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Art. 3. En cas de guerre ou lorsque le territoire est menacé, le roi peut rappeler à l'activité tel nombre de classes congédiées qu'il juge utile, en commençant par la dernière.

Il est immédiatement rendu compte de cette mesure aux chambres.

La disposition du présent article ne restera en vigueur que jusqu'au 1er janvier 1880 (3).

Art. 4. Dans les cas prévus par l'article précédent (4), sont dispensés du rappel : 1o Les hommes mariés;

2o Ceux dont la première publication de mariage a été affichée avant l'ordre de rappel, pourvu que le mariage soit contracté dans les vingt jours;

3o Les veufs qui ont un ou plusieurs enfants de leur mariage.

Art. 5 (5). Le contingent annuel est divisé en deux parties : l'une active, l'autre de réserve, assignée à l'infanterie.

Chacune des deux parties du contingent est répartie par le roi entre les provinces

(3) Cette dernière disposition est due à l'initiative de l'honorable M. VAN HUMBEECK, quí la motivait en ces termes: « La loi de 1853 donnait au roi la faculté de rappeler des classes congédiées, en cas de guerre ou lorsque le territoire était menacé. Cette faculté était illimitée ; mais la loi de 1853 avait eu soin de dire que cette faculté n'était consacrée qu'en attendant la révision des lois de milice.

a

Aujourd'hui le projet de loi nous reporte textuellement à la disposition de la loi de 1853, mais en lui enlevant son caractère transitoire. Cependant, messieurs, dans l'intervalle, il s'est passé un fait dont vous avez gardé le souvenir, car il est encore récent.

« Nous avons augmenté le contingent, parce qu'on a reconnu que l'expédient consacré par la loi de 1833 était à la fois peu juste et peu pratique. Peu juste, parce qu'il était d'une rigueur extrême, parce qu'il consacrait, en certain cas, le principe du service à vie, principe qui n'a reçu d'application qu'en Russie, et dont la Russie ne veut même plus aujourd'hui. Peu pratique, parce qu'il était difficile de trouver des classes libérées au delà des deux premières, de les recomposer et d'amener rapidement les hommes sous les drapeaux.

« Ce système présentait donc des inconvénients sérieux, aujourd'hui surtout que la nécessité d'une prompte mobilisation est universellement re

connue,

« On ne pouvait pas supprimer la faculté immédiatement; il fallait que le contingent augmenté eût fonctionné pendant quelques années. C'est ce que j'ai reconnu moi-même dans mon rapport de l'année dernière sur l'une de nos lois militaires; l'honorable rapporteur de la section centrale a bien voulu mentionner mes paroles sur ce point dans son travail. Mais, d'un autre côté, il me parait impossible aussi de maintenir dans la loi, d'une manière illimitée et définitive, la faculté du rappel sous les armes, tandis que jusqu'à présent elle n'a jamais eu qu'un caractère provisoire.

« Le contingent augmenté devra fonctionner pendant quelques années avant qu'on puisse supprimer la faculté du rappel, mais ce nombre d'années peut être facilement calculé.

« On a toujours pensé que dix contingents de 10,000 hommes devaient nous donner cent mille hommes; or, il a été reconnu que ces calculs

étaient erronés, qu'il y avait des déchets considérables.

<< Mais dix contingents de 12,000 hommes nous donneront certainement l'effectif de 100,000 hommes et dès lors on ne méconnaîtrait en rien les exigences de la défense nationale, en donnant à l'article 3 du projet de loi un caractère transitoire, en ce sens qu'il cesserait d'être en vigueur au 1er janvier 1880. »

M. le lieutenant général RENARD, ministre de la guerre « Le gouvernement n'a aucune raison de ne pas accepter l'amendement de l'honorable M. Van Humbeeck. Il est certain que les douze mille hommes de contingent nous garantissent un effectif total de 100,000 hommes et que dès lors l'expédient introduit dans la loi de 1853 n'aura plus de raison d'être pour l'époque fixée par l'honorable membre. » (Séance du 21 mai 1869. Ann. parl., p. 944.)

