Immagini della pagina
PDF
ePub

Tout milicien que le tirage au sort a désigné pour le service et qui s'expatrie postérieurement pour se soustraire à l'incorporation (1).

Art. 46. Tout sous-officier, caporal, brigadier ou soldat coupable de désertion en temps de paix sera puni de l'incorporation dans une compagnie de correction pour trois ans au plus (2).

Art. 47. La durée de cette incorporation sera de deux ans à cinq ans (2) :

Si le coupable a déjà antérieurement été condamné pour désertion;
S'il a déserté de concert avec un camarade (3);

S'il a emporté son arme à feu ou emmené son cheval (3);

(1) Tout milicien, etc. Cette disposition, qui ne se trouvait pas dans le projet, a été ajoutée sur la proposition de la commission de la chambre, et en conformité de l'article 98 de la loi sur la milice, du 3 juin 1870. Voy. Rapport de M. Guillery.

(2) Art. 40 et 41 (46 et 47 du code). Ces articles déterminent les peines applicables aux déser

teurs.

Les délits de désertion sont fort communs dans notre armée. Cela provient, en partie, de ce que la loi qualifie de désertion des absences illégales qui pourraient être punies disciplinairement, en partie aussi de ce que les peines sont inefficaces. L'emprisonnement, par exemple, ou la détention, pour certains hommes auxquels les charges du service militaire paraissent trop lourdes, l'emprisonnement dans des établissements tenus comme le sont les prisons de notre pays, est considéré par ces hommes, la plupart remplaçants et substituants, non comme une pénalité, mais comme une retraite temporaire, un lieu de repos fort supportable, pour ne pas dire agréable, relativement à leur situation habituelle.

[ocr errors]

:

tant au juge d'abaisser la peine jusqu'au minimum de deux ans. Voici les motifs de cette combinaison:

L'article 41 (47) énumère un certain nombre de circonstances aggravantes de la désertion; mais il ne prévoit que les plus répréhensibles. Il peut se présenter des circonstances qui, sans être désignées dans cet article, exigent cependant une répression plus qu'ordinaire: c'est en vue de ce cas que le maximum de l'article 40 (46) a été porté au-dessus du minimum de l'article 41 (47). Mais, d'autre part, il peut arriver aussi que, lors même que la désertion n'a été commise avec aucune des circonstances énumérées dans l'art. 41 (47), il y ait lieu de prendre en considération certaines particularités impossibles à prévoir c'est pourquoi le minimum de l'art. 41 a été réduit en dessous du maximum de l'article 40 (46). Le juge pèsera toutes les circonstances de chaque cause, il appréciera le caractère, la moralité de chaque individu inculpé, et il aura toute la latitude nécessaire pour faire une juste application des peines.

Il est bien entendu que, dans les cas prévus par les SS 4 et 8 de l'art. 41 (47), le coupable sera puni, en outre, conformément au code pénal ordinaire. (Exposé des motifs.)

être portée à cinq ans, lorsque la désertion est accompagnée de circonstances considérées comme aggravantes par le présent article. Ces circonstances sont au nombre de sept. Vos commissions n'ont aucune observation à présenter sur les fre, 4e, 5e, 6e et 7e.

Quand la cause d'une maladie est connue, il suffit ordinairement de faire disparaître cette cause pour enlever le mal. En sera-t-il ainsi de la désertion, si notre projet de loi est adopté et mis en vigueur? (3) La peine de l'incorporation dans une comOn peut espérer tout au moins que ce délit de-pagnie de correction prononcée par l'art. 46 peut viendra beaucoup moins fréquent. Lorsque le soldat qui porte avec peine le fardeau du service militaire saura que la désertion n'est pas un moyen de s'y soustraire; que loin de là, il s'expose, en désertant, à voir s'aggraver la charge, il y regardera à deux fois avant de prendre cette résolution. La division de discipline est aujourd'hui un objet de terreur pour cette espèce d'hommes qui n'ont cherché dans la vie du soldat qu'une occasion de débauche et qui y ont trouvé des charges trop lourdes pour leur paresse. Les compagnies de punition ne leur paraîtront pas moins redoutables. Dans le principe, peut-être le nombre des désertions ne diminuera-t-il pas sensiblement, parce que le mal est passé à l'état chronique dans une certaine catégorie de soldats, mais quand les conséquences en seront bien connues, quand l'expérience du nouveau système sera acquise, il est indubitable que ce délit deviendra de plus en plus rare.

