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compagnies qui n'offriraient pas les mêmes avantages; c'était rendre hommage au principe de la loi, qui réclame la publicité et la concurrence; c'était organiser une lutte sérieuse, pleine de profit pour l'État. Telles avaient été les raisons de M. le mininistre des finances pour autoriser la compagnie des receveurs généraux.

M. le ministre avait, en effet, corrigé de sa propre main la circulaire rédigée à cette occasion; mais ces corrections n'avaient eu qu'un but, celui de déclarer qu'il autorisait, mais sans encourager, sans patroner l'entreprise. La compagnie formée, des souscriptions nombreuses s'étaient présentées; mais peu à peu s'était manifesté une crise à la Bourse, et les fondateurs de la compagnie avaient conçu l'appréhension que ceux qui leur avaient confié leurs intérêts ne se plaignissent s'ils prenaient à eux seuls la charge tout entière de l'entreprise. M. le ministre, lui, n'avait pas pensé de même : il avait dit à la compagnie qu'elle ne se faisait pas une assez juste idée de sa force, qu'elle n'avait besoin du concours de personne, que l'assentiment sérieux qu'elle avait rencontré dans les départements devait lui donner d'autant plus d'assurance, qu'il émanait précisément des personnes dont le concours dans la compagnie de chemins de fer est le meilleur, de celles qui, placées trop loin pour jouer à la Bourse, ne songent naturellement qu'à des opérations durables. M. le ministre avait permis à la compagnie de se joindre à un certain nombre d'autres, mais à la condition de laisser subsister toujours, ce qu'ils n'avait cessé de demander, une concurrence entre les compagnies sérieuses et prudentes. Une fusion totale, avait-il dit alors, devait rendre impossible à l'administration de prendre la défense de la compagnie à la tribune. La compagnie avait, malgré ces avis, perdu sa liberté dans des fusions partielles. L'auteur du projet était averti : cette perte de liberté ne pouvait être admise comme excuse, et la responsabilité avait dû être complète. La souscription particulière de M. le ministre de la marine avait été retirée par l'intermédiaire de M. Baudon, qui avait dû être révoqué. Cette destitution mème n'était-elle

pas la preuve que le ministère n'avait absolument rien à craindre des révélations qui pouvaient avoir lieu ?

M. Lepeletier d'Aulnay fit observer à M. le ministre des finances qu'il y a toujours eu immoralité et danger dans l'intervention des receveurs généraux dans les spéculations industrielles. Le savant administrateur rappelait que, en 1826, M. Casimir Périer avait blåmé le ministre des finances d'avoir eu recours à l'association des receveurs généraux pour un emprunt. En effet, leur spéculation réussit mal, et cet échec eût dû servir de leçon.

M. le ministre répondit qu'il avait toujours engagé les fonctionnaires publics et les comptables de son département à se maintenir dans les limites de leurs devoirs comme hommes publics. Ainsi il avait interdit aux receveurs particuliers la faculté de faire des opérations de banque; mais il était impossible de faire la même prohibition aux receveurs généraux, le but principal de leur institution consistant dans des opérations de ce genre. De même, il était impossible d'interdire aux receveurs généraux de s'immiscer dans d'autres opérations, notamment dans des emprunts: quand ils l'avaient fait, il en était toujours résulté un grand avantage pour l'État. Tout ce que pouvait faire le gouvernement, c'était de leur recommander de ne pas compromettre leur crédit, et de leur retirer leurs places s'ils s'écartaient des obligations qui leur avaient été tracées.

Au nom de la commission de l'Adresse, M. Vitet déclara que, tout en déplorant autant que qui que ce fât les funestes effets de l'agiotage, la commission avait dû reconnaître que les causes qui avaient produit ces regrettables effets n'étaient pas dans l'action administrative, et que, dans l'état actuel de la législation, le ministère avait fait tout ce qu'il pouvait faire. Par conséquent, la commission repoussait l'amendement.

M. Grandin ayant voulu ôter à son amendement toute portée politique, M. le ministre des travaux publics fit observer que, si l'amendement n'était pas autre chose qu'un vœu d'honnête homme, il n'y avait personne dans la Chambre qui n'eût le droit

de l'exprimer. Mais la discussion tout entière donnait une tout autre portée à la modification proposée.

L'amendement de M. Grandin fut rejeté par 209 voix contre

160.

Un incident regrettable signala ce vote: un membre, M. Ladoucette, ayant déposé une boule en faveur de l'amendement dans l'urne blanche (on procédait au scrutin de division), de vives clameurs l'accueillirent, et une voix s'écria que M. Ladoucette avait fait lui même partie du conseil d'administration d'une compagnie de chemin de fer (1). M. le président releva avec une juste sévérité cette odieuse atteinte portée à la liberté du vote.