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(4) Dans les cas prévus par l'article précédent. Ces mots, qui ne se trouvaient pas dans le texte du projet, ont été ajoutés par la section centrale. M. MULLER disait: Si l'on considérait isolément cet article, en lui donnant une portée absolue, on pourrait en inférer qu'il y aurait lieu d'appliquer les dispenses qu'il accorde, même aux classes dont le service de huit ans ne serait pas achevé. Mais tel ne peut être le but du projet, et nous dissipons dans le premier paragraphe tout doute sur ce point.» (Rapp. de la sect. centrale.)

(5) Aujourd'hui, dit l'Exposé des motifs, le contingent annuel est de 10,000 hommes. Il y a plus de vingt ans que, sans tenir compte du mouvement ascendant de la population, il reste fixé à ce chiffre: si le contingent de l'armée avait suivi la même progression que la population, il serait aujour d'hui de 12,200 hommes (a).

La charge de la milice se trouve ainsi allégée par la force même des choses. Elle le sera de plus

(a) En 1831, la population du pays était de 3,785,814 habitants et le contingent de l'armée de 10,000 hommes. En 1840, la population était de 4,073,162 habitants; en suivant la même progression, le contingent aurait été de 10,756 hommes.

En 1850, sur une population de 4,426,202 habitants, le contingent aurait été de 11,691 hommes.

En 1859, sur une population de 4,623,089 habitants, le contingent aurait été de 12,211 hommes.

en plus, et en raison inverse de l'accroissement du nombre des habitants. Cependant le service militaire restera toujours un impôt assez lourd pour exiger une juste répartition.

Trois systèmes ont occupé notre attention: Le premier a pour base de la répartition du contingent la population générale;

Le second, le nombre des miliciens inscrits ; Le troisième, le nombre des miliciens reconnus valides.

Le principe qui règle le contingent proportionnellement à la population a été adopté par la loi de 1817. Il était emprunté à la première loi française sur la conscription. Les vices de cette répartition n'avaient pas eu alors l'occasion de se montrer, car les besoins incessants de la guerre avaient créé une inexorable égalité de fait tous les hommes capables de combattre étaient successivement appelés à l'activité.

Au retour de la paix, le résultat du tirage au sort fut de séparer les jeunes gens de chaque classe en deux catégories: les uns soumis au service personnel, les autres libérés par une chance heureuse. La situation était complétement changée. Toutefois le mode de répartir le contingent resta même. Lorsqu'on demande à tous les hommes de dix-neuf ans un service qui ne doit être éventuellement fourni que par le quart d'entre eux, il est au moins étrange de choisir, pour établir la répartition de cette charge, une population composée non-seulement de ces hommes de dix-neuf ans, mais encore des femmes, des enfants, des hommes de tout âge. Aussi de nombreux abus sortirent de cette manière de procéder.

En France, dès 1830, ce système, évidemment mauvais, fut abandonné. Après quelques essais, des dispositions nouvelles furent définitivement adoptées en 1836. Depuis cette époque, la répartition du contingent est basée sur le nombre des jeunes gens inscrits de chaque classe.

avant

La Belgique a fini par suivre cet exemple; d'en venir là, dix longues années se passèrent, ce qui prouve, qu'on nous permette de le dire en passant, que chez nous les innovations en matière de milice prennent du temps à s'introduire dans la législation.

La répartition faite sur le nombre des inscrits remédie à la plupart des inconvénients du système précédent; mais il faut l'avouer, elle n'est pas elle-même au-dessus de tous reproches. Il arrive, en effet, dans les petites localités, qu'on est obligé d'épuiser la population valide d'une classe, et même d'appeler par rétrogradation des hommes des classes antérieures, tandis que d'autres communes ne fournissent qu'une partie des miliciens inscrits. La situation ou prospère ou misérable des diverses localités exerce aussi, dans un sens ou dans l'autre, une assez grande influence sur la population recrutable, si l'on veut bien permettre l'emploi de ce mot (a).