Pour que l'incorporation dans une compagnie de punition produise tout l'effet qu'on doit en attendre, sa durée ne peut être moindre d'une année le projet laisse au juge militaire une grande latitude dans l'application de cette peine. L'art. 40 (46) fixe à trois ans le maximum de l'incorporation pour désertion simple, et l'art. 41 (47) porte ce maximum à cinq années pour désertion avec circonstances aggravantes, tout en permet

Quand à la seconde : désertion de concert avec un camarade, la loi française de 1857 ne la range pas parmi les circonstances aggravantes, comme le faisait l'arrêté du 19.vendémiaire an xii, lequel punissait plus sévèrement la désertion qui n'était pas individuelle. Toutefois, vos commissions ne s'opposent pas à la disposition proposée, si ces mots de concert avec un camarade veulent dire avec un militaire du même corps, car c'est alors seulement que la gravité du fait de désertion est augmentée.

La troisième cause d'aggravation existe si le militaire a emporté son arme à feu. La loi française ne fait aucune distinction, dans ce cas, entre l'arme à feu et l'arme blanche (art. 232).

Vos commissions demandent que M. le ministre de la guerre veuille bien donner la raison de la différence proposée. (Rapp. de M. d'Anethan.)

Séance du sénat, du 10 mai 1870: M. le lieutenant général RENARD, ministre de la guerre « M. le rapporteur fait remarquer que l'art. 47 aggrave la peine du désertcur qui emporte son arme à feu. Il rappelle que la loi française

S'il faisait partie d'une patrouille, d'une garde, d'un poste ou de tout autre service armé au moment de la désertion;

S'il a franchi les limites du territoire belge;

S'il a déserté d'une compagnie de correction;

S'il a fait usage d'un congé ou permission contrefait ou falsifié.

ne fait aucune distinction entre l'arme à feu et l'arme blanche, et il demande la raison de celte différence.

[ocr errors]

Cette raison, messieurs, est bien simple. L'arme blanche fait partie de la tenue ordinaire du soldat; il peut la porter hors de service, et il lui arrivera de déserter sans prendre gardé s'il emporte avec lui son sabre ou sa baïonnette.

« Il n'en est pas de même du fusil, du mousqueton, du pistolet. Le soldat ne prend son arme à feu que lorsqu'il est commandé pour un exercice, une garde, un service en arme. Hors de ces cas, l'arme à feu reste dans la caserne au râtelier. Si donc un soldat déserte avec son fusil, il y a là l'indice d'une volonté bien arrêtée, d'une préméditation qui aggrave sensiblement le ait de la désertion."

a

M. le baron D'ANETHAN, rapporteur: « Messieurs, l'explication de M. le ministre de la guerre me paraît satisfaisante; personnellement, je n'y fais pas d'objection; elle était nécessaire pour justifier la différence entre la loi belge et la loi française.

« Vos commissions ont présenté une autre observation relativement au second paragraphe de cet article; il porte :

«S'il a déserté de concert avec un camarade.

<< Dans la pensée de la commission, le mot camarade s'entend d'un soldat faisant partie du même corps; elle croit que la gravité du fait n'est augmentée que dans ce cas.

Il est évident, en effet, messieurs, que le fait de la désertion est d'autant plus grave que plusieurs individus appartenant à un même corps complotent, se concertent, en quelque sorte, pour quitter leur régiment. Mais si un militaire déserte et qu'au sortir de la caserne, il rencontre un autre militaire qu'il entraîne avec lui, il est bien évident que le fait de cette désertion n'a pas la même gravité que s'il était commis par deux soldats appartenant au même corps et qui établiraient une espèce de complot pour déserter ensemble.

« Nous avons donc pensé, au sein de la commission, que le mot camarade doit s'entendre du militaire qui appartient au même corps que celui qui propose de quitter le régiment. Je ne sais si la commission a bien saisi le sens de ce mot qui se trouve dans la loi et que la loi française ne contient pas »

M. BARA, ministre de la justice : « Je crois, messieurs, que ce mot doit être interprété selon les circonstances, ainsi, l'honorable rapporteur dit qu'il faut que les deux individus qui désertent fassent partie du même corps pour que l'article leur soit applicable. Je ne crois pas que cela soit indispensable. Il est évident que celui qui aura pour camarade un soldat d'un autre régiment et qui formera avec lui une espèce de complot pour arriver à déserter son régiment aura commis un délit beaucoup plus grave que celui qui aura déserté seul, car ces deux individus se seront entendus pour favoriser les préparatifs de leur désertion, pour se procurer les moyens d'empê

cher la répression du délit. Je crois donc, messieurs, qu'il faut distinguer les circonstances.

