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CHAPITRE III. - DES INFRACTIONS QUI PORTENT ATTEINTE AUX DEVOIRS MILITAIRES.

Art. 19. Sera puni de mort, le général, gouverneur ou commandant qui aura capitulé avec l'ennemi ou rendu la place qui lui était confiée, sans avoir épuisé tous les moyens de défense dont il disposait (1).

Art. 20. Tout général, tout commandant d'une troupe armée qui aura capitulé en rase campagne sera puni de mort si, avant de traiter ou dans le traité même, il n'a pas fait ou stipulé tout ce que prescrivent le devoir et l'honneur (2).

mêmes, qu'il ait été commis par un militaire ou par une personne ne faisant pas partie de l'armée, la peine est beaucoup moins forte dans ce dernier cas, pour deux motifs d'abord, parce que le militaire a plus de facilité pour commettre ce crime; ensuite, parce que le militaire est doublement coupable, à cause des devoirs que son état lui impose.

« L'art. 207 du code pénal français punit seulement l'ennemi qui, pour se livrer à l'espionnage, s'est introduit déguisé dans un des lieux désignés à l'article précédent, et il le punit de mort. L'article du projet est général, et cela est juste et logique, car des Belges peuvent, aussi bien que des ennemis ou des étrangers, se rendre coupables de ces faits. Mais l'article du projet, moins sévère que la loi française, ne porte pas dans ce cas la peine de mort, pour les motifs que nous avons indiqués.» (Rapport de M. d'Anethan.)

(1) Les faits prévus par les articles 16, 17 et 18 (19, 20 et 21 du code), bien qu'ils n'aient pas été commis dans une intention hostile à l'Etat, bien qu'ils soient le résultat de l'insuffisance, de la faiblesse ou de la couardise de l'officier qui a capitulé ou abandonné son poste, sans y avoir été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister, peuvent avoir les conséquences les plus graves et compromettre non-seulement le succès d'une campagne, mais le salut même du pays, lorsque le territoire est envahi par l'étranger.

Aussi ces faits sont-ils punis de la peine de mort par le code hollandais, qui nous régit encore actuellement, et par toutes les législations militaires de l'Europe. Le projet maintient cette peine; mais l'article 53 (59 du code) autorise le juge à la remplacer, en cas de circonstances atténuantes, par la détention perpétuelle ou temporaire.

La question de savoir si le général, le gouverneur, le commandant s'est trouvé dans les conditions qui justifient la capitulation, ou si l'officier a été contraint par des forces supérieures à abandonner son poste, ne peut être résolue que par un tribunal militaire jugeant en fait, comnie le ferait un jury. (Exposé des motifs.)

(2) L'article 17 (20 du code) punit de mort et l'art. 19 (22 du code) de la dégradation militaire tout commandant d'une armée qui aura capitulé en rase campagne, si la capitulation a eu pour résultat de faire poser les armes à sa troupe, alors même qu'il y aurait été contraint par une force supérieure.

C'est à peu près le texte de l'article 110 de la loi française.

Ce texte, qui ne fut admis en France qu'après de vives discussions, n'existait pas dans le projet primitif, adopté d'abord par les sections de législation et de la guerre du conseil d'Etat. (V. Foucher, p. 671.)

D'après le projet, l'excuse contenue dans ce membre de phrase: sans avoir fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l'honneur, s'appliquait aux deux hypothèses de notre article 17. L'article était ainsi conçu :

Sera puni de la peine de mort, tout général ou officier commandant qui capitulera en rase campagne soit verbalement, soit par écrit, sans avoir fait tout ce que lui prescrivaient le devoir et l'hon

neur.

Mais l'assemblée générale du conseil d'Etat proposa le texte qui forme aujourd'hui l'art. 210. Les motifs de cette décision se trouvent résumés dans les extraits suivants du Mémorial de Sainte-Hélène, qui furent produits dans la discussion:

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Les dangers d'autoriser les officiers et les généraux à poser les armes en vertu d'une capitulation particulière dans une autre position que celle où ils forment la garnison d'une place forte, sont incontestables. C'est détruire l'esprit militaire d'une nation, en affaiblir l'honneur, que d'ouvrir cette porte aux lâches, aux hommes timides ou même aux braves égarés.

