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20 mars, p. 675-686; 21 mars, p. 687-695; 22 mars, p. 697-708; 23 mars, p. 709-719; 26 mars, p. 721729; 27 mars, p. 732-740; 28 mars, p. 741-750; 29 mars, p. 751-760; 30 mars, p. 761-772; 2 avril, p. 773-782; 3 avril, p. 783-795, et 4 avril, p. 795806. Discussion des articles. Séances des 5 avril, p. 807-817; 6 avril, p. 819-829; 9 avril, p. 831-841; 10 avril, p. 843-859; 11 avril, p. 859868, et 12 avril, p. 869-879. Vote définitif. Séance du 1er mai, p. 890-896.

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Rapport. Séance

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Rapport fait, au nom de la section centrale (a), par M. HYMANS (extrait).

Messieurs,

S'il est un pays au monde qui ait le droit de s'enorgueillir de ses institutions et qui doive tenir à les conserver, c'est assurément le nôtre. Grâce à elles, grâce au respect qu'elles inspirent, nous marchons depuis trente-cinq ans de progrès en progrès, sans lenteurs et sans secousses. Comme le disait le roi, dans ce beau langage qui fit battre vos cœurs, nous avons vu s'accomplir des choses qui, dans un pays de l'étendue du nôtre, ont rarement été réalisées par une seule génération. »

« L'édifice dont le congrès a jeté les fondements, ajoutait Léopold II, peut s'élever et s'élèvera encore. » La nation a compris l'importance de cette patriotique promesse, mais elle sait aussi que l'édifice ne peut s'élever avec sécurité qu'à la condition qu'on en respecte les bases, et pas un homme intelligent n'est disposé à suivre ce système des sauvages qui abattent l'arbre pour en cueillir plus aisément les fruits.

C'est pourtant ce que nous ferions, si d'une façon quelconque, par des mesures inconsidérées, nous abandonnions le gouvernement du pays aux caprices de la multitude.

Tout ce qui touche au système électoral est, dans un pays constitutionnel, de la plus grande importance. Comme les affaires publiques sont faites en définitive par la nation elle-même, il importerales, que le vote qu'elle émet soit sincère et intelligent.

La chambre a, dans sa dernière session, voté un projet de loi ayant pour but de mettre fin à certaines fraudes électorales; ce projet est soumis en ce moment aux délibérations du sénat.

Le gouvernement vient déposer aujourd'hui un projet de loi étendant le droit de suffrage dans les limites et selon l'esprit de la constitution. La base du système qu'il propose est la combinaison du cens et de la capacité. Le cens, tel qu'il a été admis par le législateur constituant, était une garantie de capacité et d'ordre; son élévation excluait, en thèse générale, les personnes présumées incapables de juger les affaires publiques. Mais la présomption de capacité attacliée au cens disparaît, dès qu'on l'abaisse outre me

sure.

La réduction arbitraire du cens sans aucune compensation sérieuse est un acheminement vers le suffrage universel. Une première réduction en entraînera nécessairement une autre, et l'on arrivera ainsi à sa suppression complète. On comprend tout le danger qu'une pareille réforme pourrait entraîner pour le pays, si l'on n'exige pas s de l'électeur des conditions pouvant remplacer les garanties qui résultaient du cens. Ces conditions ne peuvent évidemment se rencontrer dans la connaissance de la lecture et de l'écriture, connaissance insuffisante au point de vue de l'importance des devoirs électoraux et dont au surplus la constatation serait impossible.

Le projet de loi que le gouvernement a l'honneur de soumettre aux chambres abaisse le cens et exige des garanties sérieuses de capacité. Il tient compte à la fois du cens et de la présomption de capacité résultant d'un certain degré d'instruction; Il combine ces deux éléments de manière à n'admettre à l'exercice du droit électoral, au moyen du cens réduit, que ceux qui sont à même d'en user.