« Je pense aussi que si, par le fait d'une coincidence, deux individus désertent en même temps sans qu'il y ait eu entre eux le moindre rapport pour préparer et assurer leur désertion, la circonstance aggravante qui résulte de l'article 47 ne leur est pas applicable. Pour qué cette circonstance aggravante existe, il faut qu'il y ait entre deux militaires un concert, une espèce de complot.

[ocr errors]

M. le baron D'ANETHAN, rapporteur: « Il faudrait cependant que le sens de l'article fût bien fixé. Ainsi, à Bruxelles, par exemple, nous avons les carabiniers à la caserne du Petit-Château et les grenadiers à la caserne Sainte-Elisabeth. Je suppose qu'un grenadier déserte en même temps qu'un carabinier et qu'ils se rencontrent immédiatement après avoir quitté leur corps respectif. Est-ce que cès deux individus seront censés avoir déserté de concert? >>

M. le lieutenant général RENARD, ministre de la guerre: « Evidemment, non; car ils avaient déjà déserté avant de se rencontrer >>

M. le baron D'ANETHAN, rapporteur: «Fort bien; mais s'ils se sont entendus d'avance? »

M. BARA, ministre de la justice : « Dans ce cas, il y aura eu concert. »>

M le baron D'ANETHAN, rapporteur : << Ainsi, deux militaires appartenant à des régiments différents s'entendant pour déserter seront considérés comme plus coupables que si chacun d'eux désertait isolément? »

M DELECOURT : Il faudrait donc dire: s'il a déserté de concert avec un autre, et supprimer le mot camarade. »

M. le baron D'ANETHAN, rapporteur: « En effet, le mot camarade doit faire croire qu'il s'agit d'un individu appartenant au même régiment.

:

[ocr errors]

M. le lieutenant général RENARD, ministre de la guerre Le mot camarade signifie évidemment militaire, j'en trouve la confirmation dans l'article 49.

<< Aux termes de l'art. 47, la désertion se présente avec une circonstance aggravante lorsqu'elle a été concertée entre deux militaires.

« Aux termes de l'art. 49, elle est réputée désertion avec complot, lorsqu'elle est effectuée de concert par plus de deux militaires.

« On voit donc que la loi a nettement établi des différences entre là désertion d'un militaire isolé, celle de deux militaires agissant de concert et la désertion de trois ou d'un plus grand nombre de militaires dont le concert est réputé complot et puni beaucoup plus sévèrement. »

M. le comte DE ROBIANO: « Si j'ai bien compris, ce qu'on a voulu, c'est punir plus sévèrement le concert arrêté entre plusieurs militaires pour déserter ensemble. Ainsi, il est arrivé un jour à Tournai, je pense, que tout un poste a été abandonné par ceux qui l'occupaient; évidemment, il y avait eu concert entre eux et ce fait était infiniment plus grave que celui d'un militaire désertant

Art. 48. Le maximum des peines portées aux deux articles précédents sera prononcé lorsque la désertion aura eu lieu en temps de guerre (1);

[merged small][ocr errors][merged small]

:

« Ainsi je ne puis pas considérer comme concert le fait d'un militaire qui, en rencontrant un autre, lui dit J'ai du service par-dessus la tête; voulons-nous déserter? et qui décide son camarade à le suivre. Ce fait, à coup sûr, est infiniment moins grave que celui de deux militaires concertant une désertion à la caserne et mettant leur projet ainsi prémédité à exécution. »>

M. le lieutenant général RENARD, ministre de la guerre « Je ferai remarquer que l'appréciation des cas doit être laissée aux tribunaux ; il leur appartient de distinguer si deux hommes qui ont déserté ensemble ou en même temps l'ont fait fortuitement, sans concert préalable entre eux. Il est impossible de prévoir dans la loi les cas particuliers, les nuances auxquelles l'honorable comte de Robiano a fait allusion. >>

"

M. le baron D'ANETHAN, rapporteur: «Messieurs, je tiens à ce que le sens de la loi soit bien établi. Quant aux nécessités de la discipline, je m'en rapporte complétement à M. le ministre de la guerre. Mais là loi dit : « S'il a deserté de concert avec un camarade. » Ce mot camarade signifiet-il un militaire quelconque?

