. Il ne cherche que le bien, qui ne se trouve qu'en Dieu, puisque Dieu seul peut agir en l'âme, et la rendre heureuse. C'est le sentiment de saint Augustin'; et rien n'est plus clair à celui qui sait, que Dieu seul, et non les corps, est la cause unique et véritable des plaisirs dont on jouit à leur occasion. De même, l'esprit ne voit que Dieu, quoiqu'il regarde les objets sensibles, comme le sujet et la cause de ses connais sances. Dieu a fait nos esprits pour le voir, aussi bien que nos cœurs pour l'aimer; et cela s'exécute toujours de sa part, quelque opposition que nous y apportions de la nôtre; c'est que l'erreur n'est pas visible, ni le vice aimable. On ne tombe dans l'erreur qu'en cherchant mal la vérité. On ne peut aimer le mal par l'amour même du mal. Lorsqu'on se trompe, on croit voir ce qu'effectivement on ne voit point.

Confess., liv. II, chap. 6.

Lorsqu'on pèche, on croit aimer ce qu'effectivement on n'aime point; car on ne peut, en un sens, ni connaître, ni aimer que Dieu on ne peut connaître que la vérité, on ne peut aimer que le bien; et la vérité et le bien ne se trouvent qu'en celui qui seul est au-dessus de l'esprit, qui seul peut le rendre sage et heureux. Dieu ne nous a pas faits pour aimer les objets sensibles; on ne peut aimer le bien en les aimant. Il ne nous a pas faits aussi pour contempler les corps; on ne peut en les contemplant voir la lumière. Lorsqu'on les regarde sans voir Dieu, on ne voit, ou plutôt on ne sent que soi. Lorsqu'on les recherche sans aimer le bien, on n'aime que soi. On ne voit que la couleur, lorsqu'on les regarde avec les yeux du corps. On n'aime que son plaisir, lorsqu'on court à leur jouissance; et la couleur et le plaisir ne sont que des modalités de notre être propre.

VI. Mais si on aime autre chose que soi par l'impression d'amour que Dieu met en nous, comme Dieu n'agit que pour lui, on n'aime que le bien, ou la cause du plaisir qui ne se trouve qu'en Dieu. De même, si on voit autre chose que soi, lorsqu'on regarde les corps, comme Dieu n'agit que pour lui, on voit une substance intelligible qui ne se trouve que dans la raison universelle, pour laquelle les esprits sont faits, comme les cœurs le sont pour aimer le bien véritable. Car je prétends que la capacité que nous avons de connaître, aussi bien que celle que nous avons d'aimer, est uniquement pour Dieu, pour contempler la substance intelligible de la vérité : et que şi Dieu avait voulu que le soleil fût l'objet immédiat de la connaissance que nous en avons, Dieu aurait fait notre esprit en partie pour voir le soleil; il semble que notre esprit ne serait pas fait uniquement pour Dieu; Dieu ne serait pas la fin de notre esprit en toutes les manières possibles, et il est certain que Dieu agit pour lui en toutes les manières possibles qui sont dignes de lui.

VII. M. Arnauld dit, que ce raisonnement est étrange, et

que c'est un pur sophisme. Et voici l'argument par lequel il prétend le renverser:

« Cet auteur, dit-il, prétend que notre âme se connaît ellemème, sans se voir en Dieu, et sans rien voir qui soit en Dieu en se connaissant. Or cela ne donne pas lieu de dire que notre âme soit pour elle-même, et non pas pour Dieu. Encore donc que notre esprit eût le soleil pour objet immédiat de sa connaissance, on ne pourrait pas dire pour cela, que notre esprit fût pour le soleil, et non pas pour Dieu. »> RÉPONSE. Je nie sa majeure. J'ai dit tant de fois, que l'âme ne se connaissait point elle-même, et qu'elle n'avait que sentiment intérieur de son existence et de ses modalités actuelles, que je ne comprends pas, comment M. Arnauld suppose que je crois qu'elle se connaît. Car enfin, il combat fort au long dans les chapitres 22, 23 et 24, le sentiment que j'ai, qu'elle ne se connait pas. J'ai dit plusieurs fois, que l'âme n'était que ténèbres à elle-même, que sa substance était inintelligible, et qu'elle ne verrait jamais ce qu'elle est, jusqu'à ce qu'elle pùt contempler son idée, ou l'archetype sur lequel Dieu l'a formée, et hors duquel rien n'est intelligible; car toute la capacité que nous avons de connaître n'est faite que pour voir la lumière, hors de laquelle on ne voit ou on ne connaît aucune chose, parce que Dieu n'agit que pour lui, et ne fait les esprits que pour la raison qui lui est consubstantielle.

CHAPITRE XX. Réponse aux dix-huitième, dix-neuvième et vingtième chapitres.

I. Ecoutons M. Arnauld. « Je me persuade que l'on verra maintenant, que j'ai eu raison de ne me pas amuser à répondre aux preuves, dont cet auteur si ingénieux et si subtil a cru avoir bien appuyé le sentiment qu'il a' « que nous voyons toutes choses en Dieu. » Cela aurait été néces

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