« Si les lois militaires prononçaient des peines afflictives et infamantes contre les généraux, officiers et soldats qui posent leurs armes en vertu d'une capitulation, cet expédient ne se présenterait jamais à l'esprit des militaires pour sortir d'un pas fâcheux; il ne resterait de ressource que dans la valeur ou l'obstination; et que de choses ne leur a-t-on pas vu faire! Cent faits de notre histoire montreraient quelles ressources savent trouver le courage et le génie de l'homme de guerre, lorsque tout semble ainsi perdu et désespéré. Quel général, par exemple, eût été plus excusable de capituler que le maréchal Ney lorsque, séparé de l'armée sur les bords du Dniéper, conduisant sept mille soldats mourant de froid et de fatigue, duits à quatre mille en une heure et cernés par cinquante mille ennemis, il était invité à remettre son épée? Cependant il ne songea ni à se rendre, ni même à mourir, mais à percer, à se faire jour. Et la fortune seconda son audace: la nuit même il avait échappé à ces colonnes qui l'enveloppaient; il avait franchi le fleuve, sauvé son honneur et celui de l'armée!

«Que doit faire, disait l'empereur dans le livre déjà cité, un général qui est cerné par des forces supérieures? Nous ne saurions faire d'autre réponse que celle du vieil Horace. Dans une situation extraordinaire, il faut une résolution extraordinaire; plus la résistance sera opiniâtre, plus on aura de chance d'être secouru ou de percer. Que de choses, qui paraissent impossibles, ont été faites par des hommes résolus, n'ayant plus d'autre ressource que la mort! Plus vous ferez de résistance, plus vous tuerez de monde à l'ennemi et moins il en aura le jour même ou le lendemain

Art. 21. Sera puni de mort, tout officier qui, en présence de l'ennemi (1), aura

pour se porter contre les autres corps de l'armée. Cette question ne nous paraît pas susceptible d'une autre solution, sans perdre l'esprit militaire d'une nation et s'exposer aux plus grands malheurs...» (V. Foucher, p. 672.)

Au corps législatif, une nouvelle discussion fournit au colonel Réguis l'occasion de résumer les arguments opposés au système du projet :

"

Il y a, disait-il, des capitulations qui sont désastreuses, comme celle de Baylen, par exemple; mais il y en a d'autres que l'orateur croit excusables.

« Ainsi Junot, capitulant à Cintra, après une défaite, sous la condition que son corps d'armée serait transporté en France et aurait le droit de reprendre immédiatement part à la guerre, signait, dans l'opinion de l'orateur, une capitulation honorable. La meilleure preuve qu'on en puisse donner, c'est que le général anglais, pour l'avoir accordée, fut mis en jugement.

"

L'orateur croit donc qu'il y aurait une distinction à faire entre les capitulations honorables et celles qui ne le sont pas. Or, l'article les punit toutes de la même peine. Lorsqu'une capitulation a élé avantageuse, le général qui l'a obtenue ne devrait pas être destitué. L'orateur tient à être bien compris : ce qu'il demande, ce n'est pas qu'un corps d'armée, enveloppé par l'ennemi, ait le droit de capituler, assurément non; mais il y a, dans son opinion, des circonstances où une capitulation, comme celle de Junot, ne devrait pas toujours être punie par la loi militaire. » (V. Foucher, p. 674.)

N'oublions pas que le décret du 1er mai 1812, porté au moment où la lutte des armées mettait chaque jour en péril l'existence des nations et après la célèbre capitulation de Baylen, était beaucoup plus indulgent.

La rigueur des articles 1 et 2 était corrigée par l'art. 8, qui donnait au juge la mission de décider, dans son âme et conscience, si le délit existe ; et la peine pouvait être réduite à un simple emprison

nement.

On peut donc opposer Napoléon chef d'armée à Napoléon écrivain, détrôné, aigri par les revers et porté à attribuer à la faiblesse de ses généraux les défaites qui n'étaient dues qu'à la faiblesse du despotisme.

En 1857, le gouvernement n'emporta le vote de cette disposition qu'en faisant remarquer qu'aux termes de l'article 157, le ministre de la guerre restait toujours juge des cas où y a lieu de poursuivre.