(a) En France, on a constaté que, dans certains départements et à une époque donnée, sur 1,000 inscrits 700 étaient aptes au service, et dans d'autres 280 seulement.

La crise des Flandres a fourni une seconde preuve de la vérité de cette observation. En recherchant, pour 1847, le rapport entre le nombre des miliciens inscrits et celui des exemptés pour défauts corporels, dans le Hainaut, d'une part, et dans les arrondissements de Roulers, de Courtrai et de Thielt, d'autre part, nous trouvons: Dans le Hainaut. 1 exempté sur 7,24 inscrits. Dans les trois arrondissements flamands.

1

» 2,89 D

Pour faire disparaître ces inégalités, on a proposé d'asseoir la répartition du contingent sur le nombre de miliciens déclarés propres au service. Cette idée a quelque chose de séduisant. Au sein de la commission, elle a trouvé des défenseurs. Ils ont soutenu que cette répartition est seule juste, parce que seule elle peut donner les mêmes chances à tous les hommes appelés à tirer au sort; qu'elle présente cet avantage de faire disparaître les nonvaleurs.

La majorité a repoussé cette proposition pour les motifs suivants: en premier lieu, on ne pourrait adopter ce mode de répartition sans tomber dans les graves inconvénients dont nous avons parlé, à savoir la perte des ajournés désignés, et l'examen de tous les miliciens préalablement au tirage au sort.

:

En France, on a prétendu, il est vrai, qu'on pourrait parvenir à fixer le contingent proportionnellement à la population recrutable, sans être obligé de faire le tirage; la méthode indiquée repose sur des calculs d'un ordre fort élevé ; il se peut qu'elle soit satisfaisante pour des savants, mais elle ne le serait certainement pas pour les masses, qui tiennent à voir clair dans les choses qui les touchent d'aussi près que la milice.

Une seconde remarque, c'est qu'aujourd'hui le conseil de milice est armé contre les simulations d'infirmités et contre les déclarations fausses en matière d'exemptions; ce collége trouve des auxiliaires dans les jeunes gens porteurs de numéros douteux, dans leurs familles, dans les membres de l'administration communale qui tous plaident pour la vérité : la loi, en mettant en présence ces intérêts divers ou opposés, crée une communauté d'efforts en faveur de la justice; si le conseil de milice statuait sur les réclamations sans que le contingent eût été préalablement fixé, ils n'auraient tous qu'un intérêt commun, celui de voir la matière imposable réduite autant que possible par des exemptions obtenues n'importe comment: la loi alors apporterait elle-même les germes de la fraude.

En troisième lieu, cette répartition n'aurait pas le caractère d'équité qu'on lui prête. On peut considérer chaque commune comme une unité collective, et les jeunes gens de dix-neuf ans comme représentant un des éléments du travail et de la richesse de cette unité; or, les causes d'inaptitude du service militaire n'empêchent pas, en général, les hommes exemptés de se livrer à l'agriculture, à l'industrie, aux professions libérales; loin donc d'établir, par ce mode de répartition, l'égalité dans les chances du sort, on augmenterait la charge des communes où la population est la plus belle, et on diminuerait, hors de toute mesure, leur puissance de production; d'un autre côté, les localités où il y a le d'hommes impropres au service jouiraient d'une faveur particulière, car elles conserveraient proportionnellement un nombre considérable de jeunes gens qui, pour ne pas convenir à l'armée, ne sont pas moins utiles à la communauté et concourent à sa prospérité.

plus

Les deux derniers systèmes que nous venons d'examiner ont été soumis, en France, à une épreuve que la majorité de la commission trouve décisive. La question dans ce pays a d'abord donné lieu à deux enquêtes administratives; voici quel en a été le résultat :

En 1839, sur 131 fonctionnaires, préfets, généraux, intendants militaires, qui avaient concouru

et par la députation permanente du conseil provincial entre des cantons de milice, composés soit d'une, soit de plusieurs communes voisines appartenant à un même arrondissement administratif (6).

aux opérations du recrutement, 13 seulement appuyèrent l'idée de faire la répartition du contingent d'après le nombre des hommes valides, et 118 se constituèrent les défenseurs du système existant, qu'ils proclamaient à la fois le plus pratique et le plus juste.