[ocr errors]

M. le lieutenant général RENARD, ministre de la guerre « Oui! »

M. le baron D'ANETHAN, rapporteur " Dès lors je suis satisfait; il n'y aura pas de difficulté dans l'application.

« Je ne sais si ce mot camarade est un mot bien légal, si c'est un terme que l'on emploie dans le langage militaire pour indiquer un individu appartenant à l'armée; nous avions cru, au sein de la commission, qu'il signifiait un soldat de même régiment. Si nous nous sommes trompés, il eût été préférable d'employer une autre expression, ne pouvant donner lieu à aucune différence d'interprétation. Je demande done au gouvernement si ce mot camarade s'entend, d'une manière générale, de tout militaire. »>

M. BARA, ministre de la justice : a Sous l'ancien code, le complot pouvait être formé par deux personnes appartenant à l'armée; or, messieurs, nous avons trouvé que le complot, pour revêtir le caractère qui lui est propre, devait être formé par plus de deux personnes. Mais nous avons aussi admis que deux militaires s'entendant pour déserter devaient être punis de peines plus fortes que si un seul militaire désertait. Il n'y aura plus alors la peine du complot, mais une peine intermédiaire.

« Donc, dans le cas de l'art. 47, il s'agit d'un véritable dessein, d'un concert entre deux militaires, c'est le complot de l'ancien code. >>

M. DELECOURT: « Qui peut être formé spontané

ment? »

M. BARA, ministre de la justice : « Pas du tout; ainsi, si deux militaires désertent sans qu'il y ait

entre eux la moindre connivence, il n'y a pas d'association, ce sont deux faits distincts. >>

M. DELECOURT: « Je désirerais savoir de l'honorable ministre s'il faut qu'il y ait, comme le disait tout à l'heure l'honorable comte de Robiano, préméditation ou concert, ou s'il suffit que deux militaires se rencontrent dans la rue et se tiennent le langage supposé par M. le comte de Robiano, pour qu'ils puissent être punis avec la circonstance aggravante de la préméditation?

«En d'autres termes, je ne saisis pas très-bien les caractères distinctifs qui existent entre le concert et la préméditation.

[ocr errors]

M. BARA, ninistre de la justice : « L'honorable M. Delecourt demande si une conversation qui aurait lieu dans la rue entre deux militaires serait considérée comme concert ou préméditation; les tribunaux jugeront. Il peut se faire que cette délibération soit un concert; je suppose que deux criminels se rencontrent et se disent: « Si nous «allions voler dans telle maison? » Il y a là préméditation, ce serait un vol prémédité; si done deux soldats se rencontrent et se disent: « Si nous " désertions? 10 Il y a là également préméditation; c'est une question qui rentre dans l'examen des faits laissés aux tribunaux. »

- L'art. 47 est adopté. (Ann. parl., p. 224.) (1) Cet article prévoit le cas où la désertion a lieu en temps de guerre. Il punit cette désertion du maximum des peines portées aux art. 40 et 41 146 et 47), c'est-à-dire de l'incorporation dans une compagnie de punition pour trois années, dans le cas de désertion simple, pour cinq ans, dans le cas de désertion accompagnée de l'une des circonstances aggravantes énumérées en l'article 41 (47).

Le code pénal militaire de 1814 punit la désertion en temps en guerre de six ans de brouette, lorsqu'elle a lieu de l'armée ou d'une place forte dans le voisinage de l'ennemi.

Cette peine a été appliquée à tous les déserteurs de l'armée active pendant l'état de guerre, depuis 1830 jusqu'à 1839; mais il en est fort peu qui l'aient subie entièrement. La plupart obtenaient des commutations de peine peu de temps après leur condamnation. Il s'en est suivi que les rigueurs de la loi ne produisaient aucun effet préventif, et que les mauvais soldats n'attachaient pas plus d'importance à une condamnation pour désertion qu'ils ne le font en temps de paix.

Aux termes de l'art 132 du code pénal de 1814, la désertion d'une garnison ou d'un cantonnement dans l'intérieur du pays et éloigné du théâtre de la guerre, quoiqu'elle ait lieu en temps de guerre, est punie comme en temps de paix, avec cette différence seulement que le déserteur ne peut réclamer le bénéfice du retour volontaire.