Quoi qu'il en soit, le général Dupont, après la capitulation de Baylen, fut condamné à la destitution, à la perte de ses titres et de ses décorations et à la détention dans une prison d'Etat. L'instruction de ce procès, tenue soigneusement secrète, avait duré quatre années.

«Il arriva, dit M. Thiers (a), ce qui arrive souvent, un malheureux qui avait sa part dans une série de fautes, mais rien que sa part, paya pour tout le monde. »

Napoléon s'était écrié : « Ils ont sali notre uniforme; il sera lavé dans leur sang. »

(a) Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, t. IX, p. 187 (édition française).

(b) Une capitulation peut être honorable sans être favo

Sentiments peu dignes d'un législateur et d'un juge. Devenu plus juste, il dit, en parlant du même général : « L'infortuné! Quelle chute, après Albeck, Halle, Friedland! Voilà la guerre ! Un jour, un seul jour suffit pour ternir toute une carrière! ».

Loin de ces exagérations de la colère et s'inspirant de la nature même des faits qu'il est appelé à punir, le législateur doit réserver la peine et la flétrissure pour les actes incompatibles avec les lois de l'honneur. On ne peut admettre que l'homme qui a fait son devoir puisse, sous prétexte d'une morale spéciale aux conquérants, être flétri de la peine des traîtres.

D'ailleurs le juge militaire, juge sévère en une pareille question, n'aura-t-il pas à apprécier la conduite du commandant qui aura déposé les armes? Pourquoi le punir s'il a fait son devoir, comme Junot à Cintra? Qu'est-ce que cette justice volontairement aveugle, qui se condamne à être fatalement injuste?

Si le commandant a capitulé alors qu'il aurait dù combattre, la cour militaire décidera qu'il n'a pas fait tout ce que prescrivaient le devoir et 'I'honneur (b) et appliquera l'article 17. Si, par exemple, il avait reçu l'ordre de garder une position à tout prix, il est évident que, dans ce cas, toute capitulation, tout traité tomberait sous le coup de la loi et c'est l'article 18 qui serait applicable.

Sans doute, le général Dupont, d'après l'appréciation de ses juges, n'avait pas fait son devoir, et le décret de 1812 a suffi pour le condamner; cependant la peine de mort, même dans ces conditions, eût été odieuse.

D'un autre côté, il ne faut pas oublier que si le commandant ne peut traiter qu'à la dernière extrémité, cette extrémité même ne peut jamais justifier des conditions déshonorantes.

L'art. 17 (20 du code) devrait être rédigé comme il suit :

Tout général, tout commandant d'une troupe armée qui aura capitulé en rase campagne sera puni de mort si, avant de traiter ou dans le traité même, il n'a pas fait ou stipulé tout ce que prescrivent le devoir et l'honneur. (Rapport de M. Guillery.)

Pour qu'il y ait lieu à l'application de la peine prononcée par l'art. 20, il faut que le général qui a capitulé n'ait pas rempli toutes les conditions que prescrivent le devoir et l'honneur. C'est donc, comme dans l'article précédent, une question d'appréciation exclusivement de la compétence de l'autorité militaire, et pour la solution de laquelle il serait difficile, si pas imprudent, de chercher à établir des règles fixes et précises. (Rapport de M. d'Anethan.)

(1) En présence de l'ennemi. Un membre de la chambre des représentants, l'honorable M. Thonissen, avait proposé, par amendement, d'ajouter les mots : ou de rebelles armés; il s'appuyait principalement sur les art. 212 et 213 du code militaire français, où ces mots se trouvent en effet. Cet amendement, que repoussaient et la commission de la chambre et les ministres de la justice et de la

rable Tielemans, Rép., vo Capitulation, § 3, n° 3; Instruction prov. pour la haute cour militaire, articles 65 ct suiv.

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abandonné, sans y être contraint par des forces supérieures (1), le poste ou la position qui lui était assigné.

Art. 22. Dans les cas prévus par les trois articles qui précèdent, le coupable sera condamné, en outre, à la dégradation militaire.

Art. 23. Le militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura abandonné son poste sans avoir rempli sa consigne, sera condamné à l'incorporation dans une compagnie de correction pendant deux ans au plus.

En temps de guerre et à l'armée active, il sera condamné à un emprisonnement de deux ans à cinq ans et à l'incorporation dans cette compagnie de correction pour le même terme.