En 1842, 230 fonctionnaires sur 253 insistèrent vivement auprès du gouvernement en faveur du maintien de ce mode de répartition, et rejetèrent la proposition de baser le contingent sur la population recrutable.

Enfin, en 1849, une assemblée, qui, en général, ne s'est pas montrée trop timide en fait de réformes, et qui avait annoncé la prétention d'introduire les principes de la démocratie dans les lois sur le recrutement de l'armée, n'a trouvé rien de mieux que de conserver la répartition assise sur le nombre des miliciens inscrits.

La commission est d'avis que l'innovation proposée ne serait pas une amélioration. Elle a conservé, dans l'article 5 du projet, le principe admis par la loi de 1847, et qui, sous quelque aspect qu'on l'envisage, est le plus simple et le moins imparfait.

(6) La sous-répartition s'est opérée jusqu'à présent par communes. La sous-répartition par cantons de milice spéciaux et déterminés qu'introduit l'article 5 est justifiée en ces termes dans le rapport de la section centrale:

Déjà le gouvernement des Pays-Bas avait pro posé la répartition par cantons de milice et le projet de loi de 1817 consacrait ce principe; mais la grande majorité des sections se prononça dans un sens contraire, par des motifs qui sont consignés dans le tome IV de la Pasinomie, 2e série, et que nous allons résumer.

Comme on espérait alors que les administrations 'communales s'attacheraient et réussiraient à recruter, à leurs frais, un grand nombre de volontaires pour atténuer la charge de la milice incombant à leurs habitants, on fit remarquer que, dans le système cantonal, chaque commune, ignorant avant le tirage la quotité d'hommes qu'elle doit fournir, serait intéressée à ne laisser sortir du rang de ses classes que le moins de volontaires possible. L'argument avait de la valeur pour ceux qui croyaient à la probabilité d'une milice formée presque exclusivement de volontaires. Mais ils durent bientôt abandonner leur illusion après la mise en vigueur de la loi en effet, l'article 30 resta, en quelque sorte, à l'état de lettre morte.

Un deuxième grief, qui fut opposé au tirage par canton, c'est qu'il peut amener dans le contingent des différentes communes une grande inégalité, par suite de laquelle quelques-unes, surtout les moins populeuses, courraient le risque d'être privées, plusieurs années de suite, de tous les jeunes gens de l'âge de la milice. En regard de cette hypothèse, tout à fait improbable, d'un méchant sort frappant à coups redoublés et sans interruption la même commune, nous signalerons plus loin les tristes conséquences, les injustices flagrantes et palpables que le tirage communal fait tout particulièrement peser sur les petites localités.

Enfin, pour écarter la répartition cantonale, on s'appuya, dans les sections des états généraux, sur les difficultés et les frais qu'entraînerait la com

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position des conseils qui doivent présider au tirage, et dans le sein desquels il convient que chaque commune compte un représentant. Or, rien n'est plus simple et plus facile que de maintenir cette garantie sans surcroît de dépenses. Sous l'un ou l'autre régime, on tire au même lieu; les inscrits sont appelés à l'urne par communes séparées; pour chacune d'elles, un membre de son collége échevinal surveille et contrôle les opérations relatives à ses administrés. La seule différence, c'est qu'il n'y a qu'une série de numéros pour tous les inscrits du canton, au lieu d'avoir autant de séries que de communes.

