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septembristes desorganisait insensiblement le mouvement insurrectionnel. Les juntes de Coimbre et de Santarem furent dissoutes, et de nombreuses bandes de révoltés se dispersèrent. Mais, en même temps que la véritable révolte s'éteignait, des mouvements nouveaux se faisaient sentir. Les miguelistes reparurent, et les villes de Monte-Alegre et de Torcy, où résidaient les réfugiés espagnols du parti carliste, proclamèrent don Miguel roi absolu de Portugal. Ces tentatives s'étendirent sur quelques autres points des provinces de Minho, Tra-os-Montès, Beïra, et même jusqu'à Thomar, dans l'Estramaduro. Quoique ce drapeau n'eût aucune chance de succès, le comité miguéliste de Londres publia un manifeste dans lequel don Miguel exposait son système politique, et promettait les réformes les plus fécondes sur les bases de l'ancienne constitution de la monarchie.

Des manifestations plus sérieuses furent celles des chartistes quí relevèrent enfin la tête. Un mouvement fut tenté en faveur des cabralistes par le 3e régiment de ligne en garnison à Bragança. Divers autres régiments voulurent ainsi se prononcer dans ce sens. Mais ces efforts furent facilement réprimés par les officiers, tous à peu près dévoués à la cause de la révolution. Toutefois le reste de l'armée était favorable à une réaction.

C'est qu'en effet, après le dangereux succès de la révolution qui avait renversé le ministère Costa-Cabral, et, en présence de la faiblesse patente de l'administration nouvelle, on commençait à comprendre qu'il avait fallu au comte de Thomar des qualités réelles, une énergie et une personnalité puissantes pour conserver six ans le pouvoir dans un pays comme le Portugal. Ces qualités incontestables de M. Costa-Cabral avaient fait de lui un ministre vraiment portugais, et sa fière attitude vis-à-vis le gouvernement de la Grande-Bretagne contrastait singulièrement avec la docile soumission du ministère Palmella. Malgré sa fatale roideur et ses habitudes de violence, le ministère Cabral avait été pour le Portugal la seule administration forte et respectée qu'il eût eue depuis longtemps.

Au lieu de cela, le cabinet Palmella donnait chaque jour l'exemple de nouvelles faiblesses. L'arrivée des émigrés rappelés par l'amnistie fut pour les septembristes l'occasion d'un triomphe honteux pour le ministère. Ces émigrés allèrent, conduits par José Estevan, Jorvis de Atouquia, Manoel Passos, le vicomte de Andaluz, et surtout le fameux César Vasconcellos, présenter au duc de Palmella cet ultimatum insultant du parti septembriste: 1° l'annulation du décret d'amnistie acacordée aux révoltés de Torres-Novas en 1844, et la substitua

tion à ce décret d'un autre déclarant qu'ils avaient bien mérité de la patrie; 2o la ratification des faveurs et emplois, tant civils que militaires, donnés par les chefs de cette insurrection; 3° la réorganisation du 12e régiment d'infanterie et du 1er de chasseurs, qui avaient été licenciés pour avoir pris part à cette révolte; 4° la destitution de tous les commandants et officiers des différents corps qui ne méritaient pas la confiance du peuple 5° dans le cas où il ne serait pas fait droit immédiatement à toutes ces exigences, la destitution des ministres de la guerre et de l'intérieur,

Fidèle à son système de concession, le duc de Palmella satisfit en partie à cet audacieux programme, ou se prépara du moins à le faire; car, rencontrant une vive opposition chez ses collè#gues, il provoqua un changement de ministère, selon la volonté de la députation des émigrés. Il conserva la présidence du conseil: mais le vicomte de Sa da Bandeira, septembriste avoué, fut appelé au ministère de la guerre et le comte de Lavradio aux affaires étrangères. MM. Aguiar, Gomez et d'Albuquerque complétèrent le cabinet.

Cette modification radicale calma pour un temps les esprits, mais au prix d'une concession complète à la révolution. La nouvelle loi électorale, expression trop avancée sans doute du système représentatif dans un pays qui n'est pas encore à la hauteur des institutions libérales, vint aussi ajouter à la tranquillité d'un moment, obtenue à force de soumission aux idées révolutionnaires.

La nouvelle loi reculait les conditions d'âge et de cens jusqu'aux dernières limites. Elle n'exigeait dans certains cas pour les électeurs qu'un impôt annuel de 5 francs 60 cent. sur les propriétés. Elle admettait à titre de capacités et en dehors de l'âge, fixé à vingt-cinq ans, et de cens abaissé comme on l'a vu, l'adjonction des officiers de toutes armes, des prêtres, des hommes mariés, des docteurs, bacheliers... Enfin, elle n'excluait que les domestiques, les hommes en faillite, et ceux qui seraient sous le coup d'une accusation criminelle. Tout citoyen qui, après avoir été élu député, accepterait quelque décoration, titre honorifique ou commission salariée, grade ou emploi, et ce en dehors du concours public ou du droit d'ancienneté, perdrait l'emploi de député et ne pourrait être réélu durant la législature.