Le coupable sera puni de mort s'il était en présence de l'ennemi (2).

guerre, fut rejeté après une assez longue discussion. (Séance du 9 mars 1870. Ann. parl., p. 552 à 559.)

L'honorable rapporteur du sénat disait, au sujet de cet amendement :

«On a proposé à la chambre des représentants de punir de la même peine l'officier qui aurait abandonné son poste en présence de rebelles armés, expression empruntée à l'article 212 de la loi française de 1857. Cette proposition n'a pas été adoptée, et nous approuvons ce rejet.

« L'article, comme ceux qui le précèdent, est fait pour le temps de guerre, auquel on ne peut pas assimiler une émeute ou même une rébellion. Pour ces circonstances, l'art. 28 paraît suffire, et nous ajoutons que la disposition proposée, dans la plupart des cas trop sévère, serait en outre dangereuse. En effet, dans les émeutes, ne voyonsnous pas presque toujours un poste de quelques hommes à peine en présence d'une foule considérable et menaçante? L'attitude énergique d'un officier et d'un petit nombre de soldats lui impose et la tient en respect. Cette foule d'émeutiers est toujours supérieure en nombre et en force au faible détachement qui lui est opposé, d'où suit que s'il fallait appliquer l'article au cas de rébellion armée, il suffirait de cette circonstance pour justifier l'officier qui aurait abandonné son poste et qui aurait ainsi laissé le champ libre au désordre et à l'émeute. » (Rapport de M. d'Anethan.)

(1) Par des forces supérieures. L'officier qui, en présence de l'ennemi, abandonne son poste ou sa position, sera puni de mort, s'il n'y a pas été contraint par des forces supérieures.

Que doit-on entendre par forces supérieures? Cela est impossible à déterminer. Quoique inférieure en nombre, une troupe peut, par sa composition, par sa situation physique et morale, par son matériel, être considérée comme supérieure à une troupe plus nombreuse, mais privée des ressources nécessaires, épuisée par les fatigues, les privations, ou affaiblie par d'autres causes. Toutes ces circonstances devront être prises en considération pour apprécier si l'officier est coupable d'avoir abandonné son poste ou s'il a agi dans l'intérêt de la troupe qui lui était confiée, et dans l'intérêt même des autres corps de l'armée. (Rapport de M. d'Anethan.)

(2) Les articles 20 et 21 du projet (23 et 24 du code) sont relatifs aux militaires qui, placés en vedette ou en faction, abandonnent leur poste ou y sont trouvés endormis. Les dispositions du code de 1814 sont, en cette matière, d'un vague qui permet aux conseils de guerre de juger

comme ils le trouvent convenable; elles portent :

Art. 91. Tout factionnaire en sentinelle dans le voisinage de l'ennemi, ou dans une place assiégée ou investie, qui n'obeit pas à son ordre ou à sa consigne, ou qui quille son poste avant d'avoir été relevé, sera puni par la corde, par les armes ou d'une autre manière, suivant les circonstances.

Art. 92. Tout factionnaire en sentinelle dans le voisinage de l'ennemi qui sera trouvé endormi ou ivre à son poste, ou dans une place investie ou assiégée, sera puni par la corde, par les armes ou autrement, suivant les circonstances.

Art. 98. Une sentinelle qui, en temps de paix, ne sera pas trouvée à son poste, ou qui y sera trouvée endormie ou ivre, pourra être punie, même de mort, selon les circonstances. Cependant lorsque l'abandon du poste, ou le sommeil, ou l'ivresse de la sentinelle n'aura donné lieu à aucune fâcheuse suite, il ne sera puni que disciplinairement.

A ces dispositions se joint celle de l'article 15 du règlement de discipline, ainsi conçu :

Tout factionnaire qui, en temps de paix, n'est pas trouvé à son poste ou est trouvé endormi ou ivre, lorsque nommément il n'en est pas résulté de suites fâcheuses, ainsi que tout factionnaire qui n'a pas satisfait à sa consigne, se rend coupable de transgression de discipline.

Ainsi, en temps de guerre comme en temps de paix, en présence de l'ennemi, comme en tout autre lieu, le factionnaire qui abandonne son poste ou qui s'y livre au sommeil est puni, suivant les circonstances, de la peine de mort ou de toute autre peine. Si, en temps de paix, aucune suite fâcheuse n'est résultée de son sommeil ou de son abandon, on ne peut lui infliger qu'une peine disciplinaire.