Nous avons aujourd'hui cette bonne fortune de pouvoir procéder à une révision des lois électoau milieu du calme le plus profond, sans être troublés dans notre œuvre par aucune pression du dehors. L'expérience n'a signalé dans nos institutions aucun vice radical, et la réforme n'étant pas un but, mais un moyen de corriger des abus qui ne trouvent pas leur remède dans les lois existantes, nous pouvons affirmer hautement que ce n'est pas la nécessité qui nous fait agir. La prévoyance est assurément la principale vertu de l'homme public, et personne d'entre nous ne voudrait agir comme ces habitants de certaines contrées, qui, lorsqu'une maison menace ruine, dédaignent de la consolider et préfèrent attendre pour la rebâtir qu'un tremblement de terre l'ait détruite. Mais au sein de la prospérité qui fait notre gloire, aucun symptôme ne révèle l'existence d'un mal secret qui doive nous inspirer des inquiétudes pour l'avenir. Ordinairement une réforme suppose l'idée d'un péril à conjurer. La réforme actuelle n'a d'autre principe que le désir tout spontané d'appeler un plus grand nombre de citoyens à l'exercice des droits politiques, et notre préoccupation doit être de ne pas créer des dangers contre lesquels une réforme pacifique serait impuissante plus tard à nous préserver.

Če péril, nous pouvons l'indiquer sans blesser aucune classe de nos concitoyens; et nous le ferons en empruntant les belles paroles prononcées par M. Gladstone, à la chambre des communes, à l'appui de son projet de réforme, dans la séance du 12 mars dernier : « L'intention de cette chambre, disait ce grand ministre, n'a jamais été de donner la majorité dans les comices aux classes ouvrières. Ce n'est pas que j'y voie, pour ma part, un danger imminent, mais je crois que la prudence politique nous commande de ne pas introduire des changements trop soudains et trop étendus dans la répartition des pouvoirs. Je ne

(a) Elle était composée de MM. Moreau, président, Dewandre, Nothomb, de Haerne, Thonissen, Allard et Hymans.

crois pas que nous soyons tenus de donner la majorité dans les colléges électoraux à la classe ouvrière.... Il est désirable que l'ouvrier puisse atteindre au droit de suffrage. Si l'on nous accuse de ne pas faire assez pour le moment, nous répondrons qu'il est de notre devoir de prendre en considération les sentiments du pays, favorable à des changements modérés, profondément convaincu de la valeur de ce qu'il possède et très-désireux de ne pas compromettre ces biens en courant les aventures. Je n'ai rien à retrancher des éloges que l'on a décernés à la classe ouvrière, à l'admirable façon dont elle pratique ses devoirs envers ses supérieurs, mais il n'en est pas moins vrai que, pour cette classe, comme pour toute autre, c'est une tentation trop dangereuse de se voir subitement investie d'un pouvoir prépondérant.

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La constitution a limité l'extension du droit de vote pour les chambres législatives, mais elle n'a prescrit le payement d'aucun cens pour les élections provinciales et communales. Il en est résulté qu'à

'à diverses époques on a vu surgir l'idée d'abaisser graduellement cette barrière au suffrage universel, en vue d'arriver un jour à la supprimer entièrement. Mettant à profit le silence absolu du congrès, on a soutenu que l'exercice du droit de vote pour la commune et la province ne devait pas être subordonné aux mêmes garanties d'ordre que le vote pour les chambres. Les intérêts en cause sont assurément moins graves; on peut se contenter de garanties moins sévères, et on l'a fait depuis longtemps. Mais il est incontestable qu'un système dans lequel le cens viendrait à disparaître par cela seul que la lettre de la constitution n'en exige pas le maintien, présenterait d'immenses inconvénients. Il ferait de notre législation électorale un chaos d'éléments contradictoires; il amènerait, dans un avenir plus ou moins rapproché, une pression dangereuse qui pourrait aller jusqu'à poser le problème de la révision de notre pacte fondamental...