Cette distinction entre deux désertions commises en temps de guerre, l'une par un soldat qui fait partie de l'armée active, l'autre par un soldat qui fait partie des troupes de garnison laissées dans l'intérieur du pays, parait fort inutile, du moment que la peine n'a rien d'exageré, même relativement à l'infraction de ce dernier. Il convient d'ailleurs, dans tous les cas, que la déser tion en temps de guerre soit punie plus sévèrement que la désertion en temps de paix

L'application exclusive à tous les cas de désertion

27 MAI 1870.

Art. 49. Est réputée désertion avec complot, toute désertion effectuée de concert par plus de deux militaires (1).

Art. 50. Le chef du complot sera puni, en temps de paix, d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et de l'incorporation, pendant cinq ans, dans une compagnie de correction; en temps de guerre, il sera condamné à la reclusion.

Les autres coupables seront punis, en temps de paix, de l'incorporation dans une compagnie de correction pour cinq ans; en temps de guerre, ils seront condamnés, en outre, à un emprisonnement de deux ans à cinq ans (1).

(sauf la désertion à l'ennemi et la désertion en présence de l'ennemi) de la peine de l'incorporation dans une compagnie de punition donnera lieu peut-être à cette observation, que s'il y a des hommes qui ne veulent pas servir et qui désertent jusqu'à ce qu'ils soient condamnés à la brouette et déchus du rang militaire, il faut bien, pour les individus de cette espèce, avoir recours à l'incarcération. Cette objection serait grave, s'il n'était pas possible d'organiser les compagnies de punition de telle manière que les récidivistes incorrigibles de désertion soient empêchés de continuer à commettre ce délit; mais qu'est-ce qui empêche de former, des hommes de cette espèce, une compagnie spéciale, qui sera logée dans une citadelle ou un fort quelconque et dans laquelle l'usage des permissions de sortie serait inconnu? C'est là une affaire d'organisation, pour laquelle il faut nécessairement laisser au ministre de la guerre toute latitude. (Exposé des motifs.)

(1) Le complot de désertion a fourni la matière de douze articles dans le code pénal militaire de 1814. Toutes les circonstances possibles y sont prévues et les distinctions abondent.

Lorsque des militaires ont fait entre eux un complot ou une trame pour déserter, comme dit ce code, ils sont punis de peines plus ou moins sévères, suivant le temps de paix ou de guerre, suivant le nombre des coupables, suivant le grade de chacun d'eux, suivant que le complot a été ou non suivi d'exécution; mais pour appliquer ces dispositions, il faut commencer par prouver l'existence du complot ou de la trame, et alors surgissent d'inextricables difficultés. Les tribunaux militaires n'ont trouvé d'autre moyen de les résoudre que de considérer comme coupables de complot de désertion tous ceux qui ont déserté de concert et simultanément. Cette jurisprudence a pris la place d'une loi qui manque de précision.

La législation antérieure était plus défectueuse encore. Victor Foucher l'a résumée en peu de lignes dans son Commentaire sur le code de justice militaire.

"La loi du 12 mai 1793, dit-il, ne s'occupait de la désertion avec complot que pour punir plus sévèrement le chef du complot ou pour indiquer ceux des coupables qui devaient être considérés comme tels. Ces dispositions étaient également seules retenues par la loi du 21 brumaire an v. L'arrêté du 19 vendémiaire an XII déclarait chefs de complot ceux qui étaient ainsi qualifiés par la loi de l'an v et punissait de mort tout chef de complot, sans distinguer entre les diverses espèces de désertion. Le décret du 23 nivôse an XIII réputait chef de complot tout militaire ou autre individu employé à la suite de l'armée, convaincu d'avoir excité ses camarades à déserter, soit à l'ennemi, soit à l'étranger, soit à l'intérieur, et le

punissait de mort. Le décret du 8 vendémiaire an iv étendait les dispositions relatives au chef de complot au plus âgé des coupables, et les rendait communes aux employés à la suite de l'armée, comme le faisait déjà le décret de l'an XIII. Enfin, un décret du 2 février 1812 déclarait chef de complot tout officier qui participait à la désertion, et ce décret autorisait les conseils de guerre à prononcer la peine de mort même contre les principaux instigateurs, en refusant à l'officier le béné fice de l'article 7 de la loi de l'an v, qui exemptait de poursuites le révélateur d'un complot de désertion. En dehors de ces dispositions, l'arrêté du 19 vendémiaire an XII faisait seulement de la désertion non individuelle une circonstance aggra