Après avoir passé en revue les objections dont le tirage par canton a été l'objet lors de l'examen de la loi de 1817, abordons celles que renferme l'Exposé des motifs du projet de 1864.

Il s'exprime en ces termes : « Le tirage se fait par commune. On a soulevé la question de savoir s'il ne serait point préférable de choisir, pour cette opération, une autre circonscription, par exemple l'arrondissement ou le canton. On éviterait ainsi les pertes dérivant de la répartition du contingent sur de très-petits nombres; mais à côté de ce résultat, viennent se placer de grands inconvénients. Sous le régime actuel, chaque commune concourt à la formation d'un contingent proportionnellement à ses inscrits; avec un tirage au sort par arrondissement, on arriverait à des inégalités choquantes telles communes seraient écrasées sous le poids de leurs charges; telles autres singulièrement avantagées par le hasard. Si le tirage avait lieu par arrondissement, ou même par canton, beaucoup d'abus se produiraient dans la délivrance des certificats destinés à faire obtenir certaines exemptions. On verrait disparaître ou tout au moins s'affaiblir le controle qu'exercent, à cet égard, les miliciens et leurs familles, contrôle dont nous avons constaté les effets utiles. Le droit d'appel contre les décisions des conseils de milice deviendrait illusoire, les miliciens d'un ressort si étendu ne se connaissant pas. La commission est d'opinion que cette proposition doit être rangée parmi celles qui se présentent à l'esprit sous l'apparence d'un progrès et qu'un examen réfléchi fait condamner, »>

Cette appréciation est-elle bien exacte, est-elle à l'abri d'une réfutation victorieuse? Nous le croyons d'autant moins, qu'elle est très-incomplète en ne signalant, comme inconvénient du tirage par commune, que les pertes qu'il fait subir à l'armée, et qu'elle est exagérée dans l'appréhension des abus qui résulteraient de la répartition cantonale et contre lesquels on peut se prémunir.

Disons, tout d'abord, qu'il ne s'agit pas, pour nous, d'un tirage par arrondissement, ce qui amoindrit singulièrement l'argumentation de la commission de 1858. Dans les neuf dixièmes des cantons de milice, les inscrits seront, à coup sûr, beaucoup moins nombreux que ceux de nos grandes villes, qui ne sont pas divisés en sections séparées et qui plongent la main dans la même urne. A l'autorité qu'inspire l'honorable rapporteur du projet de 1864, nous opposerons celle d'un administrateur également distingué, ayant aussi acquis une longue expérience des affaires de milice. M. Jamme, commissaire de l'arrondissement de

Les jeunes gens astreints par leur âge à l'inscription de la milice, qui ont contracté un engagement volontaire avant l'opération du tirage au sort, sont comptés numé

Liége, a vivement réclamé la substitution du tirage cantonal au tirage par commune, dans un rapport joint à l'exposé provincial de 1859, et voici les passages principaux que nous empruntons à son remarquable travail :

« Il arrive souvent, dit-il, que dans telle commune tous les inscrits de l'année sont valides et n'ont droit à aucune exemption, tandis que, dans telle autre, presque toute la classe, et même la classe entière y a droit. Dans cette dernière, l'appel du contingent atteint les numéros les plus élevés et remonte même à ceux des années antérieures; dans l'autre, le contingent est fourni par les plus bas numéros. D'un côté, les jeunes gens valides n'ont aucune chance d'échapper à l'appel; de l'autre, ils ont, année courante, trois bonnes chances pour une mauvaise.

« Dans certains cas, l'inégalité est plus choquante encore. On a vu le contingent assigné à une commune être fourni tout entier par les jeunes gens ajournés les années précédentes. Les inscrits de l'année n'ont eu à fournir aucun contingent. Le tirage, pour eux, n'a eu que de bons numéros ; pour ceux de la seconde commune, dont il est parlé ci-dessus, il n'en a que de mauvais.