Vous n'avez pas oublié dans quelles circonstances la réforme électorale, que l'on dit si vivement réclamée par l'opinion, s'est présentée pour la première fois devant cette chambre. C'était à l'époque de la dernière crise ministérielle. L'abaissement du cens faisait partie du programme d'un cabinet avorté, dont la politique éventuelle fut solennellement condamnée par le pays. Il s'agissait alors d'une réduction du cens électoral, sans aucune compensation...

Ce programme a été repris récemment par l'honorable M. Guillery, avec cette double différence que notre collègue propose de substituer le cens uniforme au cens différentiel, et de subordonner le droit de vote à la condition de savoir lire et écrire (a).

Cette formule séduisante, que l'on pourrait considérer à la rigueur comme le corollaire de l'enseignement obligatoire, est malheureusement entachée d'un vague qui la rend inadmissible dans la pratique sérieuse des institutions représentatives. M. Guillery reconnaît lui-même, dans les développements de sa proposition, que « la lecture

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et l'écriture n'étant pas un but, mais un moyen, l'électeur doit savoir lire de manière à comprendre la pensée d'autrui et écrire de manière à communiquer la sienne. Celui qui ne sait que signer son nom, ne sait pas écrire, celui qui ne sait qu'épeler péniblement, absorbé par le soin de l'épellation au point de ne pouvoir comprendre ce qu'il lit, ne sait pas lire. La demi-connaissance qu'il a acquise ne peut lui être d'aucune utilité. »

Nous acceptons volontiers cette définition, mais comment constater le degré de connaissance de chacun, sans courir le risque de se tromper chaque pas? Comment constater que celui qui, dans son enfance, a su lire et écrire, n'a pas oublié ces notions élémentaires, au moment où il atteint l'âge viril? A quelle autorité confier cette recherche, à quel contrôle la soumettre pour la rendre impartiale? Comment acquérir une certitude? Comment échapper à l'arbitraire?

Disons-le nettement, on ne fait pas dépendre les destinées d'un pays d'un élément d'appréciation aussi fragile. Quand même on exigerait de l'électeur qu'il écrivit lui-même son bulletin dans le bureau électoral, on n'aurait pas encore une garantie sérieuse de sa capacité, et, sans compter que de la sorte on violerait souvent le secret du vote, il est évident que notre système électoral tout entier devrait subir une transformation radicale pour se concilier avec une telle pratique.

Enfin, cette garantie, fût-elie dûment constatée, serait-elle suffisante pour assurer la sagesse du corps électoral? Personne ne le croit dans cette chambre et jusqu'ici personne n'y a émis l'idée de proclamer le suffrage universel sous cette seule réserve. L'honorable M. Guillery ne propose pas même d'abaisser le cens dans les communes de moins de 2,000 âmes, qui forment l'immense majorité des communes belges, et dans lesquelles la preuve de capacité deviendrait pour l'avenir un élément restrictif du droit de vote. Mais il va de soi que la barrière opposée par l'honorable député de Bruxelles aux envahissements de l'ignorance ne pourrait subsister longtemps en présence de cette étrange anomalie qui exclurait du scrutin pour la province et la commune tout citoyen ne sachant ni lire ni écrire, payât-il le maximum du cens, tandis que ce même citoyen illettré serait jugé capable de participer aux élections pour le sénat et pour la chambre.

La lecture et l'écriture, telles qu'on les enseigne à l'école primaire à tous les enfants de sept à douze ans, constituent d'ailleurs une si faible garantie de capacité, que le bon sens public, un instant abusé, se révolterait bientôt contre une mesure qui donnerait à certains individus un prévilége, du chef d'une capacité dérisoire, et se transformerait en une injuste défiance envers beaucoup d'autres.

Ces diverses considérations réunies expliquent comment, dans les sections très-nombreuses, la condition de savoir lire et écrire, qui formait le trait principal de la proposition de M. Guillery, a été rejetée par quarante-huit voix contre douze et dix-sept abstentions.