Il serait impossible d'ouvrir une porte plus large à l'arbitraire; ce qui en résulte ordinairement, c'est l'impunité. Aussi les soldats, qui connaissent cette législation, se font-ils un jeu des devoirs du factionnaire. On en voit fréquemment abandonner le poste qui leur est confié. Il est urgent de mettre fin à cet état de choses; une réforme de la législation est indispensable.

En premier lieu, l'on ne doit pas confondre la faute du soldat qui est trouvé endormi à son poste avec la faute, beaucoup plus grave, de celui qui abandonne sa faction; en second lieu, il faut distinguer les temps et les circonstances. Abandonner son poste en présence de l'ennemi, est évidemment un fait plus grave que de l'abandonner en tout autre lieu, même en temps de guerre. La même faute commise en temps de paix est beaucoup moins grave; mais il importe cependant, à cause

Art. 24. Tout militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura été trouvé ivre ou endormi sera puni:

De deux ans à cinq ans d'incorporation dans une compagnie de correction, s'il se

trouvait en présence de l'ennemi ;

De l'incorporation dans une compagnie de correction pour le terme de deux ans au plus, si, hors le cas prévu par le paragraphe précédent, le fait a eu lieu en temps de guerre et à l'armée active;

D'une peine disciplinaire, dans tous les autres cas (1).

de ses conséquences possibles. qu'elle soit réprimée avec une certaine sévérité. (Exposé des motifs.)

L'art. 20 (23 du code) paraît trop indulgent pour un fait de la plus haute gravité, contraire tout sentiment d'honneur et de dévouement au pays et qui peut compromettre le sort d'une armée. La loi française (art. 211) commine la peine de mort et ne contient pas le mot lâchement, qui ouvre des moyens de défense au coupable.

Il importe de maintenir la peine la plus forte, à l'exemple de la loi française et à l'exemple de l'article 23 de notre projet (28 du code), qui commine la peine de mort pour refus d'obéissance devant l'ennemi. Or, le fait de la sentinelle qui abandonne lâchement son poste comprend d'abord le refus d'obéissance à un ordre précis et, de plus, il constitue une véritable trahison; les chefs peuvent ignorer cet abandon et ne pouvoir remplacer le soldat coupable. Dans le refus d'obéissance, au contraire, surtout quand il émane de moins de quatre hommes, on peut remplacer les soldats récalcitrants par d'autres plus dociles et plus attachés à leurs devoirs.

L'art. 20 serait donc rédigé comme il suit :

Le militaire qui, étant en faction ou en vedette, aura abandonné lâchement son poste, sans avoir rempli sa consigne, sera puni:

De la peine de mort, s'il était en présence de l'ennemi;

De deux ans à cinq ans d'emprisonnement et de l'incorporation dans une compagnie de punition pour le même terme si, éloigné de l'ennemi, il a commis le fait en temps de guerre et à l'armée active;

D'un an à deux ans d'incorporation dans une compagnie de punition, dans tous les autres cas. (Rapport de M. Guillery.)

temps de guerre, de trois mois de prison en temps de paix, le sommeil de la sentinelle. La peine capitale était également prononcée par la loi du 12 mai 1793, contre tout soldat trouvé endormi en faction ou en vedette dans les postes les plus près de l'ennemi. Dans tous autres postes, la sentinelle endormie encourait la peine de cinq ans de fers.

La loi du 21 brumaire an v était beaucoup moins sévère; elle punissait de deux ans de fers seulement le soldat trouvé endormi en faction ou en vedelte dans les postes les plus près de l'ennemi ou sur les fortifications d'une place assiégée ou investie. Quant au même fait, commis dans d'autres circonstances, la loi n'en parlait pas, de sorte qu'on le considérait comme une simple infraction à la discipline.

L'art. 21 (24 du code) du présent projet est infiniment moins sévère; mais on a cru devoir, même pour le temps de paix, maintenir le fait du sommeil pendant la faction à la hauteur d'un délit, afin de ne pas amoindrir l'importance du devoir imposé aux sentinelles. C'est ce qu'ont fait aussi les auteurs du nouveau code de justice militaire français (a).