« Les convenances administratives se joignent aux considérations d'équité, pour réclamer une réforme à cet égard. Chaque année, il s'élève des contestations touchant le domicile des jeunes gens à inscrire pour la levée de milice, et l'administration est obligée à la surveillance la plus attentive pour empêcher les habitants des communes où la classe, suivant le terme consacré, est mauvaise, de simuler des changements de domicile.

« Un moyen se présente pour rétablir l'égalité. Il consiste à réunir, sous le rapport de la milice, toutes les communes d'un même canton, et à en faire participer tous les inscrits à un tirage unique, dans une même série de numéros. Le contingent, dans ce cas, se répartirait, non plus entre les communes, mais entre les cantons. On diminuerait ainsi considérablement l'inégalité des charges, parce que la proportion du nombre des exemptés à celui des inscrits est à peu près la même pour l'ensemble des divers cantons, les inégalités se compensant entre elles et se perdant dans le grand nombre des inscrits.

« Cette modification diminuerait aussi les animosités qui s'élèvent à l'occasion des opérations de la milice dans le cercle étroit des petites communes. Quand le sort d'un inscrit dépend des décisions qui seront prises par le conseil de milice à l'égard d'un certain nombre d'autres, l'importance qu 'elles présentent pour cet inscrit se subdivise, et a moins d'intérêt à obtenir une exemption pour lui-même. Mais dans les petites communes, le débat se restreint, plus souvent, entre deux individus, et il s'ensuit, entre les deux familles, une lutte de démarches et d'influence; de là résultent des tentatives de fraude et une pression à laquelle cèdent parfois les conseillers certificateurs. Le tirage par canton atténuerait considérablement ces inconvénients; il aurait, en outre, l'avantage de simplifier beaucoup la besogne matérielle des commissariats de milice. >>

Ce système, il est vrai, a soulevé une objection dont nous n'entendons pas dissimuler le caractère sérieux on a dit qu'il tendrait à augmenter fe

nombre des exemptions de soutiens de famille au delà des limites que prescrit l'équité. Les déficits résultant de ces exemptions devant être comblés par des inscrits du canton, abstraction faite de la commune habitée par les exemptés, les certificateurs auront à prononcer entre leurs administrés réclamant le titre de pourvoyants et d'autres inscrits, étrangers, pour la plupart, à la localité. De là, une tentation ou une cause de partialité et de faveur!

Cela est vrai; mais ce qui l'est tout autant, c'est que le mode actuel de délivrance des certificats de pourvoyants est loin d'offrir des garanties suffisantes dans les petites communes, dont le nombre est des plus considérables. C'est ce que fait remarquer, par l'autorité de son expérience, l'honorable M. Jamme.

Que de fois n'a-t-on pas vu, dans un village où toutes les familles se comptent et se scrutent facilement, et qui ne peut fournir qu'un chiffre trèsrestreint d'inscrits, une demande d'exemption de pourvoyant se traduire en une question irritante non-seulement entre les intéressés, mais aussi entre leurs protecteurs respectifs? Sous l'influence de mobiles divers, que souvent ils ne s'avouent pas à eux-mêmes, les certificateurs peuvent être entraînés, dans un intérêt quelconque, à dévier de l'impartialité et de la justice. Des plaintes vives ont longtemps retenti à cet égard: les actes de faiblesse, les abus ont même déterminé le légíslateur, qui a pris en cela une bonne mesure, à autoriser la députation permanente à prononcer l'exemption, lorsqu'elle reconnaît que le certificat a été iniquement refusé.