Art. 2. L'article 5 de la loi provinciale est remplacé par l'article suivant :

Art. 5. Sont électeurs ceux qui réunissent les conditions prescrites par la loi communale. Les articles 6 et 7 de la même loi sont abrogés. (Voyez les développements de cette proposition: Ann. pari., 1865-1866, p. 147; et Docum. parl., p. 92.)

Personne, hâtons-nous de le dire, ne s'est prononcé contre le principe même de l'abaissement du cens, et bien que les questions n'aient pas été posées de la même manière dans les diverses sections, il résulte de l'examen de leurs procès-verbaux et du sens de leurs résolutions, que le système du gouvernement, qui tend à combiner le cens avec la capacité, y a été adopté par trentequatre voix contre vingt-neuf et cinq abstentions. Les différences radicales qui existent entre ce système et celui de l'honorable M. Guillery sont faciles à saisir.

M. Guillery réduit le cens provincial et communal au taux uniforme de 15 francs, à la condition que l'électeur sache lire et écrire, et, sauf les droits acquis, exclut pour l'avenir, des listes électorales, tout citoyen illettré.

Le projet du gouvernement maintient le cens actuel pour tous les illettrés, et le diminue de moitié, dans toutes les communes, pour les citoyens qui fournissent la preuve d'une certaine capacité.

Il n'enlève donc rien à personne, tandis que la proposition de M. Guillery, limitant ipso facto l'accroissement du nombre des électeurs dans près de 2,000 communes (a), peut avoir en outre pour résultat d'arrêter ailleurs la progression des listes, par l'effet de la compensation qui s'établira entre la réduction du cens, d'une part, et l'introduction d'un nouvel élément de garantie, d'autre part.

Le système du gouvernement, en donnant une valeur aux certificats de fréquentation des écoles moyennes, des écoles primaires supérieures, des écoles industrielles, de toutes les écoles qui, pour être utilement fréquentées, exigent la connaissance préalable des matières faisant partie de l'enseignement primaire, décerne une patriotique et noble récompense à l'étude, et inscrit dans la loi la plus belle compensation des sacrifices accomplis par les classes laborieuses pour l'instruction de leurs enfants. On a dit que les écoles moyennes sont peu nombreuses et que les enfants des campagnards ne les fréquentent guère. On peut répondre à la première objection qu'une réforme électorale sagement combinée stipule au point de vue de l'avenir, et que le projet du gouvernement renferme l'engagement tacite de multiplier les écoles et de les mettre de plus en plus en harmonie avec les besoins de la nation. On a tort de prétendre, d'autre part, que les populations rurales ne profitent en aucune façon des bienfaits de l'instruction moyenne. Niera-t-on que bien des enfants du village aillent chercher l'instruction au chef-lieu de canton? C'est à ceux-là que la loi réserve une juste faveur quand ils atteignent l'âge viril. Qu'on n'oublie pas, du reste, que le cens peut descendre jusqu'à 50 francs dans les petites communes, et qu'il faut à leurs habitants moins d'efforts pour y atteindre qu'à ceux des villes; que les habitants d'une même agglomération seront placés du reste sur la même ligne, quant à la faculté de s'instruire, et c'est une pensée vraiment libérale que d'accorder un avantage matériel à ceux qui auront pris peine de s'instruire autrement que par la fréquentation banale de l'école primaire.

La proposition de M. Guillery n'accorde aucun avantage à la capacité. Le projet du gouvernement

(a) D'après les développements de la proposition de M. Guillery, celle-ci aurait pour résultat de réduire en réalité le cens au-dessous de 15 francs, en comptant à l'élec

fait intervenir la capacité comme un des éléments constitutifs du droit électoral.