vante. >>

La nouvelle loi française procède avec plus de méthode. Après avoir défini, dans un premier article, ce qu'elle entend par désertion avec complot, elle en règle la pénalité, non-seulement par rapport à la part qu'y a prise chaque coupable, mais aussi selon les circonstances dans lesquelles la désertion a eu lieu. La désertion avec complot est celle qui est effectuée de concert entre plus de deux militaires. Cette définition a été adoptée dans le présent projet; elle exclut tout complot de désertion non suivi d'exécution. Pour que l'infraction existe, il faut que la désertion soit effectuée et qu'il y ait trois coupables au moins la désertion effectuée de concert par deux militaires rentre dans la catégorie des désertions avec circonstances aggravantes, prévues par l'art. 41 (47) ci-dessus.

Le chef du complot de désertion sera puni des travaux forcés de quinze à vingt ans, en temps de guerre, de la reclusion, en temps de paix. Les autres coupables seront condamnés à la reclusion, en temps de guerre, incorporés dans une compagnie de punition pour cinq ans, en temps de paix. Čes peines sont sévères, mais l'infraction dont il s'agit est, au point de vue de l'armée et de la défense du pays, une des plus graves et des plus dangereuses.

S'il n'est fait, dans l'art. 44 (50 du code), aucune mention d'officier, c'est qu'on ne connaît pas d'exemple, en Belgique, d'officiers qui aient trempé dans un complot de désertion. Aucun fait semblable ne s'est produit, même dans les temps les plus rapprochés de la révolution. Du reste, on ne peut prévoir la participation d'un officier à un complot de désertion qu'en temps de guerre. et si pareille chose arrivait, le crime serait assez grave pour que l'officier fut soumis à la loi militaire commune et qu'on lui appliquât l'une des peines de l'art. 44 (50).

Cet article ne définit pas ce qu'il faut entendre par chef de complot; celte qualification ne pourra donc plus résulter de plein droit, comme sous l'ancienne législation, du grade ou de l'ancienneté

27 MAI 1870.

Art. 51. Tout déserteur en présence de l'ennemi sera puni de la détention de dix ans à quinze ans, s'il est officier; de la reclusion, s'il est d'un rang inférieur (1). Art. 52. Sera puni de mort, tout militaire coupable de désertion à l'ennemi (2).

du coupable. Cependant les juges trouveront, dans cette législation abrogée, des principes qui pourront les guider dans l'appréciation du fait, pour déterminer les caractères auxquels se reconnaît un chef de complot. (Exposé des motifs.)

(1) Cet article punit la désertion commise en présence de l'ennemi.

On trouve une disposition analogue dans la loi du 21 brumaire an v et dans notre code pénal militaire de 1814, dont l'art. 116 est ainsi conçu : Tout militaire qui désertera, en temps de guerre, de l'armée ou d'une place forte dans le voisinage de l'ennemi, sans des circonstances aussi aggravantes que celles qui sont indiquées dans le chapitre précédent ou qui seront indiquées dans le présent chapitre, sera puni, si c'est un officier, par la peine de mort, et si c'est un sous-officier ou un soldat, par la peine de la brouette pour dix ans.

Les termes de cette disposition sont évidemment trop vagues, trop élastiques, et les peines sont exagérées. La rédaction de l'art. 45 du projet (51 du code) est empruntée au nouveau code francais, dont l'art. 239 se borne à dire : Est puni de la détention, tout déserteur en présence de l'ennemi. La désertion en présence de l'ennemi est pour l'officier une espèce d'acte de trahison; mais elle n'a pas le même caractère lorsqu'elle est commise par des soldats ou autres militaires de grades inférieurs. Si, pour le fait énoncé au présent article, le militaire non officier mérite la peine de la reclusion, l'officier, plus coupable que le premier, doit encourir un châtiment plus rigoureux. L'article 45 (51) le punit de la détention de dix ans à quinze ans. (Exposé des motifs.)

La désertion devant l'ennemi constitue le fait le plus répréhensible et, en même temps, celui qui peut avoir les plus graves conséquences pour le salut comme pour l'honneur de l'armée. Il y a, dans le mauvais exemple, quelque chose de contagieux et, dans ce moment suprême où doivent se concentrer toutes les forces comme tous les courages, les actes de lâcheté et de trahison sont bien plus à redouter qu'un complot de désertion en temps de paix et doivent être réprimés plus

sévèrement.