Est-ce à dire qu'il faille désormais enlever aux administrations communales le droit de délivrer les attestations que leurs administrés respectifs réclament en matière de milice? Evidemment, non : on peut, dans les cantons qui se composeront d'une seule commune, soumettre directement leurs décisions à l'appréciation du conseil de milice, en engageant la responsabilité des signataires plus qu'elle ne l'est aujourd'hui, c'est-à-dire en ne leur permettant pas de l'abriter derrière des témoins tels quels. Dans une commune populeuse, où il y a un très-grand nombre d'inscrits et, par conséquent, beaucoup d'intéressés aux questions d'exemptions, il y a bien moins de prise que dans les petites localités aux intrigues, aux animosités, aux obsessions, aux influences de familles et, disons-le, aux préoccupations électorales. Mais on comprend que lorsqu'un canton est formé de plusieurs communes, il est indispensable que la vel

ité qu'auraient des administrateurs communaux de soustraire leurs concitoyens à la charge de la milice, pour la reporter sur d'autres inscrits, soit arrêtée ou neutralisée par un contre-poids. Aussi, la section centrale propose-t-elle, à cet égard, dans le chapitre XI, un système de contrôle qui y sera expliqué.

Il ne sera pas inutile de fournir maintenant quelques chiffres positifs qui se rapportent à la levée de 1865 dans la province de Liége, pour démontrer combien sont arbitraires les inégalités résultant de la sous-répartition obligatoire du contingent provincial par communes.

On sait que les fractions de calcul sont forcées ou négligées, afin de déterminer pour chacune un

contingent en nombres entiers. Aux fractions de l'année courante sont réunies celles qui ont été tenues en réserve lors de la levée qui a précédé de cette double atteinte à une proportionnalité absolue proviennent, dans les petites localités, des anomalies étranges.

Quatorze communes n'ont qu'un inscrit. Yernée est la seule qui fournisse un contingent d'un homme, les treize autres sont affranchies;

Vingt-trois communes ont deux inscrits. Neuf d'entre elles fournissent chacune un homme, les quatorze autres sont exemptes;

Vingt communes ont trois inscrits. Douze fournissent chacune un homme, aux huit autres on n'en demande pas;

Vingt-huit communes ont quatre inscrits. Vingtsix fournissent un homme, deux, celles de Bierset et de Remicourt, sont sans contingent.

Voilà donc, dans la province de Liége, quatrevingt-cinq communes pour lesquelles la proportionnalité de la répartition est illusoire. L'une, quí n'a qu'un inscrít, doit fournir un homme; trentesept, au contraire, comprenant ensemble soixantetreize inscrits, sont exemptes de tout contingent; les autres flottent entre les deux extrêmes.

Ces inégalités ne se bornent pas à la catégorie des toutes petites communes. Nous voyons, par exemple, Goé, Fallais et Pousset, qui chacune ont huit inscrits, ne fournir qu'un homme, tandis que Neuville-en-Condroz, avec cinq inscrits, en fournit deux, et Strée, avec neuf inscrits, trois.

Si l'on se livrait à un semblable travail de statistique pour toutes les provinces, nous ne doutons pas, quelle que fût la levée sur laquelle on opérerait, qu'on n'eut à constater des résultats analogues. A ces anomalies, s'en joignent d'autres, qui sont la conséquence, non plus du calcul du contingent, mais des exemptions, dont la proportion est nécessairement très-variable dans les communes peu populeuses. Parfois, le hasard veut que tous ou presque tous les inscrits de telle localité aient des droits à l'exemption; l'appel du contingent atteint alors les plus hauts numéros, remonte même aux classes antérieures et les épuise.

Voici ce qui résulte de renseignements que la section centrale a demandés à M. le ministre de l'intérieur :

Pour la levée de 1862, quarante et un hommes ont été rappelés de la 2e classe, cinq de la 3e et neuf n'ont pu être fournis, par suite de l'épuisement des classes;

Pour la levée de 1863, vingt-quatre hommes ont été rappelés de la 2e classe, quatre de la 3e, deux de la 4e et neuf n'ont pu être fournis, par suite de l'épuisement des classes;

Pour la levée de 1864, vingt et un hommes ont été rappelés de la 2e classe, quatre de la 3e, deux de la 4e et six n'ont pu être fournis, par suite l'épuisement des classes.