Qu'il nous soit permis de le rappeler ici, jusqu'à l'abaissement du cens pour les élections législatives au minimum fixé par la constitution, l'adjonction des capacités fut une des parties essentielles du programme de l'opinion libérale. Celle-ci proposait d'accorder le suffrage à tous ceux qui figuraient sur la liste du jury, à la condition qu'ils payeraient 20 florins d'impôts directs, tandis que, dans les grandes villes, le cens atteignait 60, 70 et 80 florins. Le système du projet de Toi soumis actuellement à vos délibérations est l'application du même principe. On maintient le cens établi par le congrès comme garantie d'ordre et de conservation aussi bien qu'à titre de présomption de capacité, bien qu'on prétende quelquefois le contraire. Mais on accorde à la capacité, régulièrement constatée par des diplômes, des brevets, des arrêtés de nomination, le droit de suffrage fondé sur le cens que payerait le titulaire, s'il n'en était pas exempté par la loi.

Les mots que nous venons de souligner ont une grande importance, parce qu'ils expliquent pour quelle raison l'on n'est pas descendu plus bas que les employés jouissant d'un traitement de 1,500 fr. Cotés à la 13e classe du tarif A de la loi de 1819, modifiée par celle de 1849, ces employés payeraient, s'ils n'en étaient dispensés, une patente équivalente au cens réduit. Aller au delà ce serait supprimer la garantie du cens et créer un privilége. Leur qualité officielle constatée par les arrêtés qui les nomment, les fonctionnaires et employés dont il s'agit prouveront leur degré d'instruction par les diplômes académiques, depuis celui de docteur jusqu'à celui de gradué en lettres, ou par un certificat d'où il résultera qu'ils ont fréquenté, pendant trois années, une école moyenne. Il n'en est pas un qui ne soit en état de fournir cette preuve. On a demandé que le bénéfice de la loi fút accordé aux officiers de l'armée; ils sont évidemment compris parmi les fonctionnaires de l'Etat, de même que les médecins vétérinaires sont placés sur la même ligne que tous les autres médecins, qu'ils payent la patente ou que la loi les exempte.

On nous demande encore, par voie de pétition, le droit de suffrage pour les citoyens qui, payant la moitié du cens actuel, ont suivi les cours du second degré dans une école régimentaire, et ont été admis à l'école militaire. Il va de soi qu'un brevet d'admission à l'école militaire aura, dans l'espèce, la même valeur qu'un diplôme académique; d'autre part, la fréquentation d'une école régimentaire vaudra celle d'une école moyenne, pourvu que l'on ait besoin, pour y être admis, de la connaissance préalable des matières faisant partie de l'enseignement primaire.

Le projet de loi admet, du chef de leur patente, les employés privés jouissant de 1,500 francs de traitement et justifiant de la fréquentation d'une école moyenne. Nous avons dit plus haut pour quel motif on ne descend pas au-dessous de ce chiffre.

On le voit, dans ce système, le cens, réel ou présumé, reste toujours la base du droit. La capacité n'intervient que pour le réduire dans certaines proportions.

teur les impôts directs payés à la province et à la commune. Mais il faut noter dès à présent que cette idee n'a été admise dans aucune section.

Il n'est donc pas juste de prétendre, comme l'ont fait quelques orateurs dans les sections, que les auteurs du projet marchaient à l'encontre de l'esprit du congrès (a), en substituant la capacité au cens. Nous l'avons déjà dit, les capacités proprement dites et officiellement constatées payeraient le cens si la loi ne les en avait formellement exemptées. Quant à l'avantage résultant de l'instruction générale, il ne viendra à l'esprit de personne de prétendre qu'il puisse être considéré comme un privilége.

Nous venons d'exposer l'ensemble du système de la loi qui nous est proposée par le gouvernement. Il peut se résumer en trois points:

Réduction du cens à la moitié du taux actuel pour tous les citoyens qui produisent un certificat d'instruction moyenne.

Admission des employés privés, pourvu qu'ils payent une patente représentant le cens réduit et qu'ils prouvent leur instruction.