On remarquera peut-être que, dans ces dispositions du projet, il n'est pas fait mention, comme dans le code pénal actuel, de la sentinelle ou de la vedette trouvée ivre à son poste. C'est un cas qui ne peut guère se présenter, à moins que le militaire placé en faction ou en vedette ne se soit enivré avant d'y aller; et s'il en est ainsi, la plus grave part de responsabilité pèse sur le supérieur qui a chargé d'un service important celui qui est incapable de le remplir convenablement. L'homme qui est en faction ou en vedette peut aussi s'enivrer pendant qu'il y est; mais il faut, pour cela, qu'il abandonne son poste et, dans ce cas, il encourra une des peines de l'art. 20. (Exposé des motifs.)

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L'article 21 (24 du code) peut paraître fort

Pour que le militaire ayant abandonné son poste soit condamné à l'emprisonnement, il faut non-seulement que cet abandon ait eu lieu en temps de guerre, il faut en outre que ce militaire appar-indulgent lorsque le fait se produit en présence de tienne à l'armée active, c'est-à-dire à l'armée organisée sur le pied de guerre et destinée à agir contre l'ennemi. C'est alors seulement qu'existe la circonstance aggravante (Rapport de M. d'Anethan.)

(1) Le fait d'être trouvé endormi à son poste, prévu par l'article 21 (24 du code), est beaucoup moins grave. Le général d'Ambrugeac disait à la chambre des pairs, en 1829, en parlant de cette espèce de délit : «De toutes les fautes militaires, souvent il n'en est pas de plus involontaire et, par conséquent, de plus excusable. Des marches pénibles, de longues privations, l'excès des veilles, une chaleur accablante, un froid rigoureux, peuvent souvent forcer au sommeil le meilleur soldat. Aussi il est résulté de l'exagération des peines une impunité complète.

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En effet, les peines ont été longtemps exagérées. La loi du 17 octobre 1791 punissait de mort en

l'ennemi. Néanmoins, la commission n'a pas voulu se montrer plus sévère que le projet et que l'article 212 de la loi française.

Mais un autre point a dû attirer son attention. Le projet de loi ne reproduit pas l'assimilation qui existe entre la sentinelle ivre et la sentinelle endormie, dans les art. 92 et 98 du code de 1814.

Cependant, l'ivresse est une véritable plaie dans une armée; outre l'immoralité, dont elle est la

(a) On remarquera que l'Exposé des motifs est ici en désaccord avec le texte du projet qui porte (comme le code) une peine disciplinaire, pour le fait du sommeil pendant la faction en temps de paix (voy, article 21, § 4, du projet); ce n'est donc pas un délit, mais une simple faute disciplinaire. Dans le code français, au contraire, ce fait est passible de deux mois à six mois d'emprisonnement; il constitue conséquemment un délit, comme le dit notre Exposé des motifs. (G. N.)

Art. 25. Les peines de l'article précédent seront infligées à tout militaire qui, sans être en faction, aura abandonné son poste dans l'une ou l'autre des circonstances prévues par ledit article et suivant les distinctions qui y sont indiquées.

Si le coupable est chef de poste, le maximum de la peine lui sera appliqué.

S'il est officier, il sera condamné à la destitution en temps de guerre et puni disciplinairement en temps de paix (1).

Art. 26. Tout militaire qui, en temps de guerre, ne se sera pas rendu à son poste en cas d'alerte ou lorsque la générale aura été battue, sera puni d'un an à trois ans d'incorporation dans une compagnie de correction.

S'il est officier, il sera condamné à la destitution (2).

Art. 27. Sera puni de destitution, indépendamment des peines établies par des lois particulières, tout officier qui, par un des moyens prévus par ces lois, se sera rendu coupable d'offense envers la personne du roi ou envers les membres de la famille royale, ou aura méchamment et publiquement attaqué soit l'autorité constitutionnelle du roi, l'inviolabilité de sa personne ou les droits constitutionnels de sa dynastie, soit les droits ou l'autorité des chambres, soit la force obligatoire des lois, ou provoqué directement à y désobéir (3).

cause ou l'effet, elle peut avoir les plus graves conséquences lorsqu'elle se produit pendant le service. Si le sommeil peut avoir souvent une excuse, il n'y en a pas pour l'ivresse dans ces circonstances. Celui à qui le pays confie des armes doit se montrer digne de les porter.