Les chances défavorables auxquelles sont soumis les miliciens des communes rurales ont un caractère tellement excessif, que les compagnies d'assurance contre les risques du tirage au sort excluent de leurs opérations un grand nombre de ces localités. Telle société a pour règle de n'admettre que les jeunes gens des communes où il y a plus de neuf inscrits et, dans cette limite même, elle exige des versements plus élevés des miliciens des communes rurales que des autres. Telle autre société, sans adopter de règle uniforme, apprécie la situation des communes des miliciens à assurer et n'admet que ceux des localités où les chances

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paraissent suffisamment réparties, tout en se réservant, en outre, le droit de résilier le contrat, si, aprés la signature, il est reconnu que l'assuré doit forcément, et en dépit du sort, étré appelé au service.

La ressource, si précieuse, des assurances préalables fait donc défaut à une foule de communes, et le nombre n'en doit guère ètre au-dessous de mille pour le royaume.

En résumé, le but d'équité que s'est proposé le législateur de 1847, en remplaçant, pour la répartition du contingent, la base de la population par celle du nombre d'inscrits, n'est pas atteint pour une partie considérable du pays, parce qu'on a laissé subsister inflexiblement la sous-répartition par communes dans chaque province. Les appels rétroactifs des numéros élevés des classes antérieures constituent un grave surcroît de charge, qui ne frappe que les habitants des campagnes; de plus, le système actuel entraîne des pertes d'hommes pour l'armée, et il encourage les fraudes qui se pratiquent en matière d'inscription à l'aide de changements de résidence ou de domicile. On peut, en effet, savoir longtemps d'avance que, pour telle levée, les miliciens de telle commune auront beaucoup plus de chances favorables ou défavorables que ceux de telle autre.

En vain on a objecté que, sous le régime de l'unité cantonale, le sort pourra désigner tous les individus valides d'une localité! Ce serait là un hasard tout à fait extraordinaire; mais en supposant qu'il arrive que quelques jeunes gens de l'âge de dix-neuf ans soient obligés de quitter ensemble leurs foyers, laisseront-ils l'agriculture ou l'industrie locale sans bras, sans ouvriers? Il n'en serait ainsi que pour autant que ce hasard se répélât successivement au même endroit pendant plusieurs années, éventualité qu'il n'est pas naturel d'admettre et dont on ne s'est jamais plaint en France, où fonctionne sans réclamations le système cantonal.

Dans les longues discussions auxquelles la législation sur la milice y a récemment donné lieu, plusieurs griefs ont été signalés; mais ce point a échappé à toute critique.

Que voyons-nous actuellement chez nous ? Trop souvent, tous les miliciens valides d'un petit village forcés de servir, non par un hasard qu'amène le tirage, mais par le jeu même du chiffre des inscrits, ce qui est bien moins tolérable.

En définitive, ce n'est pas de l'être abstrait de la commune qu'il faut tant se préoccuper, mais bien des familles elles-mêmes. Il est assez indifférent que, dans une levée, l'on incorpore quelques jeunes gens de plus ou de moins, appartenant à une agglomération déterminée : le sacrifice imposé à une famille ne sera pas aggravé par la circonstance que le sort aura atteint, en même temps, le fils d'une famille voisine.

Quant à l'exercice du droit d'appel des inté ressés en matière de milice, nous l'étendons naturellement à toute la circonscription cantonale, et les décisions rendues par les conseils seront publiées dans chaque commune. Elles ne seront donc pas soustraites à un contrôle sérieux; les investigations pourront être plus multipliées, il est vrai; mais elles ne rebuteront pas les campagnards dans la poursuite de leurs droits: on les voit, en effet, ne ménager ni courses ni peines dans des affaires de moindre importance.

C'est par cinq voix, sur six membres présents, que, dans sa séance du 11 mai 1865, la section cen

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