Admission des capacités officielles, à la condition qu'elles possèdent la base du cens réduit, que la loi de 1819 les dispense de payer effectivement.

que

Qu'une telle réforme paraisse inacceptable aux partisans du suffrage universel, nous le comprenons à merveille, car elle lui oppose une barrière infranchissable. Elle n'appelle au vote la partie éclairée de la population. Elle réduit le cens pour tous les citoyens qui ont acquis un titre appréciable à cette réduction. Elle maintient en outre le droit électoral aux mains de ceux qui fournissent, par le payement du cens intégral, des garanties d'ordre et d'indépendance qui ont paru suffisantes jusqu'ici.

turne, dévorer ses enfants. Au lieu de persuader
aux ouvriers qu'ils sont des proscrits et des ilotes
dans la société, montrons-leur ce que peuvent le
travail et la constance, sous l'égide inappréciable
d'une liberté sans égale. Montrons-leur la bour-
geoisie se recrutant chaque jour dans le peuple,
et l'instruction, mise à la portée de tous, entraînant
après elle l'indépendance et parfois la fortune.
Disons-leur qu'avec la réforme aujourd'hui pro-
posée, il n'est pas un citoyen qui ne puisse attein-
dre à l'exercice des droits politiques. Tâchons de
leur faire comprendre « qu'il y a quelque sagesse
à n'étendre le suffrage que successivement et par
degrés, de manière à éviter les brusques secousses
dans le corps politique (a). » Montrons-leur encore
que « le progrès des lumières constamment invo-
qué en faveur de l'extension du suffrage ne pré-
sente lui-même aucun changement brusque et
n'est considérable que lorsque l'on compare l'état
de la population à des dates très-éloignées l'une de
l'autre (b). »

Disons-leur enfin de méditer ces paroles qu'un
des écrivains les plus illustres de ce siècle, his-
torien, orateur, homme d'Etat, lord Macaulay,
adressait le 2 novembre 1852 au peuple d'Edim-
bourg (c):

« Vous connaissez mon opinion sur le suffrage universel, et je me présente devant vous avec cette opinion justifiée par tout ce qui s'est passé en Europe durant ces dernières années. Nous savons, par les preuves les plus évidentes, que le suffrage universel, même avec le vote secret, n'est pas une garantie contre l'établissement du despotisme. Mais j'entrevois dans un prochain avenir une extension du suffrage, amenée par les voies les

C'est là une réforme à la fois prudente et libérale, prudente en ce qu'elle empêche la prépondé-plus rance d'une classe dans la gestion des affaires publiques, libérale en ce qu'elle donne à tout citoyen sans exception le moyen d'atteindre le droit de suffrage.

Nous ne saurions trop le répéter: ce n'est point par l'effet d'une injuste défiance envers la classe ouvrière que le sentiment réfléchi de la nation se prononce avec tant d'énergie contre la mise en pratique du suffrage universel. Dans une société parfaite, il serait l'idéal ; dans ce monde où l'égalité absolue est un rêve, il crée à chaque heure des tentations dangereuses, bientôt exploitées au profit d'un despote. Jean-Jacques Rousseau l'a dit dans son immortel Contrat social: « Il n'a jamais existé de véritable démocratie, il n'en existera jamais. Ajoutons qu'il n'y a pas de gouvernement si sujet aux guerres civiles et aux agitations intestines, que le démocratique ou populaire, parce qu'il n'y en a aucun qui tende si fortement et si continuellement à changer de forme, ni qui demande plus de vigilance et de courage pour être maintenu dans la sienne. S'il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. >> N'ambitionnons donc pas ce rôle aisé des tribuns dont l'orgueil s'abaisse à flatter la multitude. Nous l'avons vue trop de fois, comme Sa