Le complot est une circonstance aggravante de la désertion, mais il n'implique pas nécessairement la lâcheté et la trahison, qui caractérisent la désertion devant l'ennemi. Tel homme qui passe la frontière avec deux de ses camarades pour aller servir dans une légion étrangère, reviendra, au moment du danger, dans son pays et s'exposera même à une condamnation plutôt que de manquer au feu. (Rapp. de M. Guillery.)

(2) Le militaire qui passe à l'ennemi n'est pas un déserteur proprement dit, c'est un transfuge. Sous le droit romain, ce crime était assimilé à la trahison; ses auteurs étaient punis de la même manière que les traîtres. On ne considérait pas le transfuge comme militaire, mais comme ennemi. Proditores, transfuga, plerumque capite puniuntur, et exauctorati torquentur: nam pro hoste, non pro milite habentur (a). On pendait les transfuges

(a) L. 7, Dig. de re militari. (b) L. 8, S2, Dig. de pœnis. (c) L. 38, § 1, id.

ou on les brûlait vifs: Hostes autem, item transfuga, ca pœna adficiuntur ut vivi exurantur (b). Transfuge ad hostes, vel consiliorum nostrorum renunciatores, aut vivi exuruntur aut furcæ suspenduntur (c). Partout où on les rencontrait, il était permis de les tuer comme ennemis de la république. Transfugas licet, ubicumque inventi fuerint, quasi hostes interficere(d). Publius Scipion fit crucifier les transfuges romains; d'autres les livrèrent aux bêtes. Is qui ad hostem confugit et rediit, torquebitur, ad bestias vel in furcam damnabitur, quamvis milites nihil eorum patiantur (e). Les mœurs ont bien changé depuis l'époque romaine; mais dans tous les temps, les transfuges ont été punis de mort. Sous l'ancienne législation de notre pays, la peine des transfuges était la potence. « Dans la langue française, dit Clerin, le mot déserteur comprend aussi bien le transfuge que le déserteur et l'emansor; la peine est également capitale, mais avec cette différence que celle du transfuge est la potence, et celle des deux autres, de passer par les armes, c'est-à dire d'être arquebusé, comme on dit vulgairement (f).

Les lois modernes ne se sont pas beaucoup écartées, en cette matière, de la législation anchenne. Le code du 12 mai 1793 punissait de mort tout militaire qui passait à l'ennemi ou chez les rebelles, sans y être autorisé par ses chefs. L'article 1er de la loi du 21 brumaire an v portait la même peine, et les art. 2 et 3 définissaient quelques cas particuliers dans lesquels les militaires devaient être considérés comme coupables de désertion à l'ennemi. Ces dispositions ont été reproduites avec de légères modifications de style dans les art. 107, 108, 109 et 110 de notre code pénal militaire de 1814, lesquels sont ainsi conçus :

Art. 107. Tout militaire ou autre, appartenant à l'armée ou à sa suite, qui désertera à l'ennemi, qui passera à l'ennemi sans en avoir reçu l'ordre par écrit de son chef, sera puni par la corde.

Art. 108. Celui qui aura tâché de faire l'un ou l'autre, mais qui aura été empêché dans l'exécution de son dessein, sera puni par la corde, par les armes ou condamné à la brouette pour quinze ans, selon les circonstances, pourvu que la tentativeaitété avérée par des actions ou des démarches ostensibles.

Art. 109. Tout militaire ou tout autre attaché à l'armée ou à sa suite, qui dépasse, sans ordre ou sans permission par écrit de son supérieur, les bornes de la ligne de démarcation tracée par le commandant du corps auquel il appartient, du côté par où l'on pourrait communiquer avec l'ennemi, sera considéré comme déserteur à l'ennemi, et, comme tel, puni par la corde ou les armes, selon les circonstances du cas.

Art. 110. Sera considéré et puni comme tel, tout militaire ou autre appartenant à l'armée ou à sa suite, qui se sera permis de sortir d'une place assiégée ou investie par l'ennemi, sans une permission écrite du commandant de cette place.

Dans le projet, toutes ces dispositions ont été réduites en une seule, comme dans le nouveau code militaire français. Victor Foucher, dans son

(d) L. 3, § 6, Dig, ad. L. Cornel., de sicariis.
e) L. 3, S 10, Dig. de re militari.
Code militaire des Pays-Bas.

« IndietroContinua »