Lorsqu'un soldat est placé en faction, les supérieurs chargés de le surveiller constatent l'état dans lequel il se trouve; s'il quitte son poste, il tombe sous l'application de l'art. 20 (23 du code). Mais si un tiers lui apporte de la boisson, il peut s'enivrer en faction et manque doublement à son devoir. Il y a donc lieu de dire au § 1er.. ... « aura été trouvé ivre ou endormi. » (Rapport de M. Guillery.)

Lors de la discussion de l'article, l'honorable rapporteur ajoutait :

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L'exposé des motifs donne de la suppression dont je parle, une raison que je ne puis admettre; il nous dit : « De deux choses l'une ou le faction« naire était ivre avant d'être en faction et alors « c'est le sous-officier qui est coupable de négli«<gence, ou bien il a quitté son poste pour aller << s'enivrer et alors il est coupable d'un autre délit << puni par le code. » Mais il y a une autre hypothèse, c'est celle où un militaire s'enivre à son poste même, parce qu'une tierce personne lui apporte ce qu'il faut pour s'enivrer. C'est ce troisième cas que nous avons voulu prévoir.

>>

M. BARA, ministre de la justice : « Nous nous rallions à l'amendement. » (Séance du 9 mars 1870. Ann. parl., p. 560.)

(1) Dans l'article 22 du projet (25 du code), on prévoit le fait d'un militaire qui, n'étant pas en faction, abandonne son poste. Evidemment, l'auteur de ce fait est moins coupable que la sentinelle en pareille circonstance. Cependant, le nouveau code militaire français le punit de la même peine, dans le cas le plus grave, et de peines peu inférieures, dans les autres cas. Cette sévérité semble être exagérée; l'échelle des peines établie dans l'article précédent, pour le cas où le militaire placé en vedette ou en faction y est trouvé endormi, a paru suffisante, sauf à appliquer le maximum au

coupable, s'il est chef de poste, et la destitution, s'il est officier et que le fait ait lieu en temps de guerre. (Exposé des motifs.)

(2) Ce qui én temps de paix n'est qu'une contravention de discipline peut constituer, en temps de guerre, un délit assez grave. Il en est ainsi du fait de ne pas se rendre immédiatement à son poste en cas d'alerte ou lorsque la générale est battue. Ce fait, qui n'a guère d'importance en temps ordinaire, peut en avoir beaucoup lorsque l'alerte est motivée par l'approche de l'ennemi. Aussi, le législateur a-t-il toujours établi des distinctions, fondées sur des circonstances différentes dans lesquelles la même faute pouvait être commise. La loi du 19 octobre 1791 prononçait la peine de mort pour le temps de guerre et une simple peine disciplinaire pour le temps de paix; la loi du 12 mai 1793, la peine de cinq ans de fers pour le temps de guerre, et les peines de trois mois et de six mois de prison pour le temps de paix. La loi du 21 brumaire an v punissait, en temps de guerre, l'officier de destitution avec trois mois de prison; le sousofficier de deux mois de prison et de cassation de son grade; le soldat d'un mois de prison. La même loi prononçait, pour le temps de paix, un à trois mois de prison et la destitution de grade.

L'art. 23 du projet (26 du code) se borne à prévoir le fait commis en temps de guerre, lequel seul constitue un délit. Dans les circonstances ordinaires, c'est-à-dire en temps de paix, on ne peut considérer le fait dont s'agit que comme une faute de discipline. (Exposé des motifs.)

- Il faut remarquer que le fait de ne pas se rendre à son poste, alors qu'on est désigné pour marcher à l'ennemi, constitue l'insubordination, punie de mort par l'art. 25 (28" du code). (Rapp. de M. Guillery.)

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Si le fait prévu par l'art. 26 est commis de propos délibéré et avec intention, la peine portée n'est pas trop sévère; mais si l'on appliquait cette peine pour un simple retard parfois involontaire, elle dépasserait les limites dans lesquelles la loi pénale doit se renfermer. (Rapp. de M. d'Anethan.) (3) Les faits énumérés dans l'art. 24 du projet

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