(a) Le congrès a rejeté un amendement de M. de Foere qui proposait l'admission, avec un cens réduit, des citoyens exerçant des professions scientifiques. Plus tard, en s'occupant de la loi électorale, il a rejeté une proposition anologue de M. Van Snick. Qu'on nous permette cependant de constater qu'au congrès libéral de 1846, M. Defacqz, l'auteur de l'amendement qui devint l'art. 47 de la constitution, et M. Forgeur, l'adversaire de M. l'abbé de

heureuses et les plus sûres. Je sais que les
utopies ne peuvent qu'aggraver les misères
qu'elles prétendent soulager. Je sais que l'on peut
par des lois appauvrir les riches, mais qu'il est
impossible d'enrichir les pauvres. Mais le progrès
social, fécondé par la liberté, renferme la solution
la plus heureuse de la question du suffrage. Nous
rendons nos institutions plus démocratiques, non
pas en abaissant la franchise au niveau des
masses, mais en élevant, dans un temps très-court,
relativement à l'existence de la nation, les masses
au niveau des droits politiques. >>

Rapport de la commission de l'intérieur du sénat
(extrait).

Messieurs,

Toute proposition de modifier les lois électorales, c'est-à-dire les lois en vertu desquelles sont créés le pouvoir parlementaire, les autorités provinciales et communales, mérite le plus sérieux

examen.

Mais si l'on ne doit toucher à ces lois qu'avec une extrême prudence, et seulement dans le cas d'une nécessité ou du moins d'une utilité bien démontrée, il faut, d'un autre côté, se garder de maintenir dans des limites trop étroites le droit de suffrage et d'opposer un refus peu intelligent à des aspirations légitimes.

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Partant de ces principes, vos commissions se sont demandé si l'intérêt public réclame que le droit de suffrage soit accordé à des citoyens qui n'en jouissent pas maintenant.

Pour les élections aux chambres, l'extrême limite fixée par la constitution étant atteinte, aucune réduction ultérieure n'est possible sans un changement à notre charte, changement que repousse l'immense majorité du pays.

En vertu des lois existantes, on ne compte, il est vrai, pour former le cens électoral, que les contributions directes versées au trésor de l'Etat, ce qui exclut les centimes additionnels perçus au profit des provinces et des communes. En comptant, pour former le cens, ces centimes additionnels, le nombre des électeurs serait considérablement augmenté et, il faut bien le reconnaître, ces nouveaux électeurs n'offriraient pas moins de garanties pour assurer le maintien de nos institutions que les censitaires actuels.

Si ces centimes additionnels, ou du moins un certain nombre de ces centimes additionnels, étaient, par la loi ou en verta de la loi, attribués aux provinces et aux communes d'une manière fixe et uniforme, il serait constitutionnel, juste et logique de les comprendre dans la formation du cens électoral, puisque ces centimes, ajoutés aux impôts directs, ont nécessairement le même caractère que la contribution même dont ils ne sont que l'accessoire; mais les lois provinciale et communale n'étant ni obligatoires ni limitatives à cet égard, il est impossible de faire dépendre le droit électoral de la volonté arbitraire des communes, des provinces, et en dernière analyse du gouvernement lui-même. Ce système pourrait créér de choquantes et même de frauduleuses inégalités.

On a cru trouver dans la loi du 12 juillet 1821 le principe fixe auquel nous faisions tout à l'heure allusion. Le sénat l'a même appliqué en adoptant un projet dû à l'initiative de deux de ses membres et relatif au cens d'éligibilité pour le sénat; mais il a été reconnu depuis que la loi de 1821 n'étant plus en harmonie avec les pouvoirs donnés aux conseils provinciaux et communaux, cette loi, quant à ce point, est virtuellement abrogée. Il ne faut donc plus, dans l'état actuel de la législation, songer à réduire le cens d'une manière indirecte, en comptant, pour le former, les centimes additionnels communaux et provinciaux ; mais il n'est pas impossible, vu la situation présente des finances communales et provinciales, de trouver une combinaison qui rende uniforme et fixe l'établissement d'une partie au moins de ces contributions accessoires, et qui permette ainsi de les comprendre dans la formation du cens électoral.