Le calme produit par ces diverses mesures ne dura pas longtemps. Bientôt les juntes révolutionnaires de Coïmbre et de Santarem, et le mouvement absolutiste, recommencèrent dans les provinces du nord. Il fallut envoyer le comte Das Antas, dont l'énergie bien connue pouvait seule réprimer les excès des miguélistes.

Mais le danger réel n'était pas là pour le ministère. Les exagérations ultra-libérales auxquelles il avait cédé avec tant de mollesse devaient nécessairement amener une réaction conservatrice. Cette réaction emporta le cabinet du duc de Palmella, qui fut remplacé, le 6 octobre, par un ministère ainsi composé :

Le marquis de Saldanha, conseiller d'État, pair du royaume, maréchal de l'armée, ministre de la guerre et président du conseil:

Le vicomte d'Oliveira, président du tribunal des comptes, pair du royaume, ministre de l'intérieur ;

Le vicomte de Carreira, conseiller de Sa Majesté et envoyé extraordinaire à Paris, ministre des affaires étrangères.

Don Manuel de Portugal y Castro, pair du royaume, gentilhomme de la chambre, ministre de la marine.

Don Jose-Jacinio Farino, conseiller de Sa Majesté, président

du tribunal de commerce de Lisbonne, ministre de la justice et des cultes.

Par décrets royaux, le vicomte d'Oliveira était chargé de l'intérim du ministre des finances, et le marquis de Saldanha remplissait celui des affaires étrangères en l'absence du vicomte de Carreira.

En même temps, une proclamation de la reine, tout en conservant au pays les garanties conquises par la dernière révolution, assurait le maintien de la charte constitutionnelle.

La chute du ministère Palmella avait été sinon causée, au moins précipitée par l'état déplorable des finances et par les mesures fatales prises pour y remédier. Un décret à la date du 21 août avait établi :

1° Que les dépenses votées par les cortès dans la dernière session, montant à 11,963 contos (71,778,000 francs), avaient de beaucoup excédé les revenus, qui, bien que calculés à 11,956 contos (71,736,000 francs), ne pourraient jamais s'élever à cette somme;

2o Que, dans la situation présente du pays, il était impossible d'établir de nouvelles taxes; que beaucoup de taxes anciennes devaient être abolies, les recettes ne compensant pas les vexations que produit la perception;

3o Qu'il était absolument nécessaire de restreindre les dépenses du pays dans les limites des revenus, et de mettre un terme aux emprunts continuels qui finiraient par amener la ruine du pays.

Partant de ces principes, et dans le but d'établir un système d'économie dans les dépenses, le décret portait :

1° Qu'une réduction de 1241 contos (un peu plus de 7 millions de francs) serait faite sur les dépenses de l'exercice 1846-47; 2o Qu'une retenue de 20 pour 100, au lieu de 10 pour 100, serait faite sur tous les salaires, traitements ou pensions à charge de l'État pendant la présente année financière;

3o Que pareille retenue de 20 pour 100 aurait lieu sur les intérêts de la dette intérieure, consolidée ou non;

Ann. hist. pour 1846.

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4° Que les intérêts de la dette étrangère seraient sujets. pendant la même année financière, à une égale retenue de 20 pour 100.

C'était là une véritable banqueroute, et une mesure aussi violente devait porter une atteinte profonde au crédit public. Le premier résultat fut de détruire toute confiance dans les engagements pris au nom du gouvernement, et, en face de la nécessité d'un emprunt, rien ne put décider les prêteurs à venir au secours du ministère. Le gouvernement demandait à la banque trois millions et offrait pour garantie les produits des domaines de la couronne; mais la banque se refușa à courir de pareilles chances.

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Le ministère du duc de Palmella n'était pas tombé de luimême il avait succombé sous une destitution. Le changement d'administration avait pris le caractère d'un coup d'Etat. La réaction allait trop loin dès ses premiers pas, et il y avait dans cette mesure le danger d'élever la bannière de la reine contre le drapeau national. Le résultat immédiat fut l'exaspération du parti septembriste. Ce parti comptait dans son sein les hommes les plus remarquables du pays: il venait de se rallier l'homme le plus énergique de l'armée tout entière, le commandant envoyé par la reine elle-même contre les absolutistes du nord, le comte Das Antas. Avec lui, le vicomte de Sa da Bandeira, le comte Bonfim et le marquis de Loulé, organisèrent l'insurrection.

Il fallait agir. Le 9 octobre, le duc de Terceira débarqua à Oporto; mais, vaincu sans même avoir eu le temps de combattre, il vit tuer sous ses yeux plusieurs de ses officiers, et fut fait prisonnier avec le reste. Ces événements furent pour la reine l'occasion d'un manifeste exalté, et, pour la junte d'Oporto, d'une adresse dévouée, mais menaçante. Le comte Das Antas adressa en même temps une lettre justificative à la

reine.

Mais la révolte ne gardait pas partout ce caractère de fidélité respectueuse. A Coimbre, la junte, présidée par le marquis de

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