<< Plus la Chambre, ajouta-t-il, a attaché d'importance à l'introduction du vote public, qui met tous les députés en présence de leur conscience, en présence de leurs électeurs et en présence du pays, plus elle doit attacher d'importance à ce respect qui atteste leur liberté et maintient leur dignité. »

Par le rejet de l'amendement de M. Grandin, la Chambre avait entendu écarter la question politique, mais non pas méconnaître et encore moins couvrir de son approbation les abus auxquels avait donné lieu les adjudications de chemins de fer. Un amendement en ce sens, proposé par un des membres de la majorité, M. Darblay, et approuvé par la commission, qui en modifia les termes, fut accepté par le gouvernement et adopté par la Chambre (27 janvier).

La deuxième phrase du premier paragraphe était ainsi

conçue :

« Ces nouveaux éléments de force et de richesse nous donneront dans peu d'années les garanties que notre sécurité réclame, répandront sur toutes les parties du territoire, dans toutes les classes de la population, le travail et le bien-être, et nous fourniront les moyens de féconder notre industrie, de vivifier notre commerce et de préparer pour notre agriculture des jours plus heureux et un plus digne prix de ses laborieux efforts. »

Sur cette phrase, M. de Tracy proposait un retranchement.

(1) Le fait fut démenti le lendemain par M. Ladoucette.

L'honorable député, on se le rappelle, avait combattu dès l'origine ce qu'il appelait l'entraînement dangereux du pays vers les chemins de fer. Il eût voulu qu'une partie des millions jetés dans ces entreprises avec une prodigalité dangereuse eût été plus utilement, selon lui, consacrée à la viabilité vicinale, que les communes, succombant sous le poids de leurs charges, sont incapables de réaliser. M. de Tracy trouvait que la population agricole avait été sacrifiée aux industries qui se servent des chemins de fer et aux voyageurs pressés d'arriver plus vite. L'honorable orateur voulait donc qu'on supprimât ces espérances illusoires de fécondité et de prospérité qu'on se promettait pour l'avenir de l'établissement du réseau de chemins de fer.

M. le ministre des travaux publics et M. Desmousseaux de Givré combattirent le reproche fait à la commission d'avoir oublié les intérêts de la classe agricole. Elle n'avait pas songé seulement aux chemins de fer; elle avait compris, par la pensée, dans ces grands travaux d'utilité publique les routes royales, les canaux, tout cet ensemble de grande viabilité qui doit répartir également sur tous les points du territoire les produits du commerce, de l'industrie et de l'agriculture, et élever ainsi, partout et à la fois, le niveau de la prospérité commune. Quant aux chemins de fer, tout le monde aujourd'hui avait foi dans les avantages qu'ils procureraient à la France quand elle en serait sillonnée; l'agriculture en profiterait comme le commerce intérieur, comme toutes les autres industries. Des communications promptes, faciles, multipliées, introduiraient dans notre régime économique de grandes améliorations un grand nombre de départements, aujourd'hui encore privés de débouchés suffisants, verraient leurs productions portées au moyen des chemins de fer, dans les grands centres de communication. Sans doute toutes ces espérances ne se réaliseraient pas immédiatement, sans doute plus d'un intérêt serait lésé, ce fait se produit toujours dans une transition, et il faut du temps pour que chaque intérêt puisse se reclasser; mais l'inté

rêt général domine toute question, et l'agriculture profiterait dans une large proportion des avantages obtenus.

La rédaction proposée par la commission fut maintenue par la Chambre, et l'ensemble du deuxième paragraphe adopté à une grande majorité.

Le troisième paragraphe avait trait à la situation financière du pays. M. Odilon Barrot se demandait comment on pouvait se féliciter de l'état satisfaisant des finances quand on excipait de l'état critique dans lequel on se trouvait placé pour éviter d'accomplir un vœu unanime et persévérant de la Chambre, la conversion des rentes.

M. le ministre des finances répondit qu'il n'y avait là aucune contradiction. Oui, la situation financière du pays était trèssatisfaisante; mais ce n'était pas le seul élément dont on dût s'occuper pour des questions de ce genre. Il y avait encore l'ensemble du crédit du pays, la situation de la place. Or, M. le ministre pensait que la présentation d'un projet de conversion pourrait, en ce moment, compromettre la situation générale.

Le paragraphe 4, relatif aux divers projets de loi à étudier, amenait la discussion sur les affaires de l'Université, et, en particulier. sur l'ordonnance du 7 décembre.

M. de Tocqueville vint, non pas défendre l'ancienne organisation qu'il avait toujours regardée comme défectueuse et dont il avait lui-même réclamé la modification, non pas, à plus forte raison, demander le rétablissement de cette organisation détruite, mais examiner l'organisation nouvelle et rechercher quelles raisons particulières avaient motivé la mesure.

D'abord, selon le savant publiciste, cette organisation laissait une part immense à l'arbitraire, en créant au sein du conseil royal une majorité considérable, révocable, annuelle. D'autre part, à l'exception du personnel, les attributions étaient restées les mêmes. Les pouvoirs judiciaires du conseil étaient immenses. En outre, il y avait un péril dans la constitution

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