Plusieurs membres ont exprimé le désir que le gouvernement examine cette question dans le sens qui vient d'être indiqué; ils pensent qu'une augmentation du nombre d'électeurs, obtenue par ce moyen, serait désirable, puisqu'elle ferait participer à la vie publique des citoyens qu'il est injuste d'en exclure, dès qu'ils offrent les garanties voulues; ils sont d'avis qu'il serait même sage et prudent de les appeler aux comices électoraux, pour donner à la constitution des pouvoirs publics une bere plus large et plus solide.

Le même obstacle constitutionnel ne s'oppose pas à la réduction du cens pour la commune et la province; nous disons à la réduction et non à la suppression du cens, car si la suppression du cens n'est pas interdite par la lettre de la consti

tution, cette suppression totale est évidemment contraire à son esprit.

Peut-on concevoir, en effet, que le congrès national, qui a subordonné le droit électoral pour les chambres, non-seulement au principe du cens, mais à un cens dont le minimum et le maximum ont été irrévocablement fixés, peut-on concevoir que le congrès, qui a établi cette base parce qu'il la considérait comme un élément indispensable de conservation, d'ordre et de sécurité, ait accepté pour la province et pour la commune un autre élément électoral, un élément que, par prudence, cette assemblée avait repoussé pour l'élection des chambres législatives?

Des membres, partisans d'une réduction de eens pour les élections provinciales et communales, ont tenu à consigner ici ces observations pour manifester leur opinion contraire au suffrage universel, c'est-à-dire au droit de vote donné à ceux mêmes qui ne payent aucun cens. D'après ces mêmes membres, une réduction modérée du cens, loin de conduire au suffrage universel, éloignerait, au contraire, cette éventualité, puisque l'on tiendrait compte ainsi, dans une juste mesure, de la situation des esprits, du progrès politique et intellectuel réalisé en 1 330, et qu'on satisferait à des vœux dont on ne peut pas méconnaître le fondement et la légitimité.

Quoi qu'il en soit, aucune proposition n'étant faite, vos commissions n'ont pas eu de vote à émettre sur cette grave question.

La mesure proposée par le projet qui vous est soumis emporte, il est vrai, une réduction de cens, mais une réduction combinée avec une condition considérée comme une présomption de capacité.

Cette question de principe, dans laquelle se résume la partie importante de la loi, a fait l'objet de l'examen le plus sérieux et le plus approfondi.

Est-il conforme à la constitution d'accorder un privilége électoral à une certaine catégorie de personnes, à raison de connaissances présumées ? C'est la première question dont vos commissions ont abordé l'examen.

Plusieurs membres ont considéré cette disposition comme inconstitutionnelle à deux points de vue : 1o parce qu'elle établit une classe privilégiée, une espèce d'ordre des lettrés en faveur desquels se trouve violé le principe d'égalité écrit dans l'article 6 de la constitution; 20 parce qu'elle substitue, partiellement au moins, à la base du cens, la base d'une capacité présumée, base que le congrès a formellement repoussée toutes les fois que la question lui a été soumise.

Il a été répondu à ces objections que le cens n'étant lui-même qu'une présomption de capacité, il n'était pas interdit au législateur de combiner cette présomption avec celle résultant d'études faites dans des conditions déterminées; que cette dernière présomption avait même une plus grande valeur que celle attachée au cens, et ne pouvait, pas plus que cette dernière, violer l'égalité constitutionnelle des citoyens. On a prétendu, en second lieu, que le congrès avait laissé cette question entière, au moins pour les élections provinciales et communales.

Avant de voter sur cette objection constitutionnelle, vos commissions ont abordé l'examen de la question sous un autre rapport.

La disposition projetée s'appuie-t-elle sur la raison, la justice, l'utilité?

Que l'on répute incapables d'exercer le droit électoral tous les citoyens ne réunissant